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Carnets d’un fou – XXXII - Septembre 2015, Michel Host

Ecrit par Michel Host le 06.11.15 dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Carnets d’un fou – XXXII - Septembre 2015, Michel Host

 

« Le pré est vénéneux mais joli en automne

Les vaches y paissant

Lentement s’empoisonnent

Le colchique couleur de cerne et de lilas

Y fleurit tes yeux comme cette fleur-là… »

Guillaume Apollinaire

 

# Préalable : ce Carnet de septembre 2015 – faits d’actualité obligent – tient grand compte des événements récents liés au Moyen-Orient, au monde de l’islam et aux bouleversements qui en découlent. Je sais qu’ici s’agitent et se fatiguent les esprits.

Que ceux pour qui ces questions sont un sujet d’agacement au point qu’ils ne désirent ni les évoquer ni les penser, ceux que tout argument allant contre leurs idées, ceux qui me tiendraient – à tort – pour une sorte de raciste anti-arabe, et – à raison – pour un islamophobe de conviction et un athée résolu quoique non prosélyte, se dispensent de me lire aujourd’hui et à l’avenir. Je pense ainsi les libérer de ma liberté de penser et de dire, les tenir éloignés de mes préjugés comme de mes réflexions objectives ou non, fondés, nous le savons tous et rien n’y pouvons, sur une « information » tour à tour véridique, sommaire, mensongère. Les libérer, en somme, des tracas du débat.

Le 01/IX

 

Dernière minute : (ce jeudi 22 octobre 2015) des amis très chers m’ont demandé de ne plus dramatiser mes émotions, mes craintes, de ne plus les porter à un tel degré d’incandescence. Je me ferais du mal et en ferais à mes lecteurs. Leur avis est que les six ou sept millions de musulmans qui résident et vivent sur notre sol sont dans leur majorité des non-pratiquants, des indifférents à Allah, à Mahomet et au Coran. Ils seraient imperméables aux prêches des imans salafistes, aux injonctions coraniques, beaucoup se convertiraient en secret à d’autres religions, ne respecteraient pas les rituels, et même, en de nombreux cas, seraient des athées dissimulés. Les mêmes amis soutiennent qu’au vu de leur nombre, ces musulmans sont une infime minorité à se livrer à la violence et au meurtre. Que ces faits regrettables restent très marginaux, donc peu significatifs. Enfin, ils nient que nos gouvernants (depuis 2007) soient des « islamolâtres » qui trahissent leur engagement laïque. Ils affirment que d’expulser les imans prêcheurs de haine (on en chasse quelques-uns, je le sais) et de fermer les mosquées « intégristes » créerait les conditions pour que naisse un islam revanchard, hostile et cryptique, comme il y eut des chrétiens cryptiques sous Dioclétien… Je reste dubitatif, mais j’entends leurs arguments. Je demande à voir, à m’en tenir aux faits, sans les exagérer ni à les minimiser. Chacune des assertions de mes amis mérite réflexion et commentaire. Je pense d’abord à revenir aux faits, parmi lesquels je compte le Coran. À m’efforcer d’être au plus près des faits.

 

# Août s’éteint. Septembre, lent, s’allume telle une lampe à « basse consommation ». Il pleut à verse, c’était couru. C’est bourguignon. J’entends au loin les cloches de Notre-Dame.

Bourgogne, le 1er septembre

 

# Une photo témoigne de l’horreur et de la folie du monde dans lequel nous entrons, celui du XXIe siècle. Le cadavre d’un petit garçon gît sur une plage de Turquie, rejeté par la mer. Il doit avoir trois ans. Son sort aura été de fuir les infrahumains islamiques fanatiques qui poursuivent, persécutent, massacrent tous ceux qui ne sont pas eux-mêmes – parmi lesquels sa famille [¤] – tous ceux sans exception dont les croyances, les coutumes remontent aux périodes précédant la date maléfique de l’apparition du Prophète sur cette terre. Le XXe siècle fut inauguré par une guerre de forme « classique », s’il est permis de l’écrire ainsi. Notre siècle, après le même nombre d’années, inaugure sa guerre « new fashion ». Un combat sans nom, sans lois, sans pitié, une guerre d’irréligion qui dure depuis des siècles, pire en atrocités et en nombre de victimes que toutes celles que nous avons pu connaître, en Europe notamment. De 2500 à 5000 « migrants » échouent ou naufragent sur les côtes européennes chaque semaine, essentiellement du côté de l’Italie et de la Grèce. Pour ce dernier pays, réduit à la mendicité par la sauvagerie économique bruxelloise et mondialiste, on se demande comment il pourra se tirer de ce pas tragique.

