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Carnets d’un fou, L Mars 2017, par Michel Host

Ecrit par Michel Host le 19.05.17 dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Carnets d’un fou, L Mars 2017, par Michel Host

 

« Cette scène me hante. L’homme agonise. Le prêtre s’approche : – Souhaitez-vous, monsieur, partir avec les consolations de la religion ? La voix mourante : – Me croyez-vous, monsieur de La Calembredaine, assez faible pour n’oser affronter le néant ? »

Michel Le Maniak, Écrivain polonais

 

#. Deux pages consacrées à Mme Christine Angot dans l’un des tout derniers Monde. Elle n’est toujours rien, sinon sur la scène médiatique. On la veut quelque chose, c’est inouï eu égard à sa médiocrité. Elle parle toujours et encore d’elle-même. Avec elle, « un amour est forcément impossible ». Y compris, bien entendu, celui qui aurait échoué avec sa mère. Extraordinaire, non ! Elle serait l’« auteure » d’une dizaine de pièces… Qui l’avait remarqué ?

Le 1er/III

#. Le pays est ballotté dans la tempête préélectorale. Les élections primaires, pour la droite et la gauche, ont entièrement brouillé le jeu. Cette dernière jubile du chaos qu’elle a vraisemblablement provoqué en levant le lièvre des emplois réels ou fictifs de membres de sa propre famille par M. Fillon, son principal adversaire. Le mauvais usage des deniers publics est au cœur du débat. Les attaques sont rudes, constantes, et le tir concentré sur un seul homme. Il se défend, plutôt mal, en prenant à partie les juges pressés de l’écarter de la course car ils prétendent le « mettre en examen » ; l’inénarrable Hollande, qui s’ennuie dans son palais vide, joue les vertueux en invoquant le principe d’indépendance de la justice, alors qu’il a lui-même, il y a peu, qualifié les mêmes juges de « lâches ». Le présumé coupable est vu comme coupable avéré dans tout le pays. Il ne pourra pas, je pense, gouverner, car son discrédit est total : s’il parle d’honnêteté et de rigueur, on entendra des bruits de casseroles dans les plaines et les vallées. À ce jour, une soixantaine de ses partisans se sont détournés de lui, en lâches et pleutres qu’ils sont, au lieu de contre-attaquer, ne serait-ce que par logique politicienne et tacticienne, car les énarques, oligarques et monarques de la gauche, qui jouent au moins également de l’argent des contribuables, ne sont pas hors du soupçon. Le petit peuple navigue entre peur, horreur et fureur, Mme Le Pen n’a aucun effort à faire pour engranger les voix qui, peut-être, lui permettront d’être élue. C’est la cour du roi Pétaud. La chienlit, le pot-au-noir, dont sortira la catastrophe ou, par quelque miracle très improbable en pays laïque, un renouveau encore imperceptible.

Le 3/III

 

#. Devinette, pour enfants qui veulent souffler et voyagent à l’arrière de la voiture de leurs parents : A quoi reconnaît-on une voiture anglaise ? À ce qu’elle a toujours l’air de venir du siècle dernier.

Le 5/III

 

#. La même chose me tracasse. M. Fillon en plein naufrage, abandonné de ses soutiens, réunit ce dimanche ses électeurs (des primaires) sur la place du Trocadéro. Selon la police, ils sont au plus 40.000. Selon ses derniers fidèles, au moins 200.000. Nous dirons donc 90.000. Le malheureux refait son mea culpa, redit ses erreurs et son projet d’y remédier à l’avenir. Ses fervents amis et adversaires lui reprochent d’en appeler au peuple contre les institutions de la république. Que pouvait-il faire d’autre ? Lâcher ceux qui lui ont fait confiance ? Laisser les chiens le dévorer ? Pour le moment, il l’affirme, il reste à la barre. La décision lui appartient à lui seul. Rien ni personne ne peut le contraindre à l’abandon. Que pouvait-il dire d’autre ?

Là n’est pas l’important. D’abord, cette campagne où l’on ne parle d’aucun programme politique de façon claire, ni du redressement de ce pays malade, est un pique-nique dégoûtant que l’on aurait organisé, en plein hiver, dans les bois de Bondy, sous une pluie battante. C’est sale, boueux. Cela fatigue. Cela écœure.

Le plus important, c’est ce qui persiste à me tracasser. On menace M. Fillon de mise en examen à quelques jours de la clôture des dépôts de candidature. Cela ne s’est encore jamais vu, sous aucune république française il me semble. Le point mystérieux est que TOUS les documents qui appartiennent à l’instruction de son procès sont « sortis » au grand jour, ont été publiés par le Canard enchaîné notamment, en dépit de la loi sur le secret de l’instruction, illégalement donc, et qu’en outre ils sont TOUS à charge, en dépit que les avocats de M. Fillon ont assuré avoir produit des pièces qui déchargent les accusés (toute la famille Fillon). Voltaire en eût fait des gorges chaudes, nos médias, comme on dit, se soucient de ces faits comme d’une guigne. Seul le commentateur Éric Brunet les mentionne.

