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Carnets d’un fou – XXX, par Michel Host

Ecrit par Michel Host le 27.08.15 dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Carnets d’un fou – XXX, par Michel Host

 

Juillet 2015

 

D’un voleur : – Nous étions amis. Il me connaissait comme ma poche.

Jules Renard, Journal, 1903

 

On vient de me voler. – Que je plains ton malheur !

– Tous mes vers manuscrits ! – Que je plains le voleur !

Le Brun-Pindare (1729-1807), Dialogue entre un pauvre poète et l’auteur

# La pensée de pouvoir être volé m’est venue sur le tard. Pourtant, tout gamin, je fis main basse sur une boîte de crayons de couleurs, j’avais six ou sept ans… Les crayons, magnifiques, appartenaient à l’un de mes oncles. Il ne s’aperçut de rien. Étrangement, je n’ai pu oublier ce larcin et sa pensée me visite parfois encore. Sur mes vingt ans, pour éclairer une chambre squattée, je dérobai le cierge pascal d’une église du XIVe arrondissement : je n’en eus ni n’en ai le moindre remords. On nous avait coupé l’électricité : l’Église, contre laquelle j’avais une dent, devait payer l’inique initiative d’EDF. Ne se veut-elle pas Lumière repoussant les Ténèbres ? Aujourd’hui, que nous allons nous rendre en Bourgogne, je m’interroge sur le fantôme qui, avant chaque été, dérobe deux des tuiles avec lesquelles je couvris le haut et long mur qui sépare la cour du jardin. Deux tuiles, toujours deux ! Et toujours au même endroit du mur. Pourquoi cette facétie ? Cet acte inamical ? Je les remplace par d’autres, certes, parce que ce chemin de crête du mur fut aussi la promenade de nos chattes Artémis, Nejma, Tanit… et l’est encore du chat Snijok. Mais enfin, M. le Kleptomane mystérieux, n’aimez-vous pas les chats ?

Le 30/VII

 

J’ai sous les yeux Le M. de ce mardi 30 juin. Mon choix est entre l’abominable décapitation d’un chef d’entreprise des mains d’un intrépide messager du Prophète (*), acte doublé de celui, heureusement manqué, de faire exploser une autre entreprise productrice de matériaux dangereux. Sur le même plateau de la balance : les déclarations de notre premier ministre sur la guerre de civilisation menée sur toute la terre « contre les chrétiens, les chiites, les apostats sunnites… » par les mêmes adeptes du Prophète, et encore la grande corrida financière menée par l’Europe-fourmi contre la Grèce-cigale à qui nous devons le meilleur de nous-mêmes, la pensée, la science, la beauté. Sur l’autre plateau et sous la plume de Benoît Hopquin (p.21), la rencontre avec le jardinier Jean-Elie Royer, vivant dans la Drôme et cultivant son jardin où il a inscrit cette heureuse devise : « Si tu veux être heureux une heure, enivre-toi. Si tu veux être heureux un an, marie-toi. Si tu veux être heureux toute ta vie, deviens jardinier ».

(*) N’existant pas davantage, selon moi, que Yahvé et Dieu le Père, Allah est ici représenté par son inventeur, dit Le Prophète.

 

# La maison poétique des beaux sentiments (les Éditions Bruno Doucey), dans sa dernière Lettre d’Information (N°58, juillet-août 2015), manifeste son soutien à la promotion d’un roman de Didier Daeninckx –  Caché dans la maison des fous – lequel recevrait sous peu le Prix l’Autre Page, décerné par une association de psychanalystes. Ce soutien à un être aussi répugnant, écrivain de la bien-pensance sélective et ciblée, en outre premier sycophante (*) de la littérature de notre temps, digne des époques les plus malsaines, ne laisse pas augurer d’un vrai discernement chez qui publie tant de poètes de l’universelle fraternité, âmes pures et sans reproches, petits saints en niche.