L’émotion est générale, irrépressible. Nous ne voulions pas les voir, ni même penser à ces épaves de la mer. – Il nous faudra y revenir ! –. Nous les voyons maintenant qu’ils nous arrivent par vagues successives. L’ancienne âme chrétienne de nos contrées, vouée à l’exécration et à l’oubli, semble refaire surface, aidée par la mauvaise conscience de certaines nations depuis le siècle dernier. Nous, les Européens, allons accueillir les « migrants », ou les « réfugiés », selon que l’on dira. Nos pays devraient se les répartir. Certains ne veulent en recevoir aucun. D’autres veulent ceux-ci mais pas ceux-là : la confusion est à l’unisson du chaos régnant au Proche et au Moyen-Orient. De ce chaos, chacun est responsable à des degrés divers : le monde dit « arabe » pour son incapacité à s’entendre entre mouvances religieuses et politiques diverses, Palestiniens et Israéliens pour leur volonté partagée de ne jamais s’entendre, Iraniens qui attisent le feu de la haine, le président syrien Assad qui bombarde, torture, affame et contraint à l’exil son propre peuple. Comptons aussi les Soviétiques, qui envahirent l’Afghanistan afin d’y imposer leur semblant de démocratie, puis les Nord-Américains destructeurs de l’Irak, dont les deux interventions « républicaines » nous valent une fureur et une haine qui dureront un siècle au moins, les Chinois qui font du commerce et détournent les yeux de tout ce qui ne les concerne pas directement, les grands groupes des décérébrés islamiques, Al-Qaída et l’actuel État islamique dit Daesh ; les Turcs se mettent de la partie, et de quelle manière ! Façon pogroms, massacres et bombardements, ils savent y faire. Ils dénoncent l’accord qu’ils viennent de ratifier avec leurs Kurdes pour les persécuter aussitôt après la signature, et bombarder les Kurdes d’Irak qui sont les seuls à combattre l’E.I. « sur le terrain ». Chaos en marche ! Chaos sur chaos ! Enfin, nous les Français qui dansons la gigue du « j’y-va-j’y-va-t’y pas » sur les pentes de ce volcan instable… Certains se posent des questions, ils ont raison. D’autres, aucune, ils ont tort. Je sais cette énumération incomplète, ce constat schématique, mais ils me sautent au visage… Qu’y puis-je ?

[¤] Courent des bruits révoltants. La photo de l’enfant mort serait « truquée », maquillée, trafiquée… Que sais-je ? Ces techniques sont à la portée de tous. Une femme qui, dit-on, s’échappait sur le même radeau, aurait remis le prix du passage au père de cet enfant, père qui aurait été le « passeur » ! Entre ignominie et universel besoin de salir, aujourd’hui tout est possible, envisageable. On ne sait pas, on ne sait plus. Règne du point d’interrogation.

 

# Le Monde des Livres, lorsqu’il me tombe entre les mains, me tombe des mains. Je dois en convenir objectivement, il est pour l’essentiel devenu la vitrine de la production romanesque étrangère. Il m’arrive de lire de la littérature venue d’ailleurs, certes, mais pas à haute dose. Le creusement du fonds français, l’évolution de notre langue, tout cela m’intéresse encore. Je vais me faire de nouveaux amis, je le sens, mais tant pis. Je dis ce que je lis : c’est un tort sans doute, les Robots pensent qu’il est des choses que l’on ne doit pas dire. Pour la littérature française, Éric Chevillard fait l’essentiel du travail. Pour le reste, des dames exercées aux travaux de décoration des étalages de la médiatisation s’emploient admirablement à vanter les mérites romanesques d’autres dames qui nous parlent de leurs malaises existentiels, de leur petit cœur en capilotade, oh, mon Dieu !… mais il vaut mieux que je me taise. D’ailleurs j’aime trop les dames, du moins celles qui ne se veulent pas romancières, ou pire, « écrivaines » ! La coupe est pleine, je n’en peux mais…

 