De deux choses l’une : ou ces révélations délictueuses sont le fait de petites mains appartenant de près ou de loin au milieu judiciaire, ou elles sont le fait de certains magistrats eux-mêmes, trop heureux de nuire à qui ils n’aiment pas, et ce contre toute déontologie judiciaire et républicaine. Dans le premier cas, une enquête interne devrait déjà être lancée, et les Français en être informés. Dans le second cas, on ne s’étonne pas de cet immobilisme et de ce silence dignes des conseils royaux de Louis XIV, n’en déplaise à M. Vincent Peillon, ce pur républicain, cet esprit intègre, dont la bouche, d’ailleurs, reste close. Si cela ne ressemble pas à un complot, à quoi cela ressemble-t-il ? Malgré mon dégoût pour la cupidité de la famille Fillon, je ressens un dégoût plus grand encore pour ces basses manigances d’arrières-cabinets d’aisance.

Le 6/III

 

#. Journée de la femme. De la femme adultère. De la femme avortante. De la femme de ménage. De la femme en soi, en rien ni personne. Journée inaperçue dans la tourmente préélectorale. Comme avant-hier, après la Journée de l’Agouti, avant la Journée du petit enfant somalien mis au monde sans y penser et déjà changé en squelette aux yeux effarés. Que chante le Rossignol à son sujet ? Le rire du malheur, le rire jaune du cynisme couvre ce monde de ses ah-ah, de ses oh-oh si chantants. M. le président de la Somalie parle à la télévision, à Mogadiscio, il porte un superbe complet fabriqué sur mesures à Londres, une cravate sans doute italienne, on ne voit pas ses chaussures cousues à Milan, il a le visage d’un homme gras et bien nourri, il réclame des subsides supplémentaires aux occidentaux car il doit encore acquérir quelques appartements à Birmingham, sur l’avenue Foch, ailleurs…

Le 6/III

 

#. On se souvient de ce Denis Baupin, vice-président de l’Assemblée, coureur au sens propre (ou sale), qui poursuivait les femmes mains tendues vers leur poitrine, leur croupe, et qui était poursuivi en justice par plus d’une dizaine de ses gibiers. Ladite justice vient de fêter la journée de la femme à sa façon. Elle exonère ce Baupin-là de toute suite judiciaire au prétexte que les faits seraient maintenant prescrits. Le joyeux drille se prévaut aussitôt d’un début de reconnaissance de son innocence ! Mesdames, joyeux anniversaire sous la loi du mâle ! E viva le donne !

Le 7/III

 

#. Triste constatation. Non seulement nos campagnes se meurent, mais les petits écoliers ne peuvent plus y faire l’école buissonnière. Depuis le remembrement c’est devenu impossible, tous les buissons ont été arrachés.

Le 8/III

 

#. Quant à la campagne électorale présidentielle, elle s’est envasée au fond d’un abîme. On rabâche. On s’insulte. À écouter ces dames et ces messieurs de la politique et de la presse, l’envie de vomir est irrépressible. Je vomis donc. Je n’écoute plus rien. Les traîtres, les opportunistes qui abandonnèrent l’un pour aller chez l’autre, estimant soudain menacé leur avenir de notables aux poches bourrées, reviennent de chez l’autre pour réintégrer la boutique du premier. Cela sans rougir, déployant une incroyable richesse d’argumentation, sans honte. Cela s’appelle « le métier » ! L’intérêt général ? Le bien public ? Le service de l’État ? Ah oui, tiens, faites-moi donc penser à y penser…

Le 11/III

 

#. Un ministre turc vient présider sur notre territoire une réunion électorale ne concernant que la Turquie. Le gouvernement l’accepte, quand Allemands et Hollandais le refusent, se faisant traiter de fascistes par M. Erdogan, le plus sombre fasciste du moment dans cette partie du monde ! M. Jean-Marc Ayrault fait cette admirable déclaration : « La France est un État de droit où l’on tient compte des circonstances ». Le même – opportunisme et relativisme purs – veut dire, je crois : « … où l’on se plie aux circonstances ». Jusqu’où abaisseront-ils ce pays au nom de leur islamolâtrie ? M. Erdogan, ô bonheur, nous félicite. Jusqu’où renieront-ils leur principe de laïcité (*) ? Jusqu’au dernier instant ils nous couvriront de sanie et de honte.

Le 13/III

(*) Rappelons qu’en raison de l’immense respect d’autrui qui caractérise l’islam régnant en Turquie, il n’y reste que de 1% à 2% de chrétiens. Mais ce sont les Européens qui sont traités de fascistes !

