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Comme un rire de lumière, Charles Tomlinson

Ecrit par Matthieu Gosztola 29.08.16 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Poésie

Comme un rire de lumière, Éditions Caractères, édition bilingue, trad. anglais Michèle Duclos, préface Michael Edwards, dessins Charles Tomlinson, 128 pages, 20 €

Ecrivain(s): Charles Tomlinson

Comme un rire de lumière, Charles Tomlinson

 

Michael Edwards constate avec justesse que la poésie de Tomlinson, « vibrant de tant de présences observées, élucidées et mises en œuvre, s’intéresse souvent […] à l’inaperçu et à l’absent ». Il n’est que de se reporter au poème « The Track of the Deer » (« La Trace du chevreuil ») pour s’en rendre compte.

 

… The track of the deer

That strayed last night into the garden,

Stops beneath the fruitless apple tree,

Shaped out and shimmering with that frost

You can feel here at the edge of all imaginings :

The departed deer glimmers with the presence

Of sensed, substantial and yet absent things.

… La trace du chevreuil

Égaré la nuit dernière dans le jardin

S’arrête sous le pommier sans fruits,

Formée, miroitant dans le givre

Palpable là au bord de toute évocation :

Le chevreuil disparu luit de la présence

Des choses éprouvées, substantielles et pourtant absentes.

 

Voilà – remarque Michael Edwards – « un chevreuil qui s’était égaré la nuit dans le jardin du poète mais qui n’est là, le matin, que par ses empreintes, “glimmers with the presence / Of sensed, substantial and yet absent things” (“luit de la présence / Des choses senties, solides, mais absentes”) ».

Jean-Christophe Bailly note dans Le parti pris des animaux : « La présence elle-même, loin de pouvoir être consignée, encagée ou mise en scène dans la visibilité pure et simple, se décline en une gamme infinie qui comporte l’éclipse, l’intermittence, l’effacement. C’est dans l’espace de cette présence absentée que se manifestent les indices, les signaux et les traces ».

Et Michael Edwards d’ajouter dans sa préface du volume paru aux Éditions Caractères : « Au lieu de la fleur absente […] de Mallarmé (dans Crise de vers), “idée” et “notion pure” à laquelle la vibration, la musique du vers nous permettrait de tendre, Tomlinson est sensible à ce que nous n’atteignons pas tout à fait, mais qui est à la fois invisible et substantiel, explicable et pourtant numineux ». En cela il est frère de Jaccottet. « Et le chevreuil n’est pas le seul absent, continue Edwards, car sa piste s’arrête sous “the fruitless apple tree” (“le pommier vide”). […] Si la belle lumière créée par une absence de fruits correspond par sa sonorité à celle, fictive, créée par une absence de chevreuil (“shimmering… glimmers”), c’est pour suggérer que l’ici et l’ailleurs participent à un ensemble continu et que la nature et l’esprit collaborent, chacun selon ses propres lois, pour faire apparaître le monde et son possible ».

 

Matthieu Gosztola

 


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A propos de l'écrivain

Charles Tomlinson

 

Né en 1927 et mort en 2015, Charles Tomlinson a fait des études supérieures à Cambridge puis a accompli toute sa carrière universitaire à Bristol, avec de nombreuses échappées en Italie, en Espagne, aux Etats-Unis, au Mexique (Octavio Paz fut son ami et traduc­teur, avec qui, ainsi que Jacques Roubaud et Edouard Sanguinetti il a composé une suite de Rengas publié par Gallimard en 1971), et plus tard au Portugal et au Japon ; à l’égal de ceux de son Staffordshire natal et du Gloucestershire où il a vécu jusqu’à la fin de sa vie leurs paysages lumineux constituent une thématique majeure de ses poèmes en alternance avec des poèmes d’intimité et des poèmes qui prennent en compte l’Histoire de notre temps. La découverte précoce de la poésie américaine contemporaine lui a permis de revivifier les thèmes et la prosodie de la grande tradition anglaise. Sa poésie, très sensorielle, « transfigure, sans vision et sans extase, l’être-là de l’ordinaire » et « il invente, il décrit, un sentiment nouveau de la présence », écrit Michael Edwards dans son très beau livre sur Le Génie de la Poésie anglaise. Parallèlement à la poésie, l’essai et la traduction de poètes espagnols, italiens, russes et français ; traduit par lui-même en italien, en espagnol et en portugais, Tomlinson a mené une carrière de plasticien reconnue par de grandes galeries londoniennes et canadiennes. Il a été fait Docteur Honoris Causa par l’université où il fut étudiant et par celle de Bristol. Sa poésie a été saluée par des Prix prestigieux en Angleterre, aux Etats-Unis et en Italie. Parmi d’autres distinctions importantes il a été « Fellow of the American Academy of Arts and Sciences » et « Commander of the British Empire ».

 

A propos du rédacteur

Matthieu Gosztola

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Rédacteur

Membre du comité de rédaction

 

Docteur en littérature française, Matthieu Gosztola a obtenu en 2007 le Prix des découvreurs. Une vingtaine d’ouvrages parus, parmi lesquels Débris de tuer, Rwanda, 1994 (Atelier de l’agneau), Recueil des caresses échangées entre Camille Claudel et Auguste Rodin (Éditions de l’Atlantique), Matière à respirer (Création et Recherche). Ces ouvrages sont des recueils de poèmes, des ensembles d’aphorismes, des proses, des essais. Par ailleurs, il a publié des articles et critiques dans les revues et sites Internet suivants : Acta fabula, CCP (Cahier Critique de Poésie), Europe, Histoires Littéraires, L’Étoile-Absinthe, La Cause littéraire, La Licorne, La Main millénaire, La Vie littéraire, Les Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française, Poezibao, Recours au poème, remue.net, Terre à Ciel, Tutti magazine.

Pianiste de formation, photographe de l’infime, universitaire, spécialiste de la fin-de-siècle, il participe à des colloques internationaux et donne des lectures de poèmes en France et à l’étranger.

Site Internet : http://www.matthieugosztola.com