# Difficile, la réflexion progresse. S’avancent (sur les écrans) des masses d’hommes, jeunes pour la plupart, souvent SEULS, ce qui m’étonne, venus de Syrie, de Turquie, du nord de l’Iraq… Si j’aperçois une femme, ici ou là, elle est voilée, pour moi le signe de sa servitude, de son être dominé et diminué. D’où mon inquiétude. Ce sont des « réfugiés de guerre », nous sommes bien en accord sur ce point. Leur venue est légitime, coincés qu’ils sont dans un quadruple étau : bombardements de Bachar Al-Assad, pogromes annoncés de M. Erdogan, combats entre groupes terroristes et inimaginables cruautés de l’E.I. Je m’interroge : où sont les épouses, les enfants de ces gens qui fuient le malheur ? Laissés sur le théâtre des violences lorsqu’ils n’ont pas été tués ? Abandonnés dans des camps d’infortune ? Pourquoi les plus jeunes ne luttent-ils pas les armes à la main contre leurs tortionnaires ? Que nous apportent-ils, sinon l’islam, la meilleure des choses selon nos gouvernants actuels sourds et aveugles, la pire religion selon moi qui ne suis que moi, mais qui ai lu le Coran… Je ne crains pas de me déclarer « islamophobe » (au moins au sens étymologique), cela relève de ma liberté de le penser et de le dire, liberté encore à-demi respectée dans ce pays. Un monsieur que je ne connais pas vient de déclarer sur France-Culture que ces gens n’ont pas vocation à être « assimilés » : ils resteront ce qu’ils sont, quoi qu’il en coûte, donc les ennemis naturels de notre culture laïque que l’islam rejette, culture construite sur des racines chrétiennes (*), ces dernières fussent-elles combattues et niées par nos gouvernants. Ils nous apporteraient leur richesse culturelle, leur énergie, leurs forces de travail… Avec cinq millions de chômeurs, je vois mal quel travail nous leur offrirons. Certains le disent à haute voix, ce sont, selon ce monsieur de France-Culture et ses semblables, de véritables criminels ! Des Français moins marqués de « droitisme extrême » le pensent sans oser le dire. L’Europe tente de se distribuer par pays ceux qu’on ne sait encore s’il faut les appeler « migrants » ou « réfugiés ». Elle n’y est pas encore parvenue. Mme Merkel, après avoir écrasé les Grecs, se remaquille en bienfaitrice et mère d’accueil.

(*) Je ne confonds pas « islamophobie » et racisme anti-arabe, quoique cette confusion soit fréquente, volontaire et quasi générale. Qu’y puis-je si la plupart des Arabes sont de confession musulmane, donc liés à l’islam politiquement (selon les règles de vie dans la polis) et religieusement, ce qui les autorise à rejeter le contrat qu’instaure la règle laïque avec toutes les religions, y compris avec la leur, tout ce que le Coran à chacune de ses pages leur interdit de penser et d’accepter.

Le 10/IX

 

# Aphorisme. « Le patriotisme, c’est l’amour des siens. Le nationalisme, c’est la haine des autres » (Jean-Pierre Chevènement, Déclaration récente).

Clair, non ? Aucune raison de confondre !

Pourtant il semble que pour les Robots des médias et de la sphère politique, le patriotisme soit l’apanage des étrangers quels qu’ils soient, le nationalisme celui des seuls Français.

Voilà pourquoi, lorsque, dans la Drôme, un patron d’entreprise est égorgé par l’un de ses employés émule de Daesch, je me dis : « Comme il l’aimait son patron, celui-là ! » (Cf. Carnet d’un Fou – XXX).

 

# Messieurs nos gouvernants, pourquoi après avoir honni les catholiques romains, devrions-nous nous admettre comme naturellement inoffensifs les musulmans de La Mecque ? Pourquoi tournez-vous le dos au philosophe Jésus, théoricien de l’amour et du pardon des offenses, et déroulez-vous le tapis rouge pour un Allah qui n’a de « miséricordieux » que le nom et ne pardonne aucune offense ? Nous avons quelque mal à vous suivre.

Le 15/IX

 

# Demain vendredi, retour à Paris. Le monstre XM que j’ai l’honneur de conduire reprendra la route de la capitale sans avoir été « vu » par le contrôleur technique : un déluge s’est abattu sur le Tonnerrois qui a mis en panne tout son atelier. Nous le reverrons donc dans un mois. Ce départ, bizarrement, n’engendre pas les malaises corporels et divagations mentales ordinaires. Cette fragilité disparaîtrait-elle comme peu à peu disparaît la population du village ?