(*) Parmi les victimes du dénonciateur maniaque : Gilles Perrault, Serge Quadruppani, Patrick Besson, Gérard Delteil, Guy Dardel…

 

# Amusons-nous. Parlant des grandes religions monothéistes, Michel Houellebecq en jugea clairement : « Des trois, c’est l’islam la plus con ». Il dut faire mine de se repentir, mais qu’importe. Certes, je tiquai sur la forme abrupte de la sentence, mais elle me parut d’abord l’exact reflet de l’évidence. J’en suis moins assuré aujourd’hui. Allah doit bien savoir à quoi s’attendre avec les jeunes hommes qu’il réussit à enrôler dans ses troupes de futurs martyrs – la quête du martyre, acte qui selon moi s’apparente au suicide ! C’est en véritable magicien qu’il les exalte, les émoustille : ne leur promet-il pas à chacun la possession de quelque 70 vierges, dans son Paradis lointain ? De simples calculs vous convaincront de l’infinie puissance d’Allah, ou de l’infinie imbécillité de ses jeunes adeptes. Si l’on veut penser qu’Allah n’est pas descendu au rang de ravaudeur de virginités mises à mal, eh bien, pour dix heureux martyrs, c’est 700 vierges qu’il lui faut fournir, 7000 pour cent bienheureux, 70.000 pour mille… etc. Avec la meilleure bonne volonté, je me demande en quelle contrée, en quel paradis on trouve tant de naïves et pures demoiselles disposées au sacrifice. Merveilleux Allah !

Le 30/VI

 

# M. Hollande, non content de cirer semaine après semaine les babouches du Prophète, vient, dans un élan d’une lâcheté et d’un cynisme innommables, de se prosterner aux semelles de l’Oncle Obama en refusant l’asile politique à Julian Assange, actuellement réfugié dans l’ambassade londonienne de l’Équateur, où il est en quelque sorte prisonnier ! M. Assange nous a révélé une belle part des turpitudes et actes de gangstérisme des divers gouvernements des États-Unis : la France, pays des « droits de l’homme » et de la « liberté » vient de l’en récompenser à sa façon, en lui déniant tout droit à la liberté bien qu’il l’eut priée de le lui accorder.

Mme Duflot a vigoureusement protesté. Pour une fois, je tiens avec respect l’ourlet de sa robe. Par ailleurs, grâce à ceux qui nous gouvernent et que je n’ai pas élus (je tiens à le souligner) j’ai chaque jour un peu plus honte d’être français.

Le 3/VII

 

# OKI ou NAI ? Le Grec Tzipras a consulté son peuple. Celui-ci, lassé d’humiliations et de punitions imméritées a répondu OKI (Non) à la simple question de son appartenance à une Europe bancaire, uniquement soucieuse d’endetter les peuples – elle prétend que les peuples s’endettent quand les seuls magnats de l’argent les endettent. L’Europe voudrait, par exemple, que les retraités grecs dont la pension est actuellement de 600 € mensuels, se contentent d’une somme moindre encore. Cela est à comparer aux sommes mirobolantes que touche au même moment le moindre des fonctionnaires de la machine bruxelloise. À comparer aussi aux sommes que les grands armateurs grecs dissimulent, hors d’atteinte de l’impôt, dans d’inaccessibles paradis fiscaux.

M. Tzipras vient de donner un décisif coup de pied dans la fourmilière bancaire européenne. Je crains que les banquiers ne le lui fassent payer au prix le plus fort.

Je viens de l’écrire, et l’écris encore : nous devons aux Grecs la pensée, la logique, la philosophie, la poésie et la beauté. Notre dette envers eux est infinie, éternelle, et nous non plus ne pourrons la rembourser.

À l’occasion de ces événements, on a vu M. Mélenchon et la belle Clémentine Autin chanter des péans et danser joue contre joue sur la place de la République. On s’est bien amusé !

Le 6/VII

 

# Hier, sur France-Culture, j’écoutais une dame révérencieuse interroger l’écrivain et récent académicien Jean-Marie Rouart. Celui-ci se rengorgeait, auto-satisfait autant qu’il est possible, de l’incipit de son dernier ouvrage, quelque chose qui traite, je cite de mémoire, de « Ces amis qui embellissent la vie »… Il le lut, c’était ceci : « Les familles sont heureuses ou malheureuses… », et patatras ! dès la phrase suivante, le solécisme qu’on apprenait à éviter au Cours Élémentaire au temps où l’on étudiait la langue : « Les familles malheureuses le sont chacune à leur façon » !!! Il commit d’ailleurs la même faute, un peu plus tard, dans le courant de la conversation.

