Désolations, David Vann
Désolations, 300 pages, 23 €
Ecrivain(s): David Vann Edition: GallmeisterLe premier roman de David Vann, Sukwann Island, avait été un choc. Un véritable coup de poing littéraire, aussi âpre et lyrique, qui entraînait très loin dans les noirceurs de l’âme humaine et laissait pantois. Le deuxième roman de l’auteur était fortement attendu. Peut-être trop. Ce qui fait que, malgré d’indéniables qualités, Désolations ne convainc pas entièrement. Sans doute est-ce aussi dû au fait que David Vann reprend les mêmes ingrédients, la même recette, comme si, d’une certaine manière, il n’avait pas su se renouveler. La trop grande similitude entre les deux livres pousse à la comparaison et elle n’est malheureusement pas en faveur de Désolations. On a ainsi parfois l’impression de lire une version longue, et quelque peu diluée, du premier ouvrage.
Alors que Sukwann Island se concentrait sur la confrontation entre un père et son fils, Désolations voit plus large et convoque toute une famille.
La retraite arrivant, Gary et Irene ont décidé d’aller vivre sur l’île de Caribou Island (le titre original du livre), en Alaska. Pour Gary, s’installer au milieu de la nature est le rêve de toute une vie. Sa femme, elle, est beaucoup plus sceptique.
« Si vous vouliez jouer les idiots et tester vos limites, voir jusqu’où les choses pouvaient mal tourner, c’était l’endroit idéal ».
Elle confie à sa fille, Rhoda, que les faire emménager dans cette île est pour Gary un moyen de la quitter, car il n’oserait jamais partir de lui-même. Même si elle y rechigne, elle le suit quand même car elle ne supporterait pas d’être abandonnée.
Pour ne rien arranger, elle est victime de maux de tête d’une rare violence qui l’empêchent de dormir. Tous les médecins qui l’ont examinée n’ont pourtant pas été en mesure de diagnostiquer quoi que ce soit…
Gary est un homme impatient, qui veut tout, tout de suite. S’installer à Caribou Island est le projet de toute une vie, mais il ne s’est pas organisé comme il l’aurait dû. Il a pris beaucoup de retard. Il aurait été plus sage de laisser passer l’hiver avant de se lancer, mais il n’en peut plus d’attendre. Pour Irene, leur installation à Caribou Island va être un échec car Gary n’a connu que des désillusions dans tous ses projets.
« Quand il aura échoué à construire sa cabane, un rêve de trente ans, il sera obligé de s’éloigner, en quête d’une distraction plus grande ».
Le naufrage de Gary et Irene a pour témoin leur fille, Rhoda. Elle aimerait bien que Jim, avec qui elle vit, la demande en mariage. Mais il la trompe avec Monique, une fille de passage, vague connaissance du fils, Mark, qui préfère, lui, se tenir à l’écart de sa famille…
David Vann possède un vrai talent pour faire monter la tension. En quelques petites touches, un détail ou une réplique, il parvient à créer une atmosphère plus glaçante encore que l’hiver alaskien dans lequel s’empêtrent ses personnages.
Vivre dans la nature n’a rien d’un paradis, au contraire. Car la nature, en Alaska, aux premières heures de l’hiver, est redoutable. Le froid transperce, ne laisse pas une seconde de répit. Quelques minutes d’inattention et l’issue peut être fatale.
La nature a également ce don de mettre en exergue les défauts des hommes, de les mettre face à leurs problèmes et leurs responsabilités. Elle devient un révélateur, subjugue toutes les folies. La tension monte. Plus le froid se fait intense, plus les rapports se font électriques. Jusqu’à l’explosion.
Yann Suty
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