 

#. On n’en a pas encore fini avec l’art excrétoire et même excrétatoire. Marcel Duchamp nous offrit le contenant : son urinoir, appelé ready-made pour gruger les naïfs, ce qui n’a pas raté. On ne tardera pas à nous livrer le contenu, ce qui a été fait d’ailleurs. Pour moi, regarder une pissotière ne m’a jamais convaincu que je voyais une œuvre d’art née de l’intervention de mon seul regard. En 1961, Piero Manzoni, dans de mignonnes petites boîtes de conserve munies chacune de son étiquette, nous présenta 90 portions de 30 grammes de sa « merda d’artista », contenant et contenu ensemble : je n’ai pas douté d’être en présence d’une authentique merda, tout en ne croyant pas une seconde qu’elle fût l’œuvre d’un artiste véritable, par ailleurs auteur de peintures « achromes » ! Le Monde de ce 14/III nous présente aujourd’hui l’œuvre de Saâdane Afif (exposée au Centre Pompidou), admirativement qualifiée de « latrines lover » : il s’agit d’une sorte de gigantesque collage composé de toutes les images photographiques « traquées » du célèbre ready-made, telles que l’imposteur Afif les a découpées dans la presse, les magazines, les mille publications de notre temps… Je n’ai pas été persuadé qu’il y eût nécessité d’accorder une plus nombreuse progéniture à Duchamp, ni que l’on fût ici devant l’étonnante faculté de l’œuvre de « produire du récit ». Elle ne peut produire que cela, le vide esthétique appelant le plein des bavardages. « C’est comme une cellule qui commence à se reproduire de façon bizarre, un bégaiement de l’histoire… », affirme le charlatan, qui appelle le public à contribuer à son ouvrage en lui fournissant d’autres documents. Dans ma vision réactionnaire assumée des choses (le réactionnaire est un homme qui réagit ! – cest d’André Gide il me semble), nous avons-là comme un chancre envahissant, une gangrène de l’esprit, un cancer avec métastases. J’imagine un temps qui approche, celui où, ayant constaté la nullité de l’enseignement de l’esthétique et de l’histoire de l’art dans nos écoles, nos pédagogues présenteront aux enfants, pour leur laver l’esprit et affiner leur sens esthétique, ces précieux modèles d’un art enfin régénéré après les errements incompréhensibles et honteux des peintres et sculpteurs depuis Lascaux, le Quattrocento et la Renaissance, l’art flamand, l’impressionnisme… avec toute notre tradition.

Par chance, le Musée Nelson-Atkins, à Kansas-City, vient de recevoir le legs de trente œuvres impressionnistes par l’ex-combattant aviateur lors de la IIe Guerre mondiale, Henry Bloch. Les odeurs ont changé. L’information figure à la même page du Monde. L’homme est aujourd’hui âgé de 94 ans. Son bombardier B17 avait été baptisé : Heaven can wait. Lorsqu’on lui demanda le pourquoi de son goût des impressionnistes, il répondit : « Parce que c’est joli ! ». Simple comme les couleurs pures. Cet homme mérite sa longue vie et, oui, le Ciel peut attendre.

Le 15/III

 

#. Une bonne nouvelle. Rareté. « Le parlement [européen] demande la fin des lapins en cage ». Sous ce titre ambigu, Le M, 16/III, nous rappelle que 99% des 320 millions de lapins élevés chaque année pour leur viande en Europe le sont dans des cages. Je m’interroge : arriveront-ils un jour à demander la fin des cages où sont tenus enfermés les humains de la planète ? Autre question : l’homme a-t-il le droit moral de tenir les êtres vivants encagés durant leur existence, de les traiter comme un pur et simple matériau ? Je ne suis ni le premier ni le seul, c’est évident, à me poser ces questions.

 

#. M. Fillon, prétendant au trône, est responsable de sa vie, de sa personne et de ses déclarations en contradiction avec les faits dont on l’accuse. Il n’est certes pas condamné, et reste un présumé innocent qui n’a pas formellement dérogé à la loi. Il a montré cependant ce vice capital qui lance sur ses traces, en meute, tous les envieux, tous ceux qui n’ont aucun moyen de trouver les stratagèmes indispensables pour s’enrichir à sa façon : une cupidité fondamentale qu’il n’a pu masquer sous le voile de la vie privée. Il paye donc le prix fort de cette décevante et triste faiblesse. D’autres que lui, très nombreux, de tous les bords politiques, savent mieux se dissimuler : il n’est donc pas non plus fin tacticien, ni intelligent. Que vaudrait-il une fois sur le trône ? Si d’aventure il devait être élu, cinq années de bruits de casseroles l’attendraient. La réputation musicale de la France en souffrirait.

 

#. L’envie, la jalousie deviennent des objets de réflexion très actuels. Ces sentiments n’honorent personne. Ils portent le plus souvent sur nos possessions matérielles. Qu’elles soient modestes, voire minimes, ou des plus importantes, toujours nous serons sous le regard discret des envieux. Devant les preuves de l’étroitesse de votre bien, ils pensent ou disent que vous dissimulez, que vous êtes un habile hypocrite. Devant votre fortune, ils déclareront : « Je le savais… je vous l’avais bien dit… Comment a-t-il fait, ce voleur, pour… ? » L’envieux, le jaloux, ne se satisfait d’aucune évidence, car son imagination le guide. On ne peut donc lutter contre lui. On se déshonore par ces deux vices. Je me suis souvent dit qu’un homme sain d’esprit et de cœur devait se dire des choses comme : « Il possède cela que je ne possède pas… soit je n’ai pas fait les efforts suffisants pour y arriver… soit je n’ai pas les dons nécessaires pour y parvenir… soit, mes biens les plus précieux sont ailleurs, dans d’autres domaines… ». Et cela suffit, non ?