Le 17/IX

 

# Dernier coup d’œil à quelques pages de l’imposant tas de journaux que je m’apprête à déposer sur les lieux du tri des déchets ménagers. Grand, moins grand ou petit écrivain, on laisse aussi derrière soi le papier sur lequel on n’a pas écrit. Parmi mes notations de dernière minute :

§ Anish Kapoor, en début de mois, a vu son « œuvre » installée dans le parc du château de Versailles se couvrir d’inscriptions ordurières et antisémites. On ne sait trop ce qu’il faut comprendre : l’œuvre est elle-même ordurière qui tour à tour s’intitule « Dirty corner » et « Le vagin de la Reine »… Est-ce la seule raison ? Vérification faite, l’artiste-gynécologue attaché à la personne de Marie-Antoinette est juif selon la loi juive, car né d’un père indien et d’une mère juive. Est-ce une autre raison à ces inscriptions ? Quelques allusions font penser à des signataires SS attardés, ennemis de l’art dégénéré ? Est-ce une autre raison encore ? On s’interroge. Certains se demandent pourquoi l’artiste de la déchèterie et des gravats souhaite conserver ces inscriptions malsaines sur ce qu’il pense être son œuvre. Certains aussi lui demandent instamment de les effacer (¤].

(¤) Il vient de les couvrir de feuilles d’or. Elles gisent dessous les jupes de la Reine.

§ Plus amusant ou très idiot. Dans le bourg de Seignelay, on organise un championnat de boules cubiques. Prenant la chose du bon côté en dépit de ma nature bourrue, je dirais que pour contrarier l’adresse et s’en remettre au hasard, rien ne vaut cube qui cahote et cabriole. Le peuple est bon enfant. On a la tête cubique, ça n’empêche pas de perdre la boule. C’était au mois d’août.

§ J’apprends enfin que « l’impôt sur le revenu ne touchera plus que 46% des foyers » en 2016. C’est en France, pays qui passe pour riche, que ces décisions sont prises. Le président l’a assuré. C’est donc que les autres paieront, qui seront moins nombreux à se répartir une charge plus lourde. C’est donc que ces familles épargnées vivent soit dans la précarité, soit dans la pauvreté. C’est donc que, le chômage augmentant, augmente aussi le nombre des « assistés ». Certains sujets s’en accommodent fort bien, d’autres y puisent le désespoir et la honte. Vive la République !

Le 17/IX

 

# Migrants économiques, émigrés politiques et réfugiés de guerre continuent à « déferler » sur l’Europe. Le terme, si j’en crois les Robots, soulignerait mon appartenance à la droite extrême et au parti des salauds. Il ne traduit que le constat des faits : les chiffres oscillent entre 100.000 et 200.000 entrants par mois. Je reste dans l’attente curieuse des décisions définitives que prendra à leur sujet l’Europe des marchands et des spéculateurs. Une chose est certaine, les patrons d’entreprises (M. Gattaz, entre autres) se frottent les mains. À eux les économies réalisées sur le coût de la main-d’œuvre, et aux États, aux citoyens peu fortunés, les frais d’hébergement et d’entretien.

Cette vague immigrante est le révélateur des mentalités publiques et gouvernementales, et non moins leur puissant décapant. Révélatrice encore des « mentalités » personnelles, si diverses : des individus inspirés par un fond non encore entièrement effacé de « valeurs » chrétiennes, ouvrent leurs bras, leur maison parfois, œuvrant dans le droit fil d’une « charité » si longtemps décriée. Certains renoncent, tombent genoux au sol en raison de l’immensité de la tâche. D’autres déclarent d’emblée qu’on ne l’assumera pas, d’autres encore la refusent tout net : nous avons assez de nos chômeurs, de nos SDF, de notre misère. Nos gouvernants, sans moyens financiers proportionnés aux besoins, annoncent que le pays ne peut se soustraire à sa vocation de toujours qui est d’aider, secourir, accueillir, tout en promettant d’autres bombardements contre les hordes militarisées de l’E.I. Nous vivons ces contradictions dans un tohu-bohu biblique. Attendons encore, et voyons.

