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Carnets d’un fou - XXIV - 2015

Ecrit par Michel Host le 03.03.15 dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Carnets d’un fou - XXIV - 2015

 

Année 2015

« Je me sens très optimiste quant à l’avenir du pessimisme »

Jean Rostand

Rétrospectivité / Prospectivité / Objectivité / Subjectivité / Invectivité / Perspectivité / Salubrité

Ces Carnets d’un fou sont un tissu d’observations et de réflexions. Tissu déchiré parfois, car enfoui dans le sépulcre de l’impubliable : deux éditeurs, craintifs, ont fait marche arrière tant les timides et rares audaces qu’il enveloppe leur ont paru devoir contrarier leur bonne réputation, leur chiffre de vente et leur belle complicité avec la chronique littéraire parisienne. Seule une publication en revue est donc accessible à ces notations. La Cause littéraire, après La Vie littéraire, les accueille à son tour : qu’elles en soient remerciées. Ravaudages et reprises, donc ! Mis sur le métier en 1999, on y verra désormais défiler des « vues » du passé le plus récent, ce qui élimine la perspective mais ajoute la fraîcheur de ce qui n’a pas encore quitté notre mémoire au risque de possibles erreurs d’appréciation. Nous attendons monts et merveilles de ces travaux d’aiguille.

Carnet de janvier

« ALLAH

Ah ! là ! là ! Dieu tardif et mal embouché, dont l’existence pas plus que celle de ses prédécesseurs n’a pu être démontrée, et qui néanmoins voudrait nous priver de vin comme de contempler le visage des femmes, d’en admirer la chevelure « moutonnant jusque sur l’encolure ! »

Michel Host, Petit vocabulaire de survie, Éd. Hermann, 2012

 

# Renouons aujourd’hui, en février 2015, avec ces Carnets d’un Fou, mes témoins de cette époque livrée à sa folie. Les précédents carnets, arrêtés à leur numéro XXIII, disaient mes impressions des années antérieures. Cela nécessitait le supplément de quelques commentaires dont je ferai maintenant l’économie, ayant décidé de planter mon épouvantail dans le champ du présent que je suppose présent à l’esprit des lecteurs qui voudront bien me lire.

Je m’y autocensurerai parfois – comment faire autrement ? – mais en indiquant à chaque fois la volontaire limitation de ma liberté d’expression (1), que je conserve néanmoins pour des publications plus lointaines. Je n’ai nulle envie, à mon âge, de connaître les tribunaux de la République, et moins encore ses cachots. Après ma disparition je n’aurai plus à trancher la langue qui scandalise ni à jeter l’œil qui aura vu ce qu’il a vu.

# J’écris ma vie (en partie) et ma pratique d’écrivain et de poète (l’essentiel). Somme toute, je me résume et m’assume, comme on dit.

Un jour ou l’autre le navire naufragera ; en capitaine conséquent, je coulerai avec lui.

# Jetez par la fenêtre votre téléviseur si vous n’êtes pas un consommateur né. L’écran n’est plus que le reflet des activités d’une gigantesque agence de publicité, dont les efforts sont soutenus par des séquences de divertissements le plus souvent ineptes. La prochaine étape (déjà atteinte, je crois, sur les mini-écrans des téléphones mobiles), consiste à prendre sa commande par communication directe, à la payer de la même façon, et à la recevoir par la poste ou par un livreur. L’Être humain est en voie de disparition par son inutilité.

L’année commence mal. Je n’y peux rien.

Le 3/I/2015

# Le fait d’avoir tôt quitté l’enfer familial à dix-neuf ans après celui du « pensionnat religieux » et d’avoir dû gagner ma vie matérielle, étudier dans un autre domaine que la littérature française, passer des concours puis me consacrer à l’enseignement de la langue espagnole m’a grandement retardé dans mes lectures et la formation de mon esprit. Je ne découvre qu’aujourd’hui les Confessions de Jean-Jacques Rousseau. Le plaisir est immense, et d’autant plus que Voltaire et ses sarcasmes m’auront empêché longtemps de lui accorder l’importance qu’il mérite. J’aurai beaucoup à en parler et à m’en parler dans les semaines à venir, en commençant par louanger son écriture si naturelle, libre et précise.

Le 6/I/2015

 

La guerre est déclarée

Hier, mercredi 7 janvier, en fin de matinée. Les 9 membres de la rédaction du périodique satiriqueCharlie Hebdo sont assassinés un à un, dans leurs locaux du 11e arrondissement de Paris, au cri d’Allah u akbar, par deux hommes cagoulés, munis de gilets pare-balles et armés de fusils de guerre. Les assassins (les frères Kouachi) remontent dans leur voiture en hurlant que « Le Prophète a été vengé » (allusion à la publication des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo, il y a de cela quelques années). Ils ont tué deux policiers et un visiteur. L’un des policiers, blessé, couché sur le trottoir, est achevé d’une balle dans la tête. Ils en blesseront un autre dans leur fuite. Bilan des morts : 12 personnes.