Un exemple de l’impossibilité d’aller contre envieux et jaloux m’est apporté par l’écrivain suisse allemand, Matthias Zschokke, dès l’ouverture de son dernier livre, Trois saisons à Venise : « Il n’avait pas de famille. Des amis, il ne lui en restait pas beaucoup non plus depuis que le bruit s’était répandu que la chance le favorisait d’une manière inquiétante. Il craignait que cette invitation à Venise soit considérée comme une preuve supplémentaire de cette chance supposée, ce qui inciterait ses dernières connaissances à rompre tout contact avec lui – “à se détourner de lui avec horreur” ». J’ai bien reconnu dans cette « chance supposée » l’impossibilité d’admettre qu’il y eût à son origine quelques efforts, un peu de travail, voire un soupçon de talent. J’ai quelques points de ressemblance avec l’auteur de l’exceptionnel roman Max, quoique n’ayant jamais reçu d’invitation pour Venise. Je m’autorise donc à développer le propos. Comme on ramène tout à soi, mouvement naturel, j’ai reconnu encore que je n’avais plus de famille moi non plus, que ses membres avaient tous disparu, me laissant en guise d’héritage une part dite réservataire, rognée le plus possible. Pour les amis, ils se sont estompés, mis en retrait. Ce sont mes « ex ». J’ai appris récemment qu’ils me soupçonnent de posséder un talent très singulier, celui de détecter les veines aurifères les plus enrichissantes, les mécènes les mieux disposés à mon égard, la moindre source de bénéfices pour le moindre de mes paragraphes. En fait, j’ai surnagé dans un concours difficile, suis devenu professeur, assurant ainsi ma vie matérielle et, du même coup, me laissant entièrement libre d’écrire tout ce que je voulais. Cette liberté aristocratique est on ne peut plus enviée. Quand je m’en irai, je ne sais si j’aurai encore un seul ami. Cela ne me chagrine qu’à demi, il ne m’a que rarement été donné de trouver l’homme mieux que décevant et mesquin.

Le 18/III

 

#. Après une assemblée télévisuelle des cinq candidats à la présidence les plus cotés par les sondages, on ne sait rien de plus que ce que l’on ignorait déjà tant la matière est filandreuse et complexe : rien que des techniques de gestion des affaires dont la prospérité générale devrait renaître. Le scandale est que les six candidats les moins cotés ne furent pas représentés dans cette foire aux délires. M. Mélenchon ne broncha point, que j’avais imaginé sortant de scène avec fracas pour protester contre ce déni de démocratie. Que sait le public des délires de ces petits candidats ? Peut-être celui de l’un d’entre eux se fût-il approché d’un projet national assez fort et nouveau pour entraîner la nation tout entière dans l’effort nécessaire à sa réalisation. Le revenu universel de M. Hamon, se réduisant de jour en jour à une aumône ; la séparation d’avec la machine européenne ruineuse, telle un occupant durant une guerre, souhait de Mme Le Pen, rien de tout cela n’emporte l’adhésion. Théâtre d’ombres et seulement théâtre ! On se prendrait à souhaiter le report d’un mois de la date des élections (ce que permet la Constitution et que demandent certains), afin d’être plus et mieux informé, sinon que la perspective d’un mois supplémentaire de ce tapage infernal est tout aussi insupportable.

 

#. M. Fillon et sa douce Pénélope sont maintenant suspectés d’avoir tenté de produire des documents antidatés en vue de démontrer que la dame reçut salaire pour des travaux véritables. La machine judiciaire ayant été lancée, nous sommes entrés dans la logique machinale. L’enquête suit son cours ordinaire. Simple technique de l’enquête ordinaire, qui va d’ailleurs s’enrichir d’un nouveau chef d’inculpation : M. Fillon aurait été rémunéré grassement, sans rien déclarer au fisc, pour avoir facilité la rencontre d’un homme d’affaire généreux et de M. Poutine. Simple logique du profit illimité. Le PNF (Parquet national financier) n’a pas fini de visiter les poches, les tiroirs, les placards de la famille Fillon.

La démission du récemment nommé ministre de l’intérieur, M. Bruno Le Roux, pour avoir offert de jolis émoluments, en tant qu’assistantes parlementaires, à ses filles, rétablit-elle un équilibre dans le tableau des ignominies légales ? La cadette était encore écolière, l’aînée, étudiante, et en voyage à l’époque des faits. C’étaient des travaux pour les vacances d’été, prétend-il. On les aurait peu vues sur leur lieu de travail. Comme M. Fillon, M. Le Roux témoigne de sa bonne foi et prétend son honneur hors d’atteinte. Les juges se sont aussitôt saisis de l’affaire. Pouvaient-ils agir autrement après le ficelage de M. Fillon ? Rappelons que trois autres affaires du même genre ont été reconnues sous le quinquennat hollandais, que M. Cahuzac bénéficie toujours de vacances indéfiniment prolongées, que M. Macron est soupçonné de dépenses extraordinaires pour une fête qu’il donna il y a quelques mois aux États-Unis, en faveur d’affairistes, de financiers, d’industriels tous liés par cette pensée unique : leurs profits. Rétablissement de l’équilibre ? C’est à voir.