Pour moi, je vis tout cela comme le prélude à notre disparition en tant que civilisation singulière fondée sur la liberté de religion ou de non-religion, sur un laïcisme historiquement récent mais protecteur, sur une tolérance et une assimilation qui se fit jusqu’ici et ne pourra plus se faire. En effet, prenons conscience de ce que la loi coranique sous-tend la vie des musulmans, de ce qu’elle prévaut pour eux, je veux dire pour ceux qui les guident, sur certaines « lois » républicaines : le CFCM, organisation de façade mais que l’on veut représentative des musulmans de France n’a pas accepté, malgré de nombreuses demandes, et n’acceptera sans doute jamais – ce serait désavouer l’idole et son Prophète –, d’abroger, entre autres, ce commandement coranique qui veut qu’un musulman ne puisse quitter sa religion, cas où il est dénoncé comme apostat et encourt la peine de mort. L’intolérance et le désaveu de l’autre et en tant qu’autre seront un jour notre seule loi, sauf à envisager de nouvelles guerres de religion ou des croisades d’un autre type. Écouter M. Tarik Ramadan est fort instructif quant à ces questions.

Le 19/IX

 

# Ce dimanche 20, je rencontre sur l’écran M. Jean d’Ormesson, charmant écrivain dont les yeux bleus, bleus comme le comble du bleu, percent la nuit parisienne. Il s’interroge sur le bonheur, le sien, celui des autres pour la plupart bien moins dotés que lui à leur naissance. Il a mis en culture ce capital qui lui fut offert par la fortune et le rang, ce que tant d’autres, paresseux hédonistes ou inconscients, ont négligé de faire. Il n’a nul besoin de l’avouer, il le dit tout uniment parce que pour lui ce fut ainsi et que ce l’est encore. Son bonheur, il ne le conçoit pas dans une jouissance exclusive. On n’est pas heureux quand on est entouré de malheureux. Il aura fait tout le possible de l’écrivain : donner ses livres aux autres, leur offrir ainsi du plaisir ou les conduire à des réflexions utiles ou apaisantes. Ici, il avoue ne s’être pas dévoué plus activement au soulagement des peines d’autrui. On ne peut tout faire, on n’est pas tenu ou mis en demeure de tout faire. Je le crois. Je l’approuve. Même si je l’ai très peu lu, je puis confesser aimer Jean d’Ormesson pour son dire sans détour. Quelque chose comme une vérité sans placages ni circonvolutions moralisatrices.

Le 21/IX

 

# Migrants et/ou Réfugiés. La question se circonscrit tragiquement, elle ne se résout pas. Pour l’Europe, la houlette de Maman Merkel ne peut plus prétendre conduire le troupeau chaque jour plus nombreux de ceux qui pénètrent le territoire. Les chiffres sont impressionnants. Désormais, devenue Mégère Merkel, elle a refermé ses bras, entrouvert seulement ses frontières. De sainte elle est devenue démon. Polonais, Hongrois, Tchèques et quelques autres n’ont promis que leur refus de tout « quota » d’immigrés entrant chez eux, les autres font des pieds et des mains pour en recevoir le moins qu’ils pourront. On n’est d’accord sur aucun chiffre. Réunion après réunion n’est apportée aucune clarification, aucune décision. Le Supermarché européen sait que son ordre risque d’être irrémédiablement désorganisé en la circonstance. Il tremble donc, et d’une certaine façon on peut le comprendre.

Pour la France, sur ces difficultés, le gouvernement de Son Incompétence balance entre promesses intenables et absence de décisions claires et nettes. Il est bien sûr impensable de réunir les camps opposés afin de décider du « salut public ». Les proches élections l’interdisent et ce n’est pas dans nos mœurs. Ce serait pourtant le moment ! Le danger où nous sommes n’est même pas perçu. Chacun pense user électoralement à son profit de la situation nouvelle. Par ailleurs, à cette heure-ci, les « intellectuels » patentés se déchirent à belles dents. C’est à qui s’en prendra, âme vertueuse et noble résidant au château des grands principes, au premier qui donnera des signes interprétables d’un penchant à « droite », vers les thèses de Mme Marine Le Pen, notre Démone à nous, celle que ces querelles irréelles conduisent lentement vers le pouvoir. C’est actuellement le philosophe Michel Onfray, de ceux que, par exception, le réel invite à s’interroger en termes de réalité, que l’on attaque de toute part. Il se défend, il appelle ses amis à la rescousse, les réunit à la Mutualité. Un professeur de Science politique, Laurent Bouvet (Le M du 21/IX) réprimande ses contradicteurs, qui n’ont pour visée, selon moi, que de se faire une réputation de pure intransigeance morale et surtout pas de regarder les choses en face, ces choses qui pour eux n’ont aucun intérêt : « C’est pourquoi plutôt que de dresser son bûcher médiatique pour “mauvaise pensée”, la gauche Savonarole gagnerait à s’appliquer à elle-même le pluralisme qu’elle professe ailleurs, en participant au débat auquel invite Onfray. Elle y gagnerait en crédibilité et, qui sait, peut-être des lecteurs et des électeurs ».