Ces deux hommes ont été rapidement identifiés : on sait que l’un d’eux, revenu d’Irak, fut condamné à 36 mois d’emprisonnement, qu’il ne resta que 18 mois sous les verrous, et qu’il était libre de ses mouvements partout en France. L’argument de nos gouvernants : on ne peut mettre un gendarme derrière chaque personne. Ou bien : le risque « zéro » n’existe pas. Leur devoir est pourtant d’éviter que le peuple français coure des risques de cet ordre. Peut-être serait-il judicieux de tenir ces criminels enfermés, ou astreints à des travaux forcés sous surveillance constante. Ils possèdent la nationalité française (souvent une double nationalité !) et ils font la guerre à leur propre pays : ce sont donc des traîtres au sens plein du mot !

Attaque clairement dirigée contre la liberté d’opinion et d’expression, l’un des piliers de la démocratie et de la république laïque comme de notre culture. Guerre culturelle et idéologique, donc, comme le dira le soir même, à la télévision, Philippe Val, ex-directeur du magazine. Non pas guerre pour raisons socioéconomiques comme le prétendent nos politiques depuis des années.

Ce matin, 8 janvier : à Paris, une policière municipale est assassinée à l’arme lourde à la Porte de Châtillon. Elle dressait une contravention. Son collègue est blessé. À Lyon, dans la nuit, une boutiquekebab est attaquée à l’explosif, en banlieue lyonnaise ; une mosquée ou un « lieu de prière » est aussi attaqué(e) à l’explosif.

Mon premier sentiment : il se vérifie clairement que les préceptes intangibles de l’islam sont absolument incompatibles avec les valeurs laïques et républicaines. À la terreur ne peut répondre qu’une contre-terreur.

Mon second sentiment : il est d’une urgence pressante que l’islam modéré de France, s’il existe comme le soutiennent certains, se donne des dirigeants libres de leur parole, dégagés de la terreur que déjà font peser sur eux les islamistes dits radicaux, et que soient déclarés par ces nouveaux dirigeants leur attachement à la laïcité, leur désir de vivre libres en France, selon les lois françaises, et enfin leur volonté d’éradiquer du Coran les versets qui infériorisent les non-musulmans, exigent qu’on les tue s’ils refusent le statut de dhimmis, ou parfois la conversion ; et de même les versets qui infériorisent les femmes moralement, matériellement et réduisent leur liberté.

La guerre est déclarée. Je ne m’en réjouis pas. Si rien ne vient l’arrêter net, il faudra la faire. Que les âmes tendres et naïves s’en persuadent. Que les âmes déterminées tentent d’apaiser le feu, tout en sachant que pour ces esprits limités et fanatisés toute marque de volonté d’apaisement est considérée comme une faiblesse propre à encourager leurs entreprises.

Le 8/I/2015

# Bilan de la journée du vendredi 9.

Les deux assassins du comité de rédaction de Charlie Hebdo sont en réalité deux frères (les frèresKouachi), vivant en France, et de religion musulmane, comme on le devine. Le lien a été établi, en matière de complicité, entre eux et l’assassin de la jeune policière, à la Porte de Châtillon-Montrouge, un certain A. Coulibaly. Ils agissaient en synchronisation. Les deux frères se sont réfugiés au petit matin dans une imprimerie d’une ville de Seine-et-Marne (Dammartin-en-Goële). Encerclés par la police, ils ont été mis hors de combat par celle-ci vers les 17 heures de l’après-midi. Coulibaly, de son côté, est entré à 11 heures du matin dans une grande épicerie casher de la Porte de Vincennes, prenant plusieurs clients en otages, et en tuant trois dès son entrée. Retranché dans le lieu, il est lui aussi mis hors d’état de nuire par la police à 17 heures. Les actions policières ont été elles aussi synchrones, du fait que les frères Kouachi ont les premiers effectué une « sortie » les armes à la main. Le bilan, en comptant les trois assassins, se monte à vingt morts pour ces deux journées abominables. La police, outre ses deux morts, compte trois ou quatre blessés dans ses rangs. Nous en sommes là : dans le complet échec de l’intégration des musulmans dans la culture française ; dans le complet échec d’une éducation nationale française qu’ils ont toujours refusée, fût-ce de manière dissimulée.