Je n’ai aucune animosité envers les académiciens français, charmantes momies pour la plupart d’entre elles, encore que celle-ci eut, il y a quelques années, l’occasion de se montrer au naturel, dans une morgue bourgeoise muette, oublieuse de la courtoisie la plus élémentaire quand je lui manifestai ma seule sympathie d’écrivain : je lui dédicaçai le livre que je signais alors, livre qu’il posa devant lui sans l’ouvrir ni me remercier. C’était dans les locaux des Éditions Grasset, rue des Saints-Pères. Éducation et instruction négligées se tiennent souvent par la main. Cette revanche syntaxique a un petit goût de vengeance que je m’autorise sans scrupules.

Le7/ VII

 

# Maintenir ou pas la Grèce dans la « zone euro » et dans le grand supermarché européen… La question est posée. On entend mille bruits. Des « économistes » de tout poil, sortis par dizaines dessous on ne sait quels cailloux, bavardent sans fin aux écrans et aux micros. Cela produit une rumeur confuse, assourdissante. M. Tzipras semble avoir jeté son pays dans une impasse, voire un piège. Comment demander de l’aide encore quand on n’a pas payé ses dettes ? Quand on promet à nouveau ce que l’on n’a pas tenu ? Quand on argue d’une reprise des activités économiques d’un pays qui n’a presque rien à proposer à l’exportation ? De l’autre côté, les uns se scandalisent de voir que l’on pourrait accorder des facilités de remboursement aux Grecs quand eux-mêmes payèrent leurs dettes et consentirent tous les efforts exigés par la Machine de l’argent ? Les autres tremblent à l’idée de voir les Grecs renier l’Europe et sa monnaie mortifère, provoquant ainsi l’explosion en chaîne des éléments de la Puante Machine, planche à billets grinçante mais fonctionnant malgré tout. On voudra humilier les Grecs en les plumant comme des poulets, en exigeant qu’ils vendent Le Pirée tout entier à la Chine avec leurs îles en prime : ils sortiront donc du système inique et reviendront à la drachme. J’imagine la chose inéluctable à moyen terme car on fera semblant de vouloir trouver des solutions quelque temps encore.

Le 8/VII

 

# « Puante machine » écrivais-je. Puante comme la « gravité » (Le M. du 9/VII) de M. Donald Trusk, président du Conseil européen, déclarant que « l’affaire concerne tout le monde ». Puante comme cette déclaration de M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, selon laquelle « le gouvernement grec ne fait pas ce qu’il doit faire ». Comme si se plier à cet oukase n’avait aucune conséquence sociale. Puante comme cette arrogance aux poches pleines devant un pays qu’elle sait incapable actuellement de répondre à ses exigences. M. Juncker oublie de se souvenir que l’argent des armateurs, hauts fonctionnaires et industriels grecs est à l’abri de l’impôt et entièrement disponible pour la spéculation dans les coffres des banques de son pays, le Luxembourg. Au Bundestag, à Berlin, pense-t-on que restituer aux Grecs les 70 milliards de dollars qui leur sont dus au titre des dommages de guerre pourrait constituer un pas décisif vers la possibilité d’un nouveau départ ? Pense-t-on à retenir ces flux financiers, à geler ces sommes, à rendre leur dû aux Grecs ? On me répondra : êtes-vous un si grand naïf ?

Le 9/VII

 

# Ce samedi, une oreille un instant consacrée aux premiers mots de l’émission Répliques d’Alain Finkielkraut. Mrs Régis Debray et Fumaroli m’y rappellent que Pétrarque, en gravissant la pente sévère du Mont Ventoux, entre deux pensées pour Laure l’évanescente, outre l’invention du sport de montagne, rêvait de lier la déjà antique sagesse gréco-romaine, l’humanisme en somme, aux avancées de ce que l’on pouvait appeler la rationalité et le savoir, qui bientôt allait se muer en science. Malheureusement je n’ai pu en écouter davantage.

