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Choix de poèmes, William Butler Yeats (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) 12.11.18 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Choix de poèmes, éditions Petra, août 2018, édition bilingue, trad. anglais Claude-Raphaël Samama, 140 pages, 16 €

Ecrivain(s): William Butler Yeats

Choix de poèmes, William Butler Yeats (par Murielle Compère-Demarcy)

 

Cette nouvelle traduction française de poésies de William Butler Yeats par Claude-Raphaël Samama – après les restitutions françaises antérieures proposées par Fréchet (Aubier), Cazamian (Aubier), Bonnefoy (Gallimard), Briat (Seuil), Masson (Verdier) – se penche sur la part humaniste, sentimentale et réflexive de l’œuvre de l’écrivain irlandais, plutôt que sur celle ésotérique ou politique. Un lyrisme personnel s’exprime dans ces textes poétiques à la voix émouvante et désabusée, retenant l’attention du lecteur touché par l’expression de faits, d’états sentimentaux que le poète a pu lui-même expérimenter. Les textes de Yeats choisis par Claude-Raphaël Samama évoquent la guerre, les déceptions sentimentales, l’impossibilité de l’amour, la tentation de la résignation face à la bêtise ou le dépit amoureux, la sagesse acquise avec l’âge, la mort rêvée ou méditée, etc. La relativisation du sentiment amoureux revient murmurer au destinataire (lecteur, lectrice, Je, Tu, Nous) : « Ne donne jamais ton cœur » ou « Surtout n’aime pas trop longtemps » : Ma douce amie, que ton amour ne dure :Moi j’ai aimé trop et trop longtemps.

L’âge octroie à l’homme plus expérimenté une raison d’« être furieux » face aux aléas de la vie quotidienne, aux affres de l’Histoire, à « l’injustice des cieux »,nul esprit vivant, même celui « se disant heureux et sans faille », ne trouvant « une fin digne de son commencement ».

N’allons cependant pas penser que la poésie de celui qui fut aussi un dramaturge et un essayiste soit teintée de pessimisme. Certes Les oiseaux blancs (The White birds) sont ces flammes en vol qui continuent inlassablement de transporter « une tristesse qui semblne pas vouloir mourir » et qui traversent le ciel de nos vies errantes (semblables à La Chanson d’Aengus l’Errant), mais leur présence ne cesse d’activer le feu volé par le poète, par la grâce et l’action desquelles « le feu de la comète qui ne fait que passer » souffle sur l’incandescence du Langage seul bâtisseur des vrais voyages dont nous sommes les « oiseaux blancs »qui « flottent sur l’écume de la mer ». Des phares guident nos déroutes (Antigone, la ville de Troie, La douleur d’amourLes oiseaux blancs, la Mémoire (Memory), La rose du monde, une Princesse d’Orient éprise du « grand Salomon »,« la sainte ville deByzance »), depuis la mythique destinée des Hommes voués à leur avancée cyclique (Les quatre âges de l’Homme) comme à leurs dérives odysséennes ouvertes sur l’espoir d’un Retour à l’Ithaque originelle, ou en perpétuelle partance (navigation éternelle) vers les ors perdus de Byzance. Secoués de « glace »brûlante (l’oxymore employé par le poète accentue la profondeur du gouffre entrouvert par la destinée humaine), « les cieux »traversent jusqu’à nos brûlures intérieures et jettent notre propre « spectre »,« tout nu sur les routes », dans le Paradis glacé où la Mémoirel’imagination et le cœur cherchent nos raisons de vivre comme vivre demeure quête incessante, inachevée. La poésie amarre notre barque ballotée entre ciel et abîme, entre espoirs et insatisfactions ; donne sens à notre inquiétude « sans rime ni raison ». Quelque chose du spleen baudelairien, du pessimisme de Pessoa traverse ces poèmes de Yeats, qui restent singuliers par le flux de l’inquiétude flamboyante qui les touchent.

Empreinte de classicisme, remuée en même temps par une onde laissant sourdre à l’oreille absolue de notre œil qui écoute Le bruit des galets sur le rivage Sous la vague qui reflue, la traduction de Claude-Raphaël Samama fait entendre dans cette poésie de Yeats toute la poésie de l’aube quand elle avance : installée simplement, rythmant un attelage et son scintillement Sur le poitrail de chevaux sur la brume (TheDawn). Le livre refermé, nous poursuivons encore notre voyage en espérant, ainsi que le chante le poète William Butler Yeats : Were we only white birds (…), buoyed out on the foam of the sea ! ainsi que le traduit l’interprète Claude-Raphaël Samama : être seulement des oiseaux blancs (…), qui flotteraient(…) / sur l’écume de la mer

 

Murielle Compère-Demarcy

 

Claude-Raphaël Samama est l’auteur de nombreux ouvrages en sciences humaines, de nouvelles, de recueils poétiques et de textes parus en revue. Il entretient une longue familiarité avec l’œuvre de W. B. Yeats et ce livre s’en veut l’écho. Son intérêt pour l’anglais l’a également amené à écrire dans cette langue Around circles, Autour des cercles, publié en 1999.