Le président Hollande et son état-major organisent un rassemblement national unitaire et une gigantesque manifestation parisienne pour le dimanche 11. À ce rassemblement, auquel participeront des chefs d’États étrangers, ils n’invitent pas formellement le Front National sous prétexte de ne pas voir dans ce parti politique un représentant des valeurs républicaines et démocratiques, ce qui est règlementairement et administrativement faux, sinon pourquoi ce parti serait-il légal et aurait des représentants nationaux ? Étrange conception d’une unité ou d’une union de la nation ! Précisons que je n’ai aucune sympathie particulière pour le Front National.

M. Hollande, s’adressant une fois encore au peuple français, proclame que « l’islam n’a rien à voir avec ces affaires terroristes ». On comprend bien ce qu’il veut dire, mais comment s’empêcher de penser qu’il souhaiterait davantage que le shintoïsme ou l’hindouisme fussent liés au terrorisme, et non pas les musulmans que, comme ses prédécesseurs, il accueille massivement et à bras ouverts sur notre sol. On ne peut oublier que l’islam en France constitue une part décisive de son électorat. M. Hollande n’est pas prêt à lui dire ses quatre vérités. Ce grand défilé qui aura lieu dimanche de la place de la République à la Nation, au-delà d’une manifestation naïve de bonne volonté, sera aussi une solennelle mascarade.

Pour moi, je commencerai à me persuader d’un début d’intégration de l’islam en France, de la formation d’un islam de France par conséquent, lorsque je verrai des femmes musulmanes aux terrasses des cafés de nos villes dès le retour du soleil. Lorsque les deux organisations dites « représentatives » auront officiellement, clairement indiqué leur volonté de se soumettre aux exigences de la laïcité « à la française ». Je crois que ce ne sera pas pour ce printemps.

Islam, religion d’amour et de vie, proclament quelques musulmans bien intentionnés. Ce que nous voyons, c’est un islam d’intolérance et de mort, et bien sûr pas exclusivement sur notre territoire.

Le 10/I/2015

 

Dimanche, le 11, l’émotion est à son comble dans le pays entier. Dans les rues de Paris et des villes de province défilent de 4 à 5 millions de personnes révoltées par ces crimes absurdes et le racisme qu’ils supposent. On est sincère et vraiment affecté. Les pancartes « Nous sommes… Je suis Charlie » abondent. Aussi celles qui proclament : « Je suis Français… Je suis Juif… ». La Marseillaise éclate ici et là, partout, avec son couplet de toujours : « Qu’un sang impur / abreuve nos sillons »  sans se douter un instant que ces mots pourraient parfaitement être chantés par les assassins.

Mon avis d’abord sur le traitement de la situation, particulièrement en ce qui concerne le retour de ces jeunes gens des pays d’islam où ils apprennent à nous faire la guerre, les armes à la main : plusieurs hommes politiques, y compris le premier ministre socialiste l’ont proclamé : « Nous sommes en guerre ». Qui nous a déclaré la guerre ? De jeunes français, ayant carte d’identité française et possédant l’identité française. En temps de guerre, comment appelle-t-on un soldat qui retourne ses armes contre ses compatriotes ? Un traître ? Que fait-on des traîtres en temps de guerre ? Ils sont présentés devant un Conseil de guerre : etc. [xxxxx Autocens. xxxxx].

Cela ne se fera pas. Manque de courage et d’énergie. Amollissement général. Serait-ce barbarie ajoutée à la barbarie ou réponse au terrorisme ? C’est à penser. À mesurer dans la démesure !

« – Vous mettrez le pays à feu et à sang, me dira-t-on.

– Mais il l’est déjà, monsieur !

– Vous nous ferez régresser d’un siècle au moins !

– C’est déjà fait, monsieur ! On nous entraîne dans la régression par le crime et la terreur.

– À la terreur répondrez-vous par la terreur ?

– Oui monsieur, par une terreur supérieure : nazis et résistants, lors de la dernière guerre, s’affrontaient dans cette dialectique de la violence totale. Or l’islamisme, c’est le nazisme dernier cri, c’est la terreur pour la domination et la conquête. Prenez la peine, monsieur, si vous en ignorez tout et si vous savez lire encore, d’ouvrir les pages de la magnifique histoire des conquêtes musulmanes et des conséquences qui s’en sont ensuivies pour tous les peuples conquis. Cela a commencé sur les rives de l’Indus, monsieur. Informez-vous ».

Je reviens à cette manifestation du dimanche.

