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Che Guevara, Alain Foix

Ecrit par Stéphane Bret 10.07.15 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Biographie, Histoire

Che Guevara, mai 2015, 368 pages, 9 €

Ecrivain(s): Alain Foix Edition: Folio (Gallimard)

Che Guevara, Alain Foix

 

Il est toujours malaisé d’évoquer la vie de l’une des nombreuses icônes du XXe siècle. Che Guevara, de son nom complet Ernesto Guevara de la Serna, en est une. Ses portraits figurent parmi les plus célèbres du monde et ce personnage a largement contribué à populariser la légende des guérilleros sud-américains. Dans le cours de sa vie, brève mais riche et remplie d’événements nombreux, des composantes semblent avoir joué un rôle décisif et influencé le cours de sa vie : son voyage en Amérique latine effectué avec son ami Alberto Granados en 1952. Ils découvrent sur une vieille motocyclette usagée la misère de ce continent, ses injustices, les terribles problèmes de santé auxquels le Che, médecin de formation, est très sensible. C’est une révélation, la mise en évidence de l’existence d’une injustice concrète, donnée, dont Ernesto avait pris connaissance, mais d’une manière théorique. C’est un voyage initiatique, mais aussi une réponse à ce qui va occuper sa vie entière : l’établissement d’une justice sociale, d’une espèce d’impératif catégorique révolutionnaire, qui va l’inciter à l’exemplarité, mais aussi parfois à la dureté et à l’exercice d’une impitoyable répression, notamment lorsqu’il doit fusiller, en plein maquis, des traîtres ou des révolutionnaires trop tièdes, ou les faire fusiller par ses compagnons d’armes pour que tout le monde ait les mains sales…

Pourtant, le deuxième motif de cet engagement, c’est la culture, l’éveil intellectuel qui en est à l’origine. Le Che a beaucoup lu : les classiques grecs, la poésie latino-américaine, les philosophes : Marx, Engels, Adorno, Raymond Aron. Il admire naturellement José Marti, idole de la nation cubaine, dans sa célébration des luttes de l’île pour son indépendance. Mais ce n’est pas une culture sans rapport avec le réel qu’il veut faire triompher, c’est une culture ayant gardé sa fonction critique et émancipatrice. En cela, il s’écarte des dogmes du réalisme socialiste duquel il s’éloigne. Il constate en effet durant ses premières opérations de guérilla dans la Sierra Maestra que l’éducation sera primordiale pour élever la conscience révolutionnaire des paysans.

Une rencontre est décisive dans la vie du Che, celle du poète et journaliste haïtien René Depestre qui lui fait toucher du doigt le problème du racisme, omniprésent à Cuba en raison du passé esclavagiste de l’île. Ainsi, conclut-il à la nécessité de combattre « les discriminations subjectives » en sus des « discriminations objectives » pour être un révolutionnaire lucide.

Les femmes ont joué dans la vie de cet homme un grand rôle : Aleida, sa seconde épouse, qui lui donne une énergie et un réconfort immenses. Elle soigne efficacement ses crises d’asthme avec des feuilles de maté que le Che appelle sa Yerba Buena (bonne herbe). Hilda Gadea, qu’il avait épousée en 1955, pour régulariser une « union dans les faits ».

La prise de connaissance avec Fidel Castro est bien sûr décisive, qu’il caractérise ainsi : un révolutionnaire cubain, un garçon jeune, intelligent, très sûr de lui et d’une audace extraordinaire ; je crois que nous avons mutuellement sympathisé.

Pourtant, le rêve de l’internationalisme révolutionnaire sera brisé : par l’alignement de Cuba sur le camp soviétique, par l’instauration d’une dictature implacable. Les actions du Che en Argentine se solderont par un échec retentissant et par son exécution finale le 9 octobre 1967. Pourtant, Che Guevara était resté lucide, critique à propos même de l’idéologie marxiste dont il avait adopté les présupposés.

La biographie d’Alain Foix, très documentée et riche en citations, restitue très bien les facettes multiples de ce personnage, épris de justice, des femmes, d’absolu, désireux d’agir sur l’état du monde. On peut même y relever une contradiction : entre la volonté d’agir vite, avec célérité, et le constat que l’émancipation par l’éducation, la diffusion du savoir, est un long processus. Cet homme, au-delà de son statut d’icône, était complexe, en proie à des interrogations, au doute. Il nous attache en raison même de ces attitudes, justement humaines, et nous incite au respect, même pour ceux qui ne partageraient pas la radicalité de ses opinions et actions.

 

Stéphane Bret

 


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A propos de l'écrivain

Alain Foix

 

Ecrivain et metteur en scène, Alain Foix, Docteur en philosophie à La Sorbonne et diplômé d’études supérieures en ethnologie, fut Professeur de philosophie et journaliste pigiste avant de devenir directeur de la Scène nationale de la Guadeloupe, du théâtre Le Prisme à St-Quentin-en-Yvelines et de La Muse en Circuit, Centre national de création musicale. Il a publié chez Folio Biographies deux ouvrages : Toussaint Louverture (2007) et Martin Luther King (2012).

 

A propos du rédacteur

Stéphane Bret

 

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63 ans, réside actuellement à Boulogne-Billancourt, et s’intéresse de longue date à beaucoup  de domaines de la vie culturelle, dont bien sûr la littérature.

Auteurs favoris : Virginia Woolf, Thomas Mann, Joseph Conrad, William Faulkner, Aragon, Drieu La Rochelle, et bien d’autres impossibles à mentionner intégralement.

Centres d’intérêt : Littérature, cinéma, théâtre, expositions (peintures, photographies), voyages.

Orientations : la réhabilitation du rôle du savoir comme vecteur d’émancipation, de la culture vraiment générale pour l’exercice du libre arbitre, la perpétuation de l’esprit critique comme source de liberté authentique."

 

REFERENCES EDITORIALES :

Quatre livres publiés :

POUR DES MILLIONS DE VOIX -EDITIONS MON PETIT EDITEUR 
LE VIADUC DE LA VIOLENCE -EDITIONS EDILIVRE A PARIS
AMERE MATURITE -EDITIONS DEDICACES 
L'EMBELLIE - EDITIONS EDILIVRE A PARIS