 

#. Bonnes nouvelles. L’arachnologue Mme Christine Rollard « combat les préjugés » concernant les araignées (Le M, 22/II), ces arthropodes craintives qui ne tenteront de vous piquer que si vous avez le sot projet de les écraser. Vilenie sans nom ! Je l’ai raconté : une nuit dont j’avais un peu arrosé la soirée, je m’écroulai sur un divan, la tête enfouie dans un nid de petites araignées noires qui n’exercèrent pas de représailles sur mon visage, mon cou, mes épaules… Ma théorie de l’utilité des araignées et de leur défense dans une maison s’en trouve renforcée. Leurs travaux de dentelières sont magnifiques. Le savoir éthologique au secours de l’intuition !

Le Conseil constitutionnel a enfin examiné le projet de loi de Mme Laurence Rossignol, voté sans frémir par une assemblée de démagogues et de lâches. Seuls les « sites » anti-avortement menteurs et délibérément trompeurs pourront désormais tomber sous le coup de la loi. Mais le droit fondamental à la liberté d’expression sera respecté et protégé, surtout s’il ne s’agit que de « la seule diffusion d’informations à destination d’un public indéterminé » (Le M, 18/III). Je ne serai donc pas arrêté, jugé, accablé d’amendes si j’écris aux dames et demoiselles – sans rien leur interdire, les laissant donc libres d’user comme elles le veulent de leur corps – qu’elles y réfléchissent à deux et même à trois fois avant de se faire avorter (en français aseptisé : laisser pratiquer sur soi l’opération de l’IVG). Que les conséquences psychologiques, et à long terme, peuvent être redoutables. Parfois physiquement irréparables, mais cela je devrai le taire, n’étant ni médecin, ni psychologue. Que le principe de vie mérite aussi que l’on s’arrête sur lui quelques instants. En privé, c’est ce que je dirais à la dame, à la demoiselle qui me demanderait mon avis. Chante rossignol, chante ! Mais un peu moins haut.

Le 22/III

 

#. C’est bizarre… Des idéalistes, un brin naïfs peut-être, réclament des hommes politiques qui occupent la scène médiatique, qu’ils leur apportent plus d’« âme ». Comment ne savent-t-ils pas que leur carte d’identité et leur âme, c’est un billet de cinq cents euros ?

Le 23/III

 

#. Radicalisés ? Non. Crétinisés.

 

#. Par et pour Allah. Extraits des échanges entre terroristes, recueillis par les enquêteurs belges sur un PC jeté à la poubelle par les auteurs de l’attentat du 22 mars 2016, attentat commis à l’aéroport de Zaventem, à Bruxelles (Le M. du 24 mars 2017, article signé de Soren Seelow) :

« Ce sera la première fois, avec la volonté d’Allah… qu’un Euro (compétition de football) est annulé, tu vois ? » « … t’inquiète pas mon frère, ici, louange à Dieu, tout se passe bien, tu vois ? » « Louange à Dieu, pour l’instant, on est bien. Enfin on est bien, pas vraiment, mais ça va aller ! » « … on a décidé de travailler inch Allah demain, mardi 22 mars… » « Donc on s’est dit que pour faire un maximum de victimes, il faut s’infiltrer et en dernière minute, on déclenche tout en même temps inch Allah, avec la volonté d’Allah ».

Et à propos d’un rêve fait par l’un des terroristes : « C’était Allah, qu’il soit exalté et glorifié. Mon âme est devenue une boule de lumière. Il m’a dit “Mon serviteur, aujourd’hui ta délivrance” ».

Faut-il en dire davantage ? Faut-il un commentaire ? Crétinisés, oui. Allah et son saint Coran témoignent d’un parfait amour de l’humanité. « Faire un maximum de victimes » ! Comment pourrais-je ne pas aimer ces délicieux assassins inspirés par leur dieu ?

 

#. Bonne nouvelle (Le M, 22/III). Nous avons la chance d’avoir une infirmière-chercheuse et trouveuse, Isabelle Fromantin : elle panse les cancéreux, trouve pour eux des solutions… Surtout, elle pratique la détection des cancers, notamment du sein, par la mise en œuvre du flair exceptionnel des chiens. Elle ne sort ni du M.I.T. ni de l’école de médecine de Paris ou de Lyon, mais elle poursuit ses recherches avec des moyens modestes. Ses méthodes, si elles peuvent être relayées en Europe par des machines, y resteront moins coûteuses, et elles peuvent écarter la maladie de beaucoup de femmes africaines. Certains la félicitent. D’autres, spécialistes et chercheurs couverts de diplômes, qui pour beaucoup n’ont encore rien découvert ou amélioré, ricanent et la méprisent. C’est qu’ils sont gens de peu et qu’elle est beaucoup plus qu’ils ne sont. C’est qu’elle risque de les priver de quelques subventions. Ils la jalousent, l’envient… Ainsi en va-t-il des hommes petits et de leur mesquinerie génétiquement non modifiée.