Je n’y ai pas participé : comme Monsieur Jean-Marie Le Clézio, je suis trop vieux maintenant pour ce faire ; un talon, une hanche m’auraient trop fait souffrir. Par ailleurs je n’ai pas beaucoup de voix et je chante faux.

« – Ce sont là vos raisons, monsieur ?

– Pas vraiment. Cette manifestation fut une mascarade, une représentation de masques, au sens le plus théâtral qui soit, et, par voie de conséquence, la deuxième Journée des Dupes qu’aura connu la France.

– Affirmation bien aventurée.

– Je ne le pense pas : en tête du cortège, entourant M. le Président Hollande et ses acolytes en partie responsables par faiblesse et électoralisme de la situation d’aujourd’hui, une bonne cinquantaine de chefs d’État supposés être venus soutenir les libertés d’expression et de pensée. Parmi eux, les principaux mécènes de l’islamisme mondial : les représentants du Qatar, de l’Arabie saoudite et de la Turquie ! Plus qu’un paradoxe, le scandale aporético-politique le plus voyant de notre temps. N’ont pas été suffisamment remarquées, sur le moment du moins, les absences de M. Le Président Obama (qui dira ses regrets par la suite), principal organisateur, avec ses prédécesseurs, des désordres mondiaux et instigateur de la haine de beaucoup de musulmans contre eux-mêmes et l’univers entier, et de M. Tarik Ramadan, propagateur en Europe, masqué lui aussi, des thèses des Frères musulmans salafistes et duwahhabisme, l’anti-civilisation par définition. Le soir même, dans un de ses innombrables discours creux à fonction électorale, M. Hollande déclarera aux Français et au monde entier : « Tout cela n’a rien à voir avec la religion de l’islam ». On peut ici parler de complet crétinisme ou d’aveuglement volontaire. C’est tout ce que j’ai à dire pour l’instant, de cette belle manifestation et de l’état mental de nos dirigeants ».

Le 16/I/2015

 

# Il est utile de se reporter aux quelque six pages « spéciales » dans lesquelles Le Monde des Livres du 16 janvier, sous la rubrique « Écrivains face à la terreur », témoigne des « sentiments, espoirs, craintes » desdits écrivains connus ou moins connus, « après les attentats ». Entre ceux qui n’ont rien à dire ou peu à dire, quelques propos sensés traversent l’espace médiatico-parisien de la littérature de bonne compagnie. Voyons :

Monsieur J.M.G. Le Clézio, vivant les événements par procuration en quelque sorte et s’adressant à sa fille qui participa à la manifestation quand lui, comme moi, pour cause d’âge avancé ne le put, semble dubitatif quant à « l’état de guerre » dont on a parlé autour de lui. Il voit, pour sa fille à laquelle il délègue ses pouvoirs d’action pour l’avenir, la nécessité de mener une guerre future « contre l’injustice, contre l’abandon de certains jeunes, contre l’oubli tactique dans lequel on tient une partie de la population (en France, mais aussi dans le monde), en ne partageant pas avec elle les bienfaits de la culture et les chances de la réussite sociale ». Quant aux assassins, ils sont bien entendu des victimes d’abord, victimes de « mauvaises fréquentations » (je crois entendre ma mère, dans les années 50 du siècle précédent), « mis en échec à l’école » (qu’ils ont refusée de toutes leurs forces et où ils n’ont pas travaillé), victimes encore d’un monde où « ils n’avaient pas leur place »… J.M.G. Le Clézio a l’honnêteté d’ajouter : « croyaient-ils ». C’est la thèse officielle. On la trouve copiée et collée dans le cerveau de M. Le Clézio. Tout l’argumentaire victimaire de la bonne pensée socialiste nous est ici présenté en peu de mots. L’art de la synthèse ! Des mots qui sont autant de mensonges énoncés par un esprit routinier, un esprit qui pense comme il faut penser. Je dirais que cela est indigne d’un Prix Nobel de Littérature si je ne savais que les Prix Nobel ont précisément pour fonction de récompenser les esprits tels celui de J.M.G. Le Clézio.

Et dire que le prière d’insérer de J. Birnbaum relève que les textes publiés rassemblent « les énergies de ce que Pierre Pachet nommait naguère… une conscience solidaire, vigilante, une “conscience férocement aux aguets” ». Pour moi, je vois surtout une conscience paresseusement somnolente, usée à force de ressasser ses dogmes et ses certitudes tout en les voyant péricliter sous son regard las.

Mme Hoda Barakat, que je suis au regret de ne pas connaître, n’a rien d’autre que cette jolie formule flottant dans l’air trouble d’une France qu’elle finira peut-être par aimer : « La sagesse des aveugles n’arrange pas le temps des loups ». Cela tient sans doute du bon sens populaire de son Liban natal.

