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Critiques

Météores, Stéphane Barsacq (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 10 Février 2022. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

Météores, Editions de Corlevour, Revue Nunc, 2020, 196 pages, 15 € . Ecrivain(s): Stéphane Barsacq

 

« Ce n’est encore rien d’être né ; ce qu’il faut, c’est renaître ; renaître à soi et au monde ; renaître à la divinité qui nous importe et qui nous inspire » (Défi).

« Proust baroque, d’une intégrité sans faille, n’a-t-il pas publié lui-même de nombreuses versions des mêmes œuvres, pour se corriger toujours et continuer plus avant (c’est-à-dire en aval) sa recherche, que l’on pourrait qualifier d’optimiste, du temps perdu ? » (Leonhardt).

Souvent ici même les grands classiques et les grands modernes, les livres fondateurs, nécessaires et essentiels sont revisités, preuve s’il en était, que l’actualité des romans, des recueils et des essais, s’appuie sur leur force, leur originalité, leur style, leur savoir et leur saveur et non uniquement sur l’actualité de leur parution. Certains livres sont éternels, ils se transmettent, s’offrent, se classent, et attendent avec patience et sérénité qu’une main s’en saisisse et qu’un regard nouveau s’y glisse, pour ne plus s’en détacher.

Le Cavalier de la nuit, Robert Penn Warren (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 09 Février 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Séguier

Le Cavalier de la nuit, Robert Penn Warren, février 2022, trad. anglais (USA) Michel Mohrt, 608 pages, 22 € . Ecrivain(s): Robert Penn Warren Edition: Séguier

 

L’origine du roman

Robert Penn Warren avait 34 ans lorsque son premier roman Night Rider (traduit et publié en France en 1951 sous le titre Le Cavalier de la nuit) fut publié en 1939 aux États-Unis. Né dans la ville de Guthrie au Kentucky, un Etat du Sud au surnom évocateur de Bluegrass state, pour ses vallées agricoles prospères, ses riches pâturages et ses plantations de tabac, il rejoint au début des années 1930 d’anciens condisciples écrivains de l’Université Vanderbilt pour fonder un groupe littéraire aux références agrariennes : les Southern Agrarians.

Des précisions biographiques qui éclairent le choix par Robert Penn Warren d’un épisode particulièrement douloureux de la vie des planteurs de tabac du Kentucky au tout début du XXème siècle, qui va servir de trame historique à son roman. C’est en effet dans les années 1904-1909 que les Etats du Kentucky et du Tennessee, premiers fournisseurs mondiaux de tabac noir, connurent une période de troubles civils et de violences, plus connue sous le nom de Black Patch Tobacco Wars.

Sergent Getúlio, João Ubaldo Ribeiro (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 08 Février 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Gallimard

Sergent Getúlio (Sargento Getúlio, 1971), João Ubaldo Ribeiro, trad. portugais (Brésil) Alice Raillard, 181 pages, 7,50 € Edition: Gallimard

 

Dans les traces glorieuses de João Guimarães Rosa (Diadorim) et de Juan Rulfo (Le Llano en flammes), ce roman magistral nous emmène sur les pistes sèches et poussiéreuses du Sertão brésilien et les sentes verdoyantes du Sergipe et nous invite, comme ses illustres prédécesseurs, à partager la noirceur, la violence et le désespoir de la vie des damnés de cette terre. João Ubaldo Ribeiro élève un chant funèbre, une mélopée sombre entonnée par un narrateur unique, dont le flux de conscience constitue la totalité du roman. L’écriture de Ribeiro agit comme une mithridatisation sur le lecteur, comme un poison injecté par doses infimes et qui provoque une accoutumance totale. Plus le roman avance, plus le style et la musique particulière de Ribeiro prend son ampleur, sa puissance, sa force de pénétration.

Si l’on pense en premier lieu aux maîtres sud-américains cités, le flot ouvert par le sergent Getúlio, évoquant pêle-mêle souvenirs personnels, événements politiques et historiques brésiliens, considérations personnelles sur la vie, la mort, les hommes, Dieu et le Diable, nous rappelle aussi le chemin terrible de Méridien de sang de Cormac McCarthy.

La Fin de l’amour, Enquête sur un désarroi contemporain, Eva Illouz (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 07 Février 2022. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Points

La Fin de l’amour, Enquête sur un désarroi contemporain, Eva Illouz, septembre 2021, trad. anglais, Sophie Renaut, 544 pages, 11,80 € Edition: Points

 

 

Durant des siècles, l’art n’a cessé de célébrer l’amour, sa naissance, ses tourments, ses joies, voire son éternité. D’innombrables œuvres incitent ainsi à croire en l’amour, à désirer le vivre et, surtout, le partager, comme faisant partie de notre humaine condition. À ceci près qu’elles semblent quelque peu déplacées à l’époque moderne, voire en totale et douloureuse contradiction avec elle : quiconque, et peut-être est-ce le cas d’Emma Bovary en premier, confronte ses rêves à la réalité sentimentale moderne essuie une déconvenue cuisante, douloureuse – et déjà en 1956, Erich Fromm, un psychanalyste, constatait que L’Art d’aimer semblait en contradiction avec la modernité.

Capter l’indicible, Silvaine Arabo (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 07 Février 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Capter l’indicible, Silvaine Arabo, éd. Rafael de Surtis, Coll. Pour une Terre interdite, 2021, 80 pages, 15 €

 

 

C’est évidemment un paradoxe que de vouloir, comme le fait Silvaine Arabo, consacrer son dernier recueil à « capter l’indicible », c’est-à-dire à saisir, circonscrire, retenir par les mots ce qui par définition ne saurait l’être. Dès le titre s’installe donc une tension qui va traverser les soixante-six poèmes du recueil qui sont comme autant de tentatives pour la résoudre, ou mieux pour en tirer tout le potentiel poétique, tout le suc. Il s’agit de faire advenir, par une intensité d’observation et d’écoute, la véritable nature du monde qui nous entoure et que les vers vont s’efforcer de révéler. Avec peut-être, au bout du compte, l’éventualité de « n’aimer désormais /…Que l’aile et son reflet / Et l’eau de la rivière », de « descendre doucement vers le fleuve /…Pour s’y dissoudre », comme le suggèrent le premier et le dernier poème du recueil, horizon de cette quête qui est aussi un cheminement personnel.