Le 23/IX

 

# Mme Vallaud-Belkacem vient, par une seule intervention, d’anesthésier ses opposants à la réforme du collège. C’est une parfaite tacticienne, une « enfumeuse » comme diraient la rue, la presse et ceux qui jalousent son apparent pouvoir… Comment a-t-elle fait ? Elle a préconisé que nos têtes blondes et brunes soient soumises à une dictée hebdomadaire, qui peut-être deviendrait quotidienne. La dictée ? Un excellent exercice, je le pense, s’il n’est pas un simple contrôle aléatoire. Les pédagogues le savent, il est toutes sortes de façons de « travailler » l’exercice. La chose – qui n’efface pas le véritable crime d’avoir coupé définitivement la possibilité pour un certain nombre d’élèves qui n’étaient pas tous issus des milieux bourgeois d’étudier et comprendre la langue française en lien avec ses racines par l’étude du latin et du grec –, la chose, donc, se réalisera-t-elle véritablement ? Nul ne le sait. Les promesses coûtent peu d’une part, et réétudier la question de l’apprentissage de la lecture et de sa pratique heureuse me semble la tâche complémentaire indispensable si l’on veut réussir dans une telle entreprise. Cela, toute la société (je parle des adultes, des parents…) le souhaite tout en se vouant à la consommation massive d’images, ce qui est vouloir en même temps la chose et son contraire. Rien ne me paraît donc assuré.

Par ailleurs, des grammairiens, professeurs, chercheurs, enseignants de tous domaines et niveaux s’inquiètent fort aujourd’hui de la faiblesse de très nombreux étudiants dans quatre domaines fondamentaux : l’orthographe, la syntaxe, le vocabulaire, la grammaire. En témoigne le livre récent de M. Loïc Drouallière : Orthographe en chute, orthographe en chiffres (L’Harmattan). Selon moi, il est arrivé le temps où nous connaîtrons cette honte qu’un Sénégalais, un Vietnamien, un Chinois, un Australien… ayant étudié le français en tant que langue étrangère, écrira et parlera une meilleure langue que celui qui l’aura apprise dans nos écoles et lycées. Ayant encore, de temps à autre, l’occasion de lire quelques copies de lycéens et d’étudiants, j’en ai déjà fait le constat. La tante Violette et l’oncle Théodule, qui obtinrent leur certificat d’études en 1938, ne faisaient aucune faute d’accord et usaient de termes précis et nuancés. Le « gérant » de ma tour parisienne, qui règne sur 1600 personnes, en est incapable : ses communications écrites font beaucoup rire. Les universités réagissent vigoureusement, les grandes écoles aussi, elles n’ont pas d’autre solution, l’objectif recherché étant aussi « le choix du mot juste, et la production d’écrits » (Le M du 24/IX Article de Nathalie Brafman et Adrien de Tricornot). C’est, en somme, une affaire nationale, générale, et aussi de culture, ce qui signifie que les méthodes de réapprentissage, de réfection, devront être à la fois réfléchies et contemporaines. Elles auront leurs exigences. Croire à l’étude « sans peine » est l’une des plus imbéciles illusions pédagogiques de l’après-mai soixante-huit.

Le 24/IX

 

# Mme Merkel se résout à une « realpolitik » forcément dictée par la réalité des choses. « Les faits sont têtus », marmonnent dans leurs moustaches les vieux politiciens. Son pays, qui voulait accueillir toute la misère du monde, est en proie à l’indigestion. La misère à hautes doses est particulièrement indigeste. Contre les règlementations de Schengen, toute la belle façade de liberté de circulation en Europe communautaire, contre le dogme, Mme Merkel préconise désormais une surveillance accrue de ses frontières et une remise en place des surveillances douanières aux limes de l’Empire de la Marchandise. L’Allemagne elle-même n’a plus les moyens de faire face à ces afflux massifs de populations venues d’ailleurs, et ce d’autant moins que la récente et ample tricherie au contrôle des gaz d’échappement concernant les automobiles Volkswagen menace l’équilibre économique exportateur du pays. Tout va mal, on montera donc aux créneaux. La vertu, même publicitaire, a ses limites. Rentrons dans la grande coalition des salauds !