Le 24/III

 

#. On dit que les armées de l’EI (Daesh), qui reculent sur tous les fronts de Syrie et d’Irak, viendraient reconstruire leur forteresse en Lybie, pays dévasté, ruiné, désorganisé, miné par dix conflits parallèles depuis que M. Sarkozy, conseillé par le Strategus Maximus Bernard Henri-Lévy, a puissamment contribué à cette destruction et à la disparition du certes peu recommandable, quoique nécessaire, M. Kadhafi. Ou l’EI s’établira donc à nos frontières, ou il faudra combattre à nouveau pour l’en chasser. Nous pouvons être fiers de ce beau travail.

 

#. Le bal des traîtres. M. Hamon, candidat officiel du Parti Socialiste à l’élection présidentielle, voit se détacher chaque jour de son camp des personnalités socialistes, du socialisme officiel lui aussi ! Il assiste au bal des traîtres : les derniers en date : M. Poignet (Conseiller), M. Mignard (avocat), M. Le Drian (Ministre des Armées), Mme Barbara Pompili (Intrigante, écologiste, secrétaire d’État à la Diversité) qui ne craint pas la diversité en effet…, M. Bruno Le Roux, qui aura été ministre de l’Intérieur durant trois mois, vient d’être contraint à la démission pour les mêmes raisons qui font que M. Fillon s’accroche à sa candidature, laquelle est probablement moins désespérée que ne le prédisent les sondages. On ne sait pas encore ce que va faire M. Vincent Placé, qui n’est Rien mais croit être Tout : il change de camp une fois par mois : ses choix se réduisent. M. Hollande ne dit rien, il serait occupé, croit-on, à placer ses derniers domestiques dans les administrations et chez les Enrichis de la république. C’est un panier de crabes où les crustacés auraient décidé de marcher au pas jusqu’aux tanières aurifères de M. Macron.

 

#. Il vient soudain à l’inimitable pape jésuite François, l’idée de se réconcilier avec les autorités du Rwanda, de nouveau guidées par le Tutsi Paul Kagamé. Le génocide de 1994 n’est pas encore entièrement oublié. Des religieux catholiques y avaient participé aux actions criminelles des Hutus, les avaient suscitées parfois. Le pape a donc « imploré le pardon de Dieu pour les fautes de l’Église et de ses membres, dont des prêtres, et des hommes et des femmes religieux, qui ont succombé à la haine et à la violence ». Alors, qu’on veuille bien répondre à quelques questions : ces fautes, ces crimes devrait-on dire, n’ont-ils pas été commis au nom de Dieu ? Ici, de Dieu le Père, par ses représentants sur terre ? Qu’on m’explique, est-ce à lui, premier coupable, qu’il revient de pardonner ? Par ailleurs, la fonction de toute religion, au-delà des bonnes paroles qui ne lui coûtent rien, ne consiste-t-elle pas à dominer ses rivales, à les anéantir si possible, en suscitant la haine et la violence ? L’Histoire, et jusqu’à la plus récente, ne nous en donne-t-elle pas exemples, preuves et démonstrations ?

Le 24/III

 

#. L’écrivain au fond du trou. Lorsqu’il touche le fond, chaque écrivain décrit son infortune (généralement due à l’inspiration en panne, mais attention ! il peut mentir) et a sa méthode pour remonter. Pour Matthias Zschokke, dans Trois saisons à Venise, c’est le récit plutôt bavard de son séjour vénitien, des observations peinées quant à ses doutes sur la pérennité de son œuvre, les incertitudes de la postérité, un pessimisme d’ensemble qui sonne faux mais sans manquer d’humour, l’intérêt qu’il porte aux goélands du grand canal et aux efforts comiques de l’adolescent Jerom pour se mettre à voler, un louche intérêt pour le football et autres compétitions sportives, la méditation sur son vanitas vanitatum intime, la relation répétitive de ses baignades dans les eaux troubles du Lido, de ses repas bons ou mauvais, etc. Reconnaissons qu’il ne dit aucun mal des touristes (ce qu’à sa place je n’eusse pas manqué de faire), qu’il est très sensible aux parfums des jeunes japonaises. En bref, tout un ouvrage de plaisante lecture qui parfois s’enlise dans la répétition.

Le 25/III

 

#. Constat. Componction française. Sous un sourire. Elle ne pardonne rien.

#. Dernières anecdotes du mois expirant.

§. Présidentielles. Manuel Valls se range aux côtés d’Emmanuel Macron. Les toutous courent d’un réverbère à l’autre en humant le fumet urinaire des potages. Trahir sa promesse (celle de soutenir le candidat officiel, M. Hamon), c’est démodé, désormais on va d’un point à l’autre, pure géométrie plane. À l’Élysée et aux alentours, c’est du potage que l’on déguste, non de la soupe que l’on mange. Le PS implose. Il a rivé le couvercle du cercueil fabriqué par la droite sarkozyste, il n’est plus qu’une porcelaine tombée à terre, en miettes donc. Il faudra la recoller. Comme la France.

Les derniers fidèles du parti s’occupent à trier caleçons et chaussettes de M. Fillon, à dénoncer ce qu’il a fait en oubliant que beaucoup d’entre eux, protégés par un appareil judiciaire acquis à leur cause et qui n’enquête que là où on lui dit d’enquêter, l’ont fait aussi dans des proportions diverses. Ils seront étonnés de voir peut-être Mme Le Pen approcher les 50% de votants en sa faveur au premier tour ! Pendant ce temps, on ne parle d’aucun programme politique ni d’aucune question sérieuse ou gênante. Cela ressemble à une IVe république.