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A propos de l'écrivain

William Butler Yeats

 

William Butler Yeats est un poète et dramaturge irlandais, né le 13 juin 1865 à Sandymount (Comté de Dublin) et mort le 28 janvier 1939 à Roquebrune Cap Martin1, en France. Fils du peintre John Butler Yeats, il est l'un des instigateurs du renouveau de la littérature irlandaise et cofondateur, avec Lady Gregory, de l'Abbey Theatre. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1923.

Ses premières œuvres aspiraient à une richesse romantique, ce que retrace son recueil publié en 1893 Crépuscule celtique, mais la quarantaine venant, inspiré par sa relation avec les poètes modernistes comme Ezra Pound et en lien avec son implication dans le nationalisme irlandais, il évolua vers un style moderne sans concession. Yeats fut aussi un sénateur de l'État libre d'Irlande pendant deux mandats.

 

A propos du rédacteur

MCDEM (Murielle Compère-Demarcy)


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Murielle Compère-Demarcy (pseudo MCDem.) après des études à Paris-IV Sorbonne en Philosophie et Lettres et au lycée Fénelon (Paris, 5e) en École préparatoire Littéraire, vit aujourd'hui à proximité de Chantilly et de Senlis dans l’Oise où elle se consacre à l'écriture.

Elle dirige la collection "Présences d'écriture" des éditions Douro.

 

Bibliographie

Poésie

  • Atout-cœur, éditions Flammes vives, 2009
  • Eau-vive des falaises éditions Encres vives, collection "Encres blanches", 2014
  • Je marche..., poème marché/compté à lire à voix haute, dédié à Jacques Darras, éditions Encres vives, collection "Encres blanches", 2014
  • Coupure d'électricité, éditions du Port d'Attache, 2015
  • La Falaise effritée du Dire, éditions du Petit Véhicule, Cahier d'art et de littérature Chiendents, no 78, 2015
  • Trash fragilité, éditions Le Citron gare, 2015
  • Un cri dans le ciel, éditions La Porte, 2015
  • Je tu mon AlterÈgoïste, préface d'Alain Marc, 2016
  • Signaux d'existence suivi de La Petite Fille et la Pluie, éditions du Petit Véhicule, 2016
  • Le Poème en marche, suivi de Le Poème en résistance, éditions du Port d'Attache, 2016
  • Dans la course, hors circuit, éd. du Tarmac, 2017
  • Poème-Passeport pour l'Exil, co-écrit avec le photographe-poète Khaled Youssef, éd. Corps Puce, coll. « Parole en liberté », 2017
  • Réédition Dans la course, hors circuit, éd. Tarmac, 2018
  • ... dans la danse de Hurle-Lyre & de Hurlevent..., éd. Encres Vives, collection "Encres blanches" , n°718, 2018
  • L'Oiseau invisible du Temps, éd. Henry, coll. « La Main aux poètes », 2018
  • Alchimiste du soleil pulvérisé, Z4 Éditions, 2019
  • Fenêtre ouverte sur la poésie de Luc Vidal, éditions du Petit Véhicule, coll. « L'Or du Temps », 2019
  • Dans les landes de Hurle-Lyre, Z4 Éditions, 2019
  • L'écorce rouge suivi de Prière pour Notre-Dame de Paris & Hurlement, préface de Jacques Darras, Z4 Editions, coll. « Les 4 saisons », 2020
  • Voyage Grand-Tournesol, avec Khaled Youssef et la participation de Basia Miller, Z4 Éditions, Préface de Chiara de Luca, 2020
  • Werner Lambersy, Editions les Vanneaux ; 2020
  • Confinés dans le noir, Éditions du Port d'Attache, illustr. de couverture Jacques Cauda; 2021
  • Le soleil n'est pas terminé, Editions Douro, 2021 avec photographies de Laurent Boisselier. Préface de Jean-Louis Rambour. Notes sur la poésie de MCDem. de Jean-Yves Guigot. Illustr. de couverture Laurent Boisselier.
  • l'ange du mascaret, Editions Henry, Coll. Les Ecrits du Nord ; 2022. Prélude et Avant-Propos Laurent Boisselier.
  • La deuxième bouche, avec le psychanalyste-écrivain Philippe Bouret, Sinope Editions ; 2022. Préface de Sylvestre Clancier (Président de l'Académie Mallarmé).
  • L'appel de la louve, Editions du Cygne, Collection Le chant du cygne ; 2023.
  • Louve, y es-tu ? , Editions Douro, Coll. Poésies au Présent ; 2023.