Par ailleurs des bruits se font jour. Il faudrait réajuster notre attitude d’inimitié vis-à-vis de la Russie et de M. Poutine qui s’offre à envoyer ses redoutables commandos combattre au sol les hordes de Daesch tandis que les « Occidentaux » les soutiendraient, ainsi que les Kurdes, par des bombardements bien ciblés. Cela paraît une stratégie raisonnable autant qu’indispensable. Renouer avec le monstrueux Bachar al Assad est déjà envisagé. Realpolitik, là encore. Déjà aussi, des militaires français (ils se seront mis en congé de l’armée), peu nombreux et à titre personnel, ont pris la route pour lutter aux côtés des combattants kurdes. La guerre me fait horreur, mais il faudra certainement « débloquer » la situation actuelle si l’on veut permettre aux populations contraintes à l’exil de rentrer chez elles, ce à quoi elles aspirent naturellement. Je crains seulement pour les Syriens les vengeances inexpiables d’al Assad, le pardon, même pour des fautes imaginaires, n’étant pas de mise sous ces climats chauds et secs.

Le 26/IX

 

# Satan chez le Prophète. Je crois au mal. Je le crois irrémédiable chez l’homme, dans l’homme. Le Mal, donc ! Qu’on ne m’accuse pas de blasphème si, comme les pèlerins de La Mecque, je l’attribue à Satan. Je crois en Satan, tout comme le premier musulman venu… Me le reprochera-t-on ? Me traînera-t-on devant un tribunal pour islamophobie ? Les pèlerins, par milliers, défilent devant la pierre noire censée le représenter et le lapident. Lui, qui sommeille dans son confortable Enfer, déteste être ainsi réveillé, maltraité. Il se venge, c’est compréhensible : plus de sept cent-vingt croyants meurent piétinés ! (*) Ce n’est d’ailleurs pas la première fois. Preuve de l’extrême irritation de Satan : des aménagements avaient été réalisés pour sécuriser la circulation des pèlerins, mais rien n’y a fait.

Allah est lui aussi de fort mauvaise humeur. Petits vents tournants sur la Mecque ayant pour cause l’affaiblissement de la ferveur dévote chez les croyants ? Nul ne sait les raisons de sa colère. Une imposante grue de chantier s’écroule sur la coupole de la Grande mosquée que l’on tentait d’agrandir. Désastre architectural et humain : plus de 120 morts (*) ! Le nombre des blessés reste inconnu. Ailleurs, à Londres, la plus grande mosquée de la capitale vient de partir en fumée, sans autres dégâts que matériels. La cause de l’incendie serait accidentelle. Ces temps-ci, Allah est donc plutôt mécontent. Qu’y faire ? Ses fidèles, résignés ou « soumis », n’ont-ils pas coutume de dire à tout propos : « Si Dieu le veut… »

(*) Au 11 octobre, on nous apprend que les victimes sont au nombre de 1600. Allah n’était pas irrité, il était en fureur. Par ailleurs, tous ces chiffres sont en constante évolution.

Le 26/IX

 

# Paris. La municipalité, par sa mairesse Mme Hidalgo, proclame que les SDF et autres mendiants de la cité de Lutèce seront assistés et logés au même titre que les réfugiés orientaux auxquels on déclare vouloir apporter aides et logements sans compter. Qu’on me comprenne bien : je ne suppose pas la municipalité coupable de n’avoir rien fait pour secourir nos autochtones tombés dans la misère ; bien au contraire, elle tente de les réunir dans ces centres d’hébergement souvent très éloignés où ils se rendent en traînant parfois les pieds. Qui plus est, avec l’aide d’associations diverses, Croix rouge, Armée du Salut, Croissant vert… et des Églises, des repas et des soins médicaux leur sont apportés. Ce qui intrigue, c’est la concomitance des deux annonces, comme s’il était peu compréhensible que l’on trouve soudain les millions d’euros nécessaires au soutien des réfugiés venus d’ailleurs quand on ne les trouvait pas ou pas aussi spontanément pour ceux qui, nés au pays, faute de mieux restent attachés à leurs logements précaires : portails d’immeubles, tentes, parvis d’églises, arches sous les ponts et autres… En effet, je suis intrigué et ne crois pas être le seul.