§. En Guyane, les masses se révoltent contre d’autres promesses jamais tenues, celles de M. Hollande. On veut des hôpitaux, des écoles, des gendarmes et de la sécurité. On veut entendre des ministres, non des sous-mandatés sans pouvoirs. La ministre des Outre-Mer, qui a un nom impossible à prononcer, refuse d’y aller. Elle n’avait pas été nommée ministre pour travailler, ce n’était pas spécifié dans le contrat. Elle ira, accompagnée du tout dernier ministre de l’Intérieur, fonctionnaire qui n’eut jamais de vraie responsabilité. Elle fera repentance. Ils promettront. Chacun rentrera chez soi. Prochaines nouvelles, sauf violences redoublées, dans cinq bonnes années.

§. M. Trump et ses troupes, pas plus que M. Poutine et les siennes ne croient au réchauffement climatique. Simple phénomène naturel, disent-ils, sur la parole des économistes, non des climatologues. Mme Merkel n’y croit pas davantage. Ils vont donc remettre en marche les centrales au charbon arrêtées, accélérer le fonctionnement des autres, intensifier la création de CO2, accélérer une véritable catastrophe. C’est le dernier crime contre l’humanité.

Le 31/III

 

Affaires religieuses

A.R. 3, Carnets d’un Fou L/mars 2017

(Information : Carnets d’un Fou XLVIII, janvier 2017, A.R. 1)

C’était à la St Jean de Dieu, ce 8 mars. Sœur Évangéline Quincampoix, agenouillée devant l’autel de Saint-Médard, plongée dans la torpeur de la plus profonde prière, interrogeait le Seigneur : « Seigneur Dieu, aie pitié de ma simplicité, dis-moi : si Adam fut le premier homme, Ève la première femme, furent-il aussi les premiers Hébreux que plus tard on appela les juifs ? Cela n’est pas dans ton Livre de la Genèse. J’y trouve cependant que, cet homme et cette femme, « tu les créas à ton image, mâle et femelle » (Genèse I, 27.) Peux-tu m’expliquer pourquoi, lorsque je me promène autour du Bazar de l’Hôtel Ville, et jusqu’à la Tour Saint-Jacques, je n’aperçois que visages tordus, yeux injectés d’envie et de haine, avec les marques de l’imbécillité irrémédiable… ».

Sœur Quincampoix eût vécu la pire de ses nuits d’insomnie si, au point du jour, l’Ange nommé Le petit Aristobule ne fut venu la visiter et lui glisser à l’oreille : « Sœur Évangéline, si tu ne comprends pas, c’est que tu n’as pas eu connaissance d’une autre jolie fable, celle du Libre arbitre ! ». La petite sœur put alors s’endormir dans la paix du Seigneur.

Kevin Baby-Lon, à son réveil, au petit matin du samedi 25 mars, nota ceci dans son carnet personnel : « Ô croyant, mon ami, n’avance pas de manière rapide et inconsidérée. Si tu lis seulement ces mots sur lesquels on ne peut passer sans faire une halte : Au commencement, Dieu créa… – interroge alors le Veda, et cette pensée d’Udayana : Si l’aveugle ne voit pas la colonne, celle-ci n’en est pas responsable. Et interroge encore celle-ci, qui m’est venue à l’esprit : Si le voyant voit la colonne là où il n’y eut jamais de colonne, ne serait-il pas, d’une autre façon, aveugle lui aussi ? ». Kevin se rendormit pour ne s’éveiller qu’à dix-huit heures et s’en aller parcourir l’avenue des Gobelins, monter jusqu’à la place Maubert par la rue Monge et voir le fuir les passants à qui, tel le Sphinx de Thèbes, il proposait ses énigmes.

 

A Rigolade House

Mars 17, Carnets L

La réunion consacrée à la conférence sur la violence universelle a laissé des traces. Les éclopés s’affalent sur fauteuils et banquettes. Certains sont couverts de bandelettes adhésives, le Grand Robot se déplace désormais à l’aide d’une canne anglaise (forme chic de la béquille !) et déclare à qui veut l’entendre qu’il est le premier martyr de l’égalité, de la liberté, de la fraternité et de la laïcité de l’ère contemporaine. Les esprits s’agacent déjà. Je sers force liqueurs, bénédictine, Cointreau, rhum agricole de la Martinique, cognacs et armagnacs des meilleurs viticulteurs des Charentes et du Japon.