Le 11/VII

 

Anecdote patriotique. Un œil sur le défilé du 14 juillet. M. Hollande, qui vient de jouer les mouches du coche dans la ténébreuse empoignade entre banquiers européens et représentants de la Grèce, descend les Champs-Élysées entre deux haies de Gardes républicains à cheval (difficile, entre plumets des casques et petit trot des cavaliers, qu’une balle malintentionnée puisse l’atteindre : légitime principe de précaution). Tout au long de l’avenue, des deux côtés, des troupes de gardiens de l’ordre sont massées qui, elles-mêmes font rempart entre les haies métalliques, lesquelles sont placées au plus près des façades des immeubles, tenant à l’écart la maigre foule des Français venus assister à l’événement. Cette foule est à dire vrai invisible et inaudible (est-ce affaire de micros directionnels et de prises de vue des caméras officielles ?). Le président ne voit pas ses compatriotes établis sur les trottoirs… Ils ont été repoussés au plus loin. Sait-il même qu’ils existent encore ces gens de vieille souche ? Cette marionnette n’a aucun geste sinon ridicule et étroit, pas un seul sourire. Elle ne risque pas non plus de recueillir un seul sifflet, la moindre huée… On n’entend personne applaudir, ni ne voit agiter un seul drapeau aux couleurs de ce pays-ci. C’est d’une morne tristesse. D’une hexagonale impersonnalité. À la tribune, au pied de l’Obélisque, toute l’anti-France socialisante parade et se rengorge. Le président du Mexique salue ses troupes qui s’avancent en tête de la procession : les soldats brandissent des aigles royaux nommés Zeus, Athéna… qui témoignent de la légende de la fondation de la ville de Mexico. C’est amusant, c’est folklorique. Cela s’appelait le défilé du 14 juillet.

Le 14/VII

 

# « Je ne lui ai pas encore pardonné » déclare Mme Valérie Trierweiler, à Femme actuelle (N°1607, 13/7-VII). On la comprend : jetée comme une serviette sale ! Congédiée comme une petite bonne ! Le monsieur est un grossier personnage dont l’éducation petite bourgeoise manqua sans doute de rigueur. Elle avait son bureau, à l’Élysée, contigu au sien. Pour quelles importantes activités, je n’en ai pas la moindre idée. Elle pardonnera de toute façon, car elle est femme. Ceux de la bande, elle les a plutôt vus avec exactitude : « … la difficulté de pénétrer dans ce milieu, de s’y faire accepter. C’est quasiment impossible d’évoluer dans une oligarchie où tout le monde ne vous regarde pas de la même façon. Ce milieu est hors normes. C’est une bulle. Tout l’entourage du président a le même parcours, fréquenté les mêmes grandes écoles. J’avais l’impression d’être un ovni sur cette planète élitiste ». Mme Trierweiler, qui s’en est fort bien tirée grâce à un succès de librairie presque sans précédent se donne pour femme de modeste extraction : « On savait qu’on mangerait le lendemain ». « J’ai conservé cette peur du lendemain ». Soit ! Mais elle ne se trompe pas quant au milieu « hors normes » – autrement dit hors de toutes les lois – ni au sujet de l’oligarchie retirée dans sa « bulle ». Elle se trompe à propos des écoles que fréquentèrent ces complices en idéologie et tous dotés d’un superbe appétit : Sciences Po,l’ENA, ne sont que des écoles de second rang. On n’y apprend qu’à manipuler l’opinion et à mieux gérer ses intérêts personnels. Pas même à gouverner efficacement et pour le bien de tous, on le constate chaque jour. Polytechnique ? La rue d’Ulm ? – étaient-ce vraiment à leur portée. Milieu « élitiste » ? Non pas : à prétentions élitistes, certes oui. Seule Mme Fleur Pèlerin semblerait se détacher du lot… Au passage, le délicieux mot de mépris du président pour les gens sans moyens – Les sans-dents – est confirmé : « C’est ce que j’ai vécu, entendu », confirme l’évincée.

 

La punition. Le premier ministre grec, M. Alexis Tzipras est condamné aujourd’hui à gouverner son pays contre les vœux de sa majorité électorale et selon ceux de son opposition bien calée dans la monnaie européenne. Condamné à recevoir les subventions qu’il réclame, pour les restituer aussitôt aux banques qui les lui prêtent. Cela s’apparente au tonneau des Danaïdes, et n’a aucun sens, rien (pour le moment) n’ayant été prévu pour permettre aux Grecs les moyens d’un réel développement économique. Ce théâtre branlant n’a aucune chance de voir se terminer le spectacle selon ces combinaisons dignes d’Ubu Roi. Nombreux sont les économistes qui prédisent la catastrophe. Bien qu’ignorant en matière d’économie, je n’ai aucun mal à les croire. La presse joue volontiers de l’image d’un premier ministre attaché à son rocher tel Tantale, le foie rongé par les vautours européens ; et encore de celle de Sisyphe et de son encombrant rocher.