MM. Olivier Rolin et Kamel Daoud sont, sans le moindre doute, les plus clairs et les plus courageux. De ces voix « violentes », peut-être même « bravaches », dont nous parle M. Birnbaum. Olivier Rolin a la lucidité de nous rappeler qu’« un écrivain n’a pas plus de légitimité que quiconque à analyser à chaud les drames qui laissent la société sidérée », pouvant seulement « a posteriori en tirer des fictions ». Il nous remet en mémoire que la « phobie » énoncée dans « islamophobie » se fonde sur la peur, la crainte (le phobos des Grecs), et non pas sur la haine (misos). Les bonnes âmes ont toujours soutenu l’inversion des sens. M. Olivier Rolin n’est pas une bonne âme et ne se laisse pas duper. Quant au fait que les assassins n’auraient « rien à voir avec l’islam », il ne craint pas – horresco referens – de nous rappeler la terreur entretenue au Nigeria par Boko Haram, qu’à Mossoul œuvrent les égorgeurs du « califat » up to date et d’Al-Qaida, que les talibans tirent sur les petites filles pour qu’elles n’aillent pas à l’école… etc., etc., ajoutant, comble du sacrilège pour la pensée conforme : « J’aimerais qu’on me dise où, dans quel pays, l’islam établi respecte les libertés d’opinion, d’expression, de croyance, où il admet qu’une femme est l’égale d’un homme ». « La charia n’a rien à voir avec l’islam ? » interroge-t-il. Il conclut, après avoir mis en doute le dogme des violences islamistes infligées par « une minorité infime », de la manière suivante : « … j’ai l’impression de relire, sur un palimpseste sinistre, les pages les plus sombres de l’histoire de mon pays. Je voudrais bien savoir si les juifs de France n’ont pas peur de l’islam. Moi, en tout cas, j’ai peur d’un certain islam. Mais je n’ai pas peur de le dire ». Félicitons Olivier Rolin. Sa seule restriction – « un certain islam » – me semble discutable : il suffit d’aller à la source, au Coran, lecture mortellement ennuyeuse il faut l’avouer, livre devenu à mes yeux Mein Koran(2). Je le dis sans ironie : que des policiers protègent désormais Olivier Rolin.

Je le redis avec peine : j’aurais pu signer un article équivalent ; je ne me garantis pas sous les mots d’un Olivier Rolin, que j’admire et approuve. Le fait est que tous les articles que j’ai pu envoyer auMonde il y a quelques années déjà ont toujours été refusés, si bien que j’ai fini par me lasser. Meschroniques, telles celle-ci, ont de même été refusées par les éditeurs qui, je le comprends, ne peuvent risquer la bombe incendiaire, l’assassinat par la balle ou le couteau ! J’en suis même venu à me demander où et quand j’avais pu faire l’apologie du nazisme et des chambres à gaz ! La bonne pensée (souvent appelée politiquement correcte) est une ardente obligation qui fait des ravages au-delà d’elle-même. Elle est, elle aussi, opposée à la liberté de pensée et d’expression. Elle est parfaitement islamisée et elle l’ignore.

Quant à M. Kamel Daoud, sa contribution est, selon moi, héroïque. Cible d’une fatwa d’origine salafiste et datant du 16 décembre dernier, chroniqueur du Quotidien d’Oran et vivant en Algérie, il prend tous les risques. Un jour les déficients mentaux de l’islamisme l’assassineront ! Dire ceci dans un entretien, c’est se mettre en première ligne : « Je sais comment fonctionne l’idéologie islamiste. Ses cibles sont faciles à deviner : la liberté, la contradiction, la dissidence ». « Les islamistes disposent d’un sentiment d’impunité en Algérie. L’État ne veut pas remettre en cause l’alliance qu’il a conclue avec eux après la guerre civile ». « Si moi et d’autres continuons à écrire, à dessiner, à chanter, c’est pour proposer à l’enfant qui vient au monde autre chose que des idées qui tuent ». « En face il n’y a rien. C’est le désastre philosophique du monde arabe ». « … il y a des gens qui se réclament d’un seul livre, moi je me réclame de la liberté des autres livres qu’ils n’ont pas lus ».

Kamel Daoud se sent vivre dans la peur et se trouve « désarmé ». La totale imbécillité désarme toujours, je crois. Il recherche cependant l’imparable « nécessité » du style. Il ajoute, et c’est superbe : « J’ai l’impression que je ne peux pas raconter la même histoire dans une forêt qui brûle que dans une forêt qui pousse ».

