Immortelles, Laure Adler
Immortelles, 5 septembre 2013, 362 pages
Ecrivain(s): Laure Adler Edition: Grasset
L’amitié, ce sentiment si précieux, peut nous conduire à un peu d’éternité. C’est à cette célébration que souhaite nous faire assister Laure Adler dans son roman Eternelles. C’est le récit des parcours de trois femmes, Judith, Suzanne et Florence, qui ont toutes, à différents moments de leurs vies respectives, rencontré la narratrice, l’ont marquée, influencée, façonnée dans ses choix de vie, affectifs, sociétaux.
Judith a passé son enfance en Argentine, issue d’une famille d’origine juive polonaise. Sa mère, Ethel, connaîtra la France durant la seconde guerre mondiale. Suzanne, marquée dès l’enfance par l’absence d’un père parti, dit-il, installer des filiales pour le compte d’une grande entreprise au Brésil, éprouve très tôt l’impératif de la recherche de la liberté ; elle se compare à Albertine, personnage de La Recherche du temps perdu. Elle est devenue « une fille murée ». Florence, pour sa part, cherche son salut dans les spectacles, dans le théâtre, art dont elle est éprise. Elle fréquente assidûment le festival d’Avignon, assiste aux débordements du Living Theater, à la mise en cause de Jean Vilar par des contestataires.
Ce qui lie la narratrice à ces trois femmes, ce sont des dettes culturelles, des influences : ainsi Suzanne fait-elle découvrir Les nourritures terrestres de Gide au cours de séance de lecture commune.
Bien plus tard, c’est Judith qui assiste avec la narratrice au séminaire de Lacan. Elles découvrent les cours de Julia Kristeva, de Benveniste, tandis que Suzanne qui a intégré l’univers médical se passionne pour les patients de la clinique de La Borde, dirigée alors par le psychiatre Félix Guattari.
Ces femmes, chacune dans leur parcours, s’apprennent à vivre, à aimer, à avorter pour ce qui concerne Judith. Elles rayonnent de leurs passions, telle l’implication dans les actions humanitaires pour Suzanne.
La fin du récit est amère ; l’auteure avoue : « La faucheuse n’a pas été tendre avec notre génération. Pas de plan de vie, pas de désir particulier de rester en vie. Nous n’y pensions même pas. Nous nous sentions immortelles ».
On retiendra de ce roman cet hymne à l’amitié, à la rencontre des autres, cet appel à « dormir le cœur ouvert » comme le chantait Gilles Vigneault. Ce roman célèbre aussi l’utopie, le pouvoir des idées et des personnes sur nos vies. Précieux rappel s’il en fut.
Stéphane Bret
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