Contredanses macabres (Synopscènes) Patryck Froissart (par Patrick Devaux)
Contredanses macabres (Synopscènes) Patryck Froissart poèmes éditions Constellations (2025,121 pages, 13 euros)
Ecrivain(s): Patryck Froissart
Patryck Froissart fait parler un « Dieu-Verbe » suggérant une « démarche de salubrité mentale ». Son ton me rappelle un peu celui du poète Jacques Demaude qui était lui un croyant alors que Patryck s’en prend plutôt aux « dieux inouïs ».
Entre ses mots gronde une sourde colère : « Sang innocent sourd de l’écran/L’insane atteint l’ultime cran/Le feu le froid l’affre la guerre/ Il y a tant et tant à faire ».
En parallèle le poète pose régulièrement la question inhérente aux rêves enfouis : « Ô Mère où sont les fées les sylvains les follets ? Où se sont envolés les elfes désolés ? ».
Nul constat sans intention : « Dans tous les cahiers d’écoliers/ Démystifions les médaillés ». Pas un mot de trop ; tout est pesé en prônant parfois la pureté des origines : « J’aspire aux errements des déserts impubères/ Aux vierges vibrations des oasis berbères ».
Cette poésie s’affirme entre prise de conscience, pause salutaire et émerveillement presque malgré le monde tel qu’il est : « Vrai ! le regard me plaît de l’horizon qui dort/ De l’anse bleue qui baille et du lagon tranquille/ Au pied du morne sage assis sur la presqu’île/ Haut gardien des gréements flegmatiques du port ».
Le balancement entre l’espérance et la prise de conscience tragique est presque omniprésent. Une poésie franche, honnête et efficace quand le poète s’engage humainement avec une certaine provocation qui m’a parfois fait penser à Villon : « Par le vitrail coule la treille/ Au long de l’or de rais obliques/ Directement dans nos calices/ A gorge grand ouverte ô divine bouteille/Ballonnons vite nos barriques/ Au point qu’explosent nos varices/ Buvons/ C’est le sang du saigneur ».
Très certainement un des meilleurs recueils de ce poète qui ne mâche pas ses mots : « Espèce suicidaire/Accélère accélère/Ton passage éphémère/N’est-il plus un trouvère/ Hostile aux chants de guerre ? »
A sa façon cette poésie me rappelle également les « ténébreux lucides » comme Germain Nouveau.
Du grand art pour dire, dénoncer et, bien sûr, se révolter tout en faisant preuve d’une esthétique enthousiasmante :
« La beauté rare se médite/ Je veux en moi la ressasser » nous dit l’auteur.
Profitez donc de cette beauté sans doute moins éphémère que notre côté charnel : « De leur vase les vers gourmandement m’observent/ Il ne me déplaît pas qu’à déjeuner je serve » confirmant ainsi cette idée que, pour le poète, jusqu’à l’aboutissement de ce qu’il dit, dira, son seul temple « est dans la nature » et que « tout le reste est littérature ».
Patrick Devaux
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