Ismail Kadaré, dans une contribution très tenue, signale en creux la stigmatisation inversée des Européens : « Il est vrai que l’on considère l’Europe comme le continent qui a, plus que les autres, profité de la planète. Mais en même temps, c’est le continent qui lui a donné plus que les autres. Ce dont l’Europe a fait don appartient à une sphère unique, supérieure pourrait-on dire, celle des valeurs spirituelles : la philosophie, l’art, la littérature, la démocratie et la liberté d’expression, pour laquelle elle vient d’être frappée ». Ses ennemis, je le pense, ont frappé cette liberté qui est le socle de l’ensemble, et pas du tout au hasard, envoyés en mission de combat par l’islam conquérant de toujours !

Mme Amélie Nothomb, qui fut un temps des troupes de Charlie Hebdo, nous apprend que « L’ambiance était bon enfant, chaleureuse, on rigolait sans arrêt ». Tant de lucidité étonne. Elle ajoute que Coulibaly, spécialisé dans l’assassinat des Juifs, « ne savait sûrement pas lire ». Qu’elle se détrompe, il avait au moins appris à lire dans les écoles de la République française ! Merveilleuse aventure, n’est-ce pas ?

Mme Lydie Salvayre, qui « suivit » il y a peu d’années le parcours psychologique d’enfants de banlieue, écrit : « … certains des enfants que je suivais se mirent à dire, naïvement et comme une chose allant de soi, qu’ils détestaient juifs et mécréants : leurs méchants à eux, les méchants de leur histoire ». Elle pose la vraie question : « De quel air empoisonné se nourrissait-elle [leur détestation] ? » L’explication par la naïveté me semble courte : non pas, selon la romancière, de l’air intoxiquant des mosquées et des familles, mais du fait que ne pouvant que très difficilement traverser le périphérique, les « valeurs de la France » n’avaient aucune signification pour eux, qu’ils vivaient donc « dans la nostalgie d’un bled qu’ils ne connaissaient pas et dans l’humiliation blessante d’être tenus à l’écart de la fête… » Court, très court ! Quand vous êtes écrivain reconnu, voire à succès, et qu’on vous sollicite dans l’organe de labonne pensée patentée (3), vous devez selon moi avoir le courage, pour une fois, de marcher contre cette pensée qui n’a jamais que nié le réel en se parant de mots, d’explications lénifiants, anesthésiants.

Ce courage, Mme Angot ne l’a pas davantage, qui met à profit l’occasion pour régler ses comptes personnels avec Michel Houellebecq. Celui-ci, pour le succès de librairie, la laisse à plusieurs longueurs derrière lui avec son récent roman Soumission. Elle ne tolère pas que beaucoup l’estiment un « grand écrivain » quand elle-même l’a décrété médiocre. Elle lui rive donc son clou de subtile façon : « Houellebecq ne fait pas de différence fondamentale entre chien et humain, animalité et humanité, regard morne de l’animal et regard de souffrance de l’humain ». La suite est de la même farine dans cet article honteux. J’ai la conviction que Mme Angot, qui n’a jamais regardé qu’elle-même, dont le style ne s’est guère amélioré depuis ses premières publications, n’a pas croisé le regard d’un humain ni d’un chien depuis bien longtemps.

Reprenons de la hauteur, retenons, de Sabri Louatah : « Dans la réalité, le démon identitaire était entré dans nos corps de pourceaux, et comme dans l’Évangile de Luc nous nous jetions l’un après l’autre du haut de la falaise ». Il espère, après ces manifestations massives, un sursaut de son « pays natal », la France, « une France balkanisée, chacun ne s’adressant plus qu’à ses pairs ». C’est méritoire, bien sûr, mais selon moi ce ne fut qu’une autre Journée des Dupes, et l’espoir sera déçu. Retenons, d’Abdella Taïa, son effarement à voir son neveu se « transform[er] en monstre islamiste », « voul[ant] imposer sa loi à sa famille, à ses sœurs surtout. L’islam, c’était lui ». Faire face à « cette bombe humaine au cœur de ma famille ? Comment ? » « … que pouvait-on faire face à quelqu’un qui n’est plus lui-même ? La vérité : rien ». Conclusion : « La mort était parmi nous ». Le constat est une analyse, l’analyse un constat sans appel. L’islam mène, et avec lui selon moi toutes les religions, à l’aliénation. Retenons les jolies phrases empreintes de poésie du « sociologue et poète » Luc Boltanski, citant Yeats d’abord : « Tout est changé, entièrement changé / Une terrible beauté est née », et nous rappelant que sa génération et d’autres se sont formées « à cette école-là, celle de l’irrespect, c’est-à-dire de la vérité et du rêve, dont le flambeau fut, pendant quarante ans, tenu par Cavanna et les siens ». Je sens que nous irons loin avec de pareilles rêveries, oublieuses par ailleurs des manques à la vérité qui, parfois, éteignirent les flambeaux en question.