17/VII

 

Serge Klarsfeld, expert en histoire du XXe siècle, exprime à haute voix cette évidence, difficilement acceptée par le bien-penseur Jean Birnbaum son interrogeant, que les jeunes gens issus de l’immigration dans les années 30 étudiaient avec ardeur dans l’école républicaine laïque, alors que nombreux sont les jeunes musulmans qui, bénéficiant aujourd’hui des mêmes avantages et possibilités, ne manifestent aucun goût pour l’étude et souvent la repoussent. C’est un avis à prendre en compte. Il est certain que ces jeunes musulmans n’auront à se préoccuper ni de latin ni de grec. On leur a prévu, ainsi qu’à tous ceux qui fréquentent nos écoles et collèges, des activités aménagées, reposantes, distrayantes. Mon avis est que le produit répulsif est moins dans l’école que dans les effets de la répétitive hallucination coranique.

 

# Nos gouvernants, ayant ruiné définitivement par la surimposition nos industries petites et moyennes, achevé de changer l’école en colonie de vacances et de faire du baccalauréat un territoire d’illusions (entre 95% et 98% de candidats reçus chaque année), aidé les employeurs et industriels français à ne plus employer qui que ce soit tout en permettant à la masse des chômeurs partiels et complets de dépasser le chiffre de 5 millions, s’attachent désormais à la démolition des entreprises d’élevage de ce pays. Il est vrai que je touche à peine aux cadavres des bêtes, ne supportant pas qu’on les martyrise et abatte massivement, mais quoi ? suis-je autorisé à imposer le végétarisme à toute une population qui consomme « de la viande », quoique de moins en moins m’a-t-on dit. Il est vrai aussi que le gouvernement a consacré quelques milliards d’euros annuels à soutenir cette filière de l’agriculture. Les éleveurs s’attaquent à la « grande distribution », aux supermarchés qui les ruinent en achetant leurs productions à des prix qui ne leur permettent plus de faire fonctionner leurs entreprises (autrefois « fermes » et « élevages familiaux ») ni même de vivre de leur travail. Selon ma façon de voir, plus politique qu’économique bien entendu, c’est en l’occurrence pure affaire de lâcheté gouvernementale. En premier lieu parce que les agriculteurs ne représentent plus qu’une faible part de l’électorat et sont réputés voter davantage « à droite » qu’« à gauche ». En second lieu, on n’a pas le courage de contraindre ladite « grande distribution » à revoir à la hausse ses prix d’achat aux producteurs – on l’en supplie seulement ! – et cela d’autant moins que l’économie socialiste (?) du jour s’écarte de tout soupçon de dirigisme pour se rapprocher chaque jour davantage du modèle américano-européen libéral. Enfin, parce qu’on n’ose pas entamer le combat contre les fonctionnaires bruxellois, leurs commissions, leurs directives insensées, abusives, qui obéissent au même modèle et conduisent tout le monde à l’austérité puis à la pauvreté. Ici, d’ailleurs, se situe la faille qui permet aux mouvements dits « populistes », aux droites dites « extrêmes », de s’engouffrer et de prospérer.

 

# Notre devise est à réformer. Selon les jours, désormais, selon le vent, selon les événements, on l’affichera, renouvelable à souhait :

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FISCALITÉ

DIVERSITÉ, CALAMITÉ, IMPUNITÉ

ACHETER, CONSOMMER, RACHETER

BILBOQUET, BILBOQUET,  BILBOQUET

ou CITOYEN TU L’AS DANS L’OS

Etc.