Les « Verts » appartenant au même conseil municipal promettent aux automobilistes parisiens une prompte guerre contre leurs voitures à moteur « diesel »… d’autres les menacent d’une « écotaxe » à payer pour emprunter le boulevard périphérique. Les artistes de la fiscalité engagent une enquête bientôt nationale au sujet de nos six millions de chômeurs dont un bon nombre ne rechercheraient pas activement à se faire embaucher. Cela veut dire que la « courbe du chômage » va bientôt descendre. Nous avons eu 20.000 chômeurs supplémentaires au mois de juillet. On rayera des listes officielles ces grands paresseux : un subtil traficotage de chiffres se prépare. Les élections régionales approchent. Les affaires du pays vont s’améliorer, ce n’est pas douteux. Miracle ! Miracle !

Le 28/IX

 

# Un aphorisme encore. Erreur. Croire que l’autre, même ami, partage mes dégoûts, mes passions.

Souvent je donne dans cette erreur. On ne me le fait pas savoir, ou si rarement. On a tort. Je n’ai jamais mangé personne.

# Rions puisqu’il le faut. « Il ne suffit pas d’être heureux : il faut encore que les autres ne le soient pas ». C’est un aphorisme célèbre. Il est de Jules Renard (Journal, le 16 mai 1894). Dominique Noguez lui consacre un agréable commentaire dans son livre « La véritable origine des plus beaux aphorismes », Manuels Payot, 2014, ouvrage que j’ai commenté à mon tour dans La Cause littéraire.

# Les Définitions-Éclair :

ABSOLUTION. Autorisation de recommencer.

ACCALMIE. A pu être constatée en haute mer.

ACÉPHALE. Déchargé de tout souci.

ACCENT. Toujours divertissant ou odieux chez les autres.

ACCOUCHEMENT. Début d’une anecdote.

ADVERBES. Cailloux que met dans ses poches l’écrivain qui veut se noyer.

AMITIÉ. Comme de la virginité, on n’en n’use qu’une fois.

AVION. Machine qui réduit la durée du seul moment agréable du voyage, celui où l’on n’est plus sur terre.

On trouvera ces définitions (parfois complétées) dans Petit vocabulaire de survie – Contre les agélastes et la timidité de la pensée et du dire, aux Éditions Hermann.

# Le Proverbe. « Elle accoucha d’une fille que l’on nomma Silence ». – Liban – (Dictionnaire des proverbes, sentences et maximes, Larousse, par Maurice Maloux, 1960)

Le 30/IX

 

Fin du Carnet d’un fou XXXII

septembre 2015

 

Michel Host

 

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A propos du rédacteur

Michel Host

 

(photo Martine Simon)


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Rédacteur. Président d'honneur du magazine.


Michel Host, agrégé d’espagnol, professeur heureux dans une autre vie, poète, nouvelliste, romancier et traducteur à ses heures.

Enfance difficile, voire complexe, mais n’en a fait ni tout un plat littéraire, ni n’a encore assassiné personne.

Aime les dames, la vitesse, le rugby, les araignées, les chats. A fondé l’Ordre du Mistigri, présidé la revue La Sœur de l’Ange.

Derniers ouvrages parus :

La Ville aux hommes, Poèmes, Éd. Encres vives, 2015

Les Jardins d’Atalante, Poème, Éd. Rhubarbe, 2014

Figuration de l’Amante, Poème, Éd. de l’Atlantique, 2010

L’êtrécrivain (préface, Jean Claude Bologne), Méditations et vagabondages sur la condition de l’écrivain, Éd. Rhubarbe, 2020

L’Arbre et le Béton (avec Margo Ohayon), Dialogue, éd. Rhubarbe, 2016

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Mémoires du Serpent (roman), Éd. Hermann, 2010

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Carnets d’un fou. La Styx Croisières Cie, Chroniques mensuelles (années 2000-2020)

Publication numérique, Les Editions de Londres & La Cause Littéraire

 

Traductions :

Luis de Góngora, La Femme chez Góngora, petite anthologie bilingue, Éd. Alcyone, 2018

Aristophane, Lysistrata ou la grève du sexe (2e éd. 2010),

Aristophane, Ploutos (éd. Les Mille & Une nuits)

Trente poèmes d’amour de la tradition mozarabe andalouse (XIIe & XIIIe siècles), 1ère traduction en français, à L’Escampette (2010)

Jorge Manrique, Stances pour le mort de son père (bilingue) Éd. De l’Atlantique (2011)

Federico García Lorca, Romances gitanes (Romancero gitano), Éd. Alcyone, bilingue, 2e éd. 2016

Luis de Góngora, Les 167 Sonnets authentifiés, bilingue, Éd. B. Dumerchez, 2002

Luis de Góngora, La Fable de Polyphème et Galatée, Éditions de l’Escampette, 2005