Voilà où nous en sommes. Je ne vois ni M. Hollande ni M. Valls lancés dans des actions efficaces, dans le marquage strict du territoire de la laïcité, dans le combat contre cette part de l’islam qui pourrit le fruit de l’islam tout entier, de l’intérieur. Des discours, rien que des discours, le menton haut levé, comme en d’autres temps… enfin, pour une fois j’attendrai, et sans doute ne verrai rien. Si je devais apercevoir quelque vrai changement, je l’écrirais aussitôt.

 

# Il semble que M. Manuel Valls, premier ministre sous M. Hollande, veuille faire de moi un descendant des Boers, ce gros bétail d’origine hollandaise qui inventa l’apartheid et la conviction de l’infériorité d’une race humaine. Nous serions, ici, en France, nous les Français, et donc moi-même, à l’origine d’un répugnant apartheid concernant les Noirs vivant sur notre territoire, avec les musulmans, des Arabes pour la plupart, dont j’estime qu’ils n’ont besoin de l’aide de personne pour s’enfermer dans des ghettos qu’ils cimentent comme l’hirondelle cimente son nid, et se séparer de la communauté nationale en clamant que celle-ci les stigmatise… Ah, le joli vocable ! M. Valls fait de moi et de beaucoup d’autres d’irrécupérables racistes. Il aurait lui-même, selon ses propres dires, été victime de ce même mépris quand il fréquenta nos grandes écoles, son grand-père barcelonais, Magi Valls, étant grand bourgeois et banquier (Banque Pons i Valls), quand son père, Xavier, artiste peintre, émigra en France et trouva auprès de la mairie de Paris de l’époque un logement spacieux sur trois niveaux, quai de l’Hôtel-de-Ville, face à l’Ile-Saint-Louis ! Je vécus, plus tard, instituteur-remplaçant, puis étudiant, avec mon épouse, institutrice, dans la cave du pavillon de fourreurs italiens retraités et grigous comme personne. C’était dans la localité de Mairie-des-Lilas, nos meubles étaient des cageots récupérés sur la place du marché. Personne ne nous proposa jamais le moindre logement convenable, la moindre aide sociale… Nous ne pensions pas à mendier quoi que ce fût à qui que ce fût. Nous ne nous estimions pas stigmatisés, ni même victimes de quelque injustice que ce soit. Nous travaillions pour nous en sortir, selon la formule la plus usitée. Ce souvenir m’étouffe aujourd’hui, quoique je comprenne fort bien que le malheur des uns ne met aucun baume sur celui des autres, fût-il imaginaire, distant de plusieurs années et méthodiquement entretenu par un habile électoralisme politicien. Oui, ce souvenir me reste là, au fond de la gorge et sur l’estomac. Dans les années qui me restent, M. Valls et les siens ne me verront jamais plus voter pour eux, et pas davantage pour leurs rivaux de théâtre ni pour les « Boers » à la française.

Le 26/I/2015

 

Dialogue

« – Que lis-tu, mon ami ?

– Je lis le Coran.

– Et quoi d’autre ?

– Rien d’autre. Les mots de Mahomet me suffisent, ce sont ceux d’Allah.

– Je te conseille de lire aussi Montaigne. C’est mieux que le Prophète, et tu pourrais laisser refroidir un moment ta kalachnikov ».

 

# Madame Danièle Sallenave, de l’Académie, conseille un enseignement différent dans les écoles de la République (Le Monde du 31 janvier) « Face aux dérives fanatiques qui menacent les croyances ou les adhésions sans recul [Je souligne, et demande : quel est le sens ?], il y a pour s’en prémunir toute la gamme des grands textes, notamment ceux des philosophes des Lumières. Oui, ce dont nous avons le plus urgent besoin, c’est un retour [pour « c’est d’un retour » ; je souligne encore !] à l’esprit des Lumières, toujours vivace malgré les cruels démentis de l’histoire, et à une formation raisonnée aux exercices de la raison ».