 

# Agriculture et écriture. Je compare les agriculteurs traçant leurs « lignes » aux écrivains penchés sur les leurs. Les premiers, en ces hauts de la Bourgogne, moissonnent sous la chaleur étouffante. Ils sont montés sur d’énormes machines heureusement équipées de puissants climatiseurs. Dans la même chaleur, que je contrôle comme je peux, à la manière méditerranéenne, je peine à écrire les miennes. L’énergie et le goût n’y sont pas toujours. Je lutte en accusant le dérèglement climatique. Et puis je me suis attelé à deux tâches peu commodes : rendre compte de ce qu’est mon « vivre écrivain » ; traduire des poèmes du portugais Fernando Echeverria !

21/VII

 

# Puisque j’ai pris, ce mois-ci, la liberté de brocarder nos académiciens, eh bien je fais un pas encore en citant l’un d’eux, récent admis, sainte plume de la pensée conforme, qui écrit ces mots saisissants eux aussi, à un jeune écrivain d’Outre-Quiévrain : « Je trouve vos nouvelles saisissantes. L’humour équilibre vos textes, nous détourne d’un excédent de gravité, nous fait entendre un autre son ». De l’art d’écrire pour à peu près ne rien dire et d’enfiler l’habit vert poussiéreux à des phrases aussi creuses que gourmées. Amusant ! Amusant !

22/VII

 

# Heureux aléas de l’histoire. Homère n’a connu ni la grande Josyane, maquerelle de sinistre mémoire, ni la chronique littéraire du Monde. Il a écrit en paix.

23/VII

 

# Le M. (au 25 du mois) nous gratifie d’un notable article de fond : Le surf, cet univers impitoyable. Nos bobos, nos doux moralistes de gôche en vacances, nos moines mendiants cousus d’or, allongés sur le sable entre Amalfi et le cap Ferrat, en tressaillent et frémissent. N’est-il pas immérité de se trouver aussi cruellement menacé après qu’on a hébergé dans ses appartements, les dépendances de la maison de campagne, ses chambres de bonnes de l’avenue Montaigne, tous ces sans-papiers, SDF, réfugiés africains auxquels le peuple français, pingre, raciste et xénophobe, refuse aide et compassion ?

28/VII

 

Rions un peu. Maladie. La mort fait du sport.

 

Logique cartésienne. Il y a peu, l’Yonne républicaine (au 23/VII) nous annonçait que mille pèlerins processionnaient, évêque du diocèse à leur tête, en la ville de Vézelay pour la fête de sainte Marie-Madeleine. La photo montre qu’il s’agit bien d’une fête folklorique. Le même quotidien relate aussi les circonstances du second festival des Arts sacrés à l’abbaye de Pontigny, et rappellera la fin des festivités dans sa livraison du 27 juillet. Il est précisé, car c’est à s’y méprendre, que ce n’est « pas un spectacle mais un acte rituel ». Un acte rituel éthiopien, en l’honneur de Maryam (Marie), inscrit dans une tradition chrétienne datant de 1300 ans. Il y a roulements de tam-tam ecclésiastique et robes et turbans de rois mages ! Précision désopilante : « À la fin, le public a longuement hésité à applaudir, se demandant si la prestation était bien achevée ». Non moins désopilants sont les Français, ces cartésiens légendaires : leurs églises sont vides, ils crachent sur la religion qui est pour plus de moitié dans la fondation de leur civilisation singulière, ne savent plus ce qui différencie péché mortel et véniel, se déclarent athées (moi le premier, je le confesse !) pour plus de la moitié d’entre eux mais se plaisent à ressusciter, autour de leurs grands monuments désertés, des fastes dont ils se demandent quel fut, quel est encore le sens. Rituel ou spectacle ? C’est comme ce cheval et ce paysan armé d’une fourche, tous les deux faits de paille, que j’avais vus, à Pâques, en bord de route, au village que j’habite, rappel des temps de l’agriculture fermière et familiale dans une région de la Bourgogne qui s’est donnée à la monoculture céréalière et ressemble chaque jour davantage à la Beauce, je veux dire à un désert d’arbres et d’hommes.