Madame Sallenave ignore sans doute qu’il y a dix ans à peine, des parents d’élèves de croyance musulmane déjà s’étaient plaints de ce que dans certains collèges (c’était vers les pays de Loire et Nantes, je crois m’en souvenir) on obligeait leurs enfants à se pencher sur les pages de Voltaire et Diderot. C’est précisément le vaccin des Lumières, leur esprit, qui alors était refusé par ces esprits-là. Madame Sallenave vit dans un monde idéal et rêvé qui suppose que l’on puisse se plier aux « exercices de la raison » (lesquels, d’ailleurs ?), à l’objectivité et à l’esprit critique, un monde où les uns ne lisent qu’un seul livre et les autres plus aucun ! Madame Sallenave ignore que ces esprits-là vivent en France sans reconnaître les soutiens matériels et les savoirs que ce pays leur apporte. Elle ignore que ces esprits-là, une minorité encore à ce jour, haïssent la France, sa culture et ses traditions et n’attendent que de lui imposer leur loi religieuse sur tout son territoire. C’est l’affaire d’un siècle encore, qu’on me permette d’être prophète moi aussi. Madame Sallenave ne verra donc pas, ni moi non plus, cette heureuse époque. Elle ne verra pas sa petite-fille déambuler sous la burqa. Madame Sallenave disparaîtra, intellectuelle aux mains propres, sans avoir énoncé les faits réels avec les mots appropriés. Il en va ainsi des beaux et bons esprits. Ils partent avec le sourire de ceux qui n’ont fait que bavarder inutilement.

Le 31/I/2015

Fin des Carnets d’un Fou XXIV – janvier 2015

 

Michel Host

 

(1) Mes instants d’autocensure, d’autocaviardage, seront ainsi indiqués : [xxxxx Autocens. xxxxx ].

(2) Des centaines de versets du Coran témoignent du bien-fondé de la comparaison. Ainsi, les versets 100 et 101 de la 2e sourate, dont la traduction édulcorée, euphémisante, de Denise Masson (Folio-Gallimard) laisse seulement deviner qu’il s’agit des juifs : « … Dieu n’aime pas les transgresseurs / Tuez-les partout où vous les rencontrerez… […] S’ils vous combattent, tuez-les : telle est la rétribution des incrédules ».

(3) J’avoue ici clairement que je ne le suis jamais par ces organes de presse que sont le Monde, le Figaro, Libé… je m’en suis fait une fierté, voire un orgueil, mais j’avoue aussi que l’envie ne me manque pas de parler, moi aussi qui ai lu le Coran, la vie du Prophète et l’histoire des conquêtes musulmanes, en ce moment de notre histoire finissante, et que d’être réduit au périmètre de ces chroniquesévidemment refusées par divers éditeurs (rançon de mon écart, du silence volontaire aussi) ne me satisfait pas réellement.

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A propos du rédacteur

Michel Host

 

(photo Martine Simon)


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Rédacteur. Président d'honneur du magazine.


Michel Host, agrégé d’espagnol, professeur heureux dans une autre vie, poète, nouvelliste, romancier et traducteur à ses heures.

Enfance difficile, voire complexe, mais n’en a fait ni tout un plat littéraire, ni n’a encore assassiné personne.

Aime les dames, la vitesse, le rugby, les araignées, les chats. A fondé l’Ordre du Mistigri, présidé la revue La Sœur de l’Ange.

Derniers ouvrages parus :

La Ville aux hommes, Poèmes, Éd. Encres vives, 2015

Les Jardins d’Atalante, Poème, Éd. Rhubarbe, 2014

Figuration de l’Amante, Poème, Éd. de l’Atlantique, 2010

L’êtrécrivain (préface, Jean Claude Bologne), Méditations et vagabondages sur la condition de l’écrivain, Éd. Rhubarbe, 2020

L’Arbre et le Béton (avec Margo Ohayon), Dialogue, éd. Rhubarbe, 2016

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Mémoires du Serpent (roman), Éd. Hermann, 2010

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Carnets d’un fou. La Styx Croisières Cie, Chroniques mensuelles (années 2000-2020)

Publication numérique, Les Editions de Londres & La Cause Littéraire

 

Traductions :

Luis de Góngora, La Femme chez Góngora, petite anthologie bilingue, Éd. Alcyone, 2018

Aristophane, Lysistrata ou la grève du sexe (2e éd. 2010),

Aristophane, Ploutos (éd. Les Mille & Une nuits)

Trente poèmes d’amour de la tradition mozarabe andalouse (XIIe & XIIIe siècles), 1ère traduction en français, à L’Escampette (2010)

Jorge Manrique, Stances pour le mort de son père (bilingue) Éd. De l’Atlantique (2011)

Federico García Lorca, Romances gitanes (Romancero gitano), Éd. Alcyone, bilingue, 2e éd. 2016

Luis de Góngora, Les 167 Sonnets authentifiés, bilingue, Éd. B. Dumerchez, 2002

Luis de Góngora, La Fable de Polyphème et Galatée, Éditions de l’Escampette, 2005