 

États-Unis et les autres mondes. Ces jours-ci, le président Obama visite les terres natales de son père : le Nigéria. Il déclare aux Nigériens qu’ils vivent dans un pays admirable et en plein essor ! Votre classe moyenne est aux avancées ! Bravo les enfants ! Entendre : restez ainsi, bien paisibles, nous nous chargeons d’exploiter vos matières premières et de faire nos excellentes affaires sur votre dos avec l’aide de votre classe dirigeante corrompue. Il dira les mêmes choses à peu près aux Éthiopiens, à leur président (véritable criminel auquel les juges ont probablement dû ne plus s’intéresser sauf à prendre les plus grands risques pour eux-mêmes et leur famille) leur indiquant néanmoins qu’ils gagneraient à ne plus se gouverner selon les critères tribaux et ethniques. Entendre : cela ne crée que divisions et troubles qui nuisent à nos affaires.

28/VII

 

Faits. Un prince du Pays des Mille et Une Nuits, un je ne sais qui de noblesse chamelière aux poches bien pleines, accompagné de son harem et de sa maison ordinaire, fait privatiser une plage de notre littoral méditerranéen au grand dam des populations locales. Scandale auquel s’ajoutent les faits aggravants suivants : des forces de police sont mobilisées pour cette seule tâche de rendre le rivage inaccessible aux baigneurs et estivants autochtones, et le doux prince – Allah seul comprend ! – exige qu’une femme, membre de la police gardienne de sa tranquillité, soit écartée des lieux. La police démentirait la chose, les CRS la confirmeraient. Ni le gouvernement ni le préfet n’interviennent pour que soit respectée la liberté de circulation sur le littoral et, somme toute, l’égalité et la loi républicaines. Paradoxe : les gardiens de la loi se voient affectés à la protection d’un hors-la-loi. La presse bien-pensante n’accorde qu’une attention distraite à la plaisante anecdote. J’ai dit, je crois, que le goujat enturbanné nous arrive les poches bien pleines. Vive la république française !

29/VII

 

# Les tuiles, au nombre de deux, ont bien été détachées de leur rangée et abandonnées dans l’herbe du pré. Mon fantôme voleur des hauts lieux devait être nu ou avait oublié sa sacoche. Ai-je le privilège d’être visité par le seul fantôme kleptomane, nudiste et distrait de la région ?

30/VII

 

Fin du Carnet XXX

 

Michel Host

 


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A propos du rédacteur

Michel Host

 

(photo Martine Simon)


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Rédacteur. Président d'honneur du magazine.


Michel Host, agrégé d’espagnol, professeur heureux dans une autre vie, poète, nouvelliste, romancier et traducteur à ses heures.

Enfance difficile, voire complexe, mais n’en a fait ni tout un plat littéraire, ni n’a encore assassiné personne.

Aime les dames, la vitesse, le rugby, les araignées, les chats. A fondé l’Ordre du Mistigri, présidé la revue La Sœur de l’Ange.

Derniers ouvrages parus :

La Ville aux hommes, Poèmes, Éd. Encres vives, 2015

Les Jardins d’Atalante, Poème, Éd. Rhubarbe, 2014

Figuration de l’Amante, Poème, Éd. de l’Atlantique, 2010

L’êtrécrivain (préface, Jean Claude Bologne), Méditations et vagabondages sur la condition de l’écrivain, Éd. Rhubarbe, 2020

L’Arbre et le Béton (avec Margo Ohayon), Dialogue, éd. Rhubarbe, 2016

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Mémoires du Serpent (roman), Éd. Hermann, 2010

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Carnets d’un fou. La Styx Croisières Cie, Chroniques mensuelles (années 2000-2020)

Publication numérique, Les Editions de Londres & La Cause Littéraire

 

Traductions :

Luis de Góngora, La Femme chez Góngora, petite anthologie bilingue, Éd. Alcyone, 2018

Aristophane, Lysistrata ou la grève du sexe (2e éd. 2010),

Aristophane, Ploutos (éd. Les Mille & Une nuits)

Trente poèmes d’amour de la tradition mozarabe andalouse (XIIe & XIIIe siècles), 1ère traduction en français, à L’Escampette (2010)

Jorge Manrique, Stances pour le mort de son père (bilingue) Éd. De l’Atlantique (2011)

Federico García Lorca, Romances gitanes (Romancero gitano), Éd. Alcyone, bilingue, 2e éd. 2016

Luis de Góngora, Les 167 Sonnets authentifiés, bilingue, Éd. B. Dumerchez, 2002

Luis de Góngora, La Fable de Polyphème et Galatée, Éditions de l’Escampette, 2005