Le baron des Cours-d’Immeuble annonce l’approche du moment solennel de la formation de son gouvernement parallèle, peut-être d’un cabinet noir, en vue de sa propre élévation à la présidence de la VIe république française indispensable selon lui pour écarter les politiciens de profession, les apparatchiks et leurs commissaires politiques. Une campagne électorale d’un genre inédit oppose actuellement onze candidats dits « grands », pour ceux dont on identifie sans peine les partis auxquels ils ont fait allégeance, et « petits » lorsqu’ils relèvent de simples mouvements ou de l’inspiration personnelle. Le baron, poussé par un whiskey d’excellente qualité, se lance dans d’utiles comparaisons entre les candidats. Une certaine dame Le P, qui souhaite retirer la France du monde tel qu’il est et établir le pays tout entier à la cime du Mont-Blanc afin de jouir d’un paysage ordonné et d’un air plus pur, un incertain Mister Mac. M, d’apparence juvénile, d’abord employé de banque, puis laquais du président en titre qu’il laissa dans son palais vide après lui avoir rendu quelque maigres services (création d’un réseau d’autocars low coast notamment), ratissant sa clientèle future dans tous les azimuts sans jamais déclarer ses intentions programmatiques) inquiètent assez l’assemblée. Parmi les « petits », il en est de pittoresques : M. Mélenchon, tout droit sorti des offices du Grand Supermarché Politique, orateur né et maître de l’hologramme ubiquiste et bavard, fait l’étonnement des foules déshabituées des magiciens des grands boulevards parisiens ; M. Jean Lassalle, lui aussi véritable orateur, mais à l’accent pyrénéen, tout droit issu des bergeries de la Grèce antique et de la sympathique lignée des prophètes de bonheur, parfait incompris… évidemment ; M. Poutou, célèbre pour ses remarques acides, ses accoutrements anti-bourgeois, son désir très compréhensible d’égalitarisme par l’instauration d’une immunité ouvrière comparable à l’immunité parlementaire ; Mme Nathalie Artaud, fragile et colérique mécanique psittaciste, dénonçant les injustices faites au monde des travailleurs en comparaison des privilèges sur lesquels est assise la classe oligarchique parasitique et vampirique ; M. Asselineau, véritable bible sur pattes pour tout ce qui concerne lois et réglementations mondiales depuis Chilpéric et Charles le Chauve ; M. Frédéric Poisson, aux pensées raisonnables mais dont le tort est d’être chrétien, ce qui met en rage la classe boboïsée, les républicains, les non-républicains, les démocrates grand teint avec la presque totalité de nos contemporains qui brûleraient volontiers une fois encore Jeanne d’Arc s’ils avaient seulement gardé souvenir d’elle. Se firent remarquer M. Benoît Hamon, auteur du coup de grâce donné au parti socialiste dans la nuit sans lune de ses extravagances économiques et auteur de son propre suicide politique pour avoir vendu trop de peaux d’ours avant d’en avoir tué aucun, de sorte que tous ses soutiens sont allés se réfugier chez les candidats les plus en vue ; M. François Fillon, autre suicidé volontaire, tombé du Capitole de la victoire acquise dans le gouffre de la roche tarpéienne de l’élimination en raison de son manque absolu du sens politique de l’autodéfense, d’une naïveté impardonnable, de ses luxueux costumes des meilleurs faiseurs qui firent honte à ceux qui peinent à s’offrir un bleu de travail, de sa cupidité enfin, qui n’eut jamais l’air de lui faire honte à lui-même ! Un cas rare et grandiose de bêtise politique. Il fit lui aussi exploser son parti, celui des Républicains Souples et Adaptables…

Le baron s’avoue embarrassé, il ne se trouve aucun modèle utilisable dans ces politiciens à l’avenir déjà compromis. Il montera son propre parti, celui des Marges et des Côtés, dont le nom lui est venu en traversant la cour de son immeuble. On applaudit. Il n’est pas temps encore d’accréditer les membres de sa garde rapprochée. On tentera de présenter des candidats à la députation dont les élections vont suivre, le choix se fera lors de la prochaine réunion. On applaudit. « Le temps travaille pour nous ! » s’écria le baron. On applaudit encore, puis on souffla (on fit ouf ! à dire vrai), car chez les Français la saveur de l’immobilisme et de l’attente, le dispute aux senteurs de l’action et de la poudre. Pour cette fois, on se sépara bons amis.

 

Carnet L, Mars 2017 (à suivre)

 

Définitions-Éclairs

Sagesse : Vertu qui, comme toutes les autres, sait faire preuve d’abnégation : « A : J’ai fait comme les gens sages quand ils font une sottise. B : Que font-ils ? A : Ils remettent la sagesse à une autre fois », Chamfort

Salut : Dans la fuite seulement, l’Au-delà ne proposant aucune garantie.

Salves D’applaudissements : Le spectacle fut d’une grande vulgarité. De rires : Vous avez plu au public. Remettez-vous en cause ! De mitrailleuses : Vous avez déplu au dictateur. Vous n’avez plus le temps de vous remettre en cause.

Samedi : Situé généralement entre le vendredi et le dimanche. Instant de répit illusoire et angoissant entre le purgatoire du travail et l’enfer du repos.

Sang Qu’un sang impur abreuve nos sillons : Qui obtint jamais un épi de blé avec pareil engrais ? Bon sang ne saurait mentir : Ainsi s’illusionnent les pères en regardant leurs fils. Au premier sang : Du temps de la civilisation où l’on savait arrêter le combat avant l’irréparable. À feu et à sang : Situation actuelle de la moitié de la planète. L’autre moitié contemple les massacres et attend son tour.

Santé : État précaire contribuant à l’illusion du bonheur.

Sartre (Jean-Paul) : Héros des Temps modernes. Sous l’Occupation teutonique, il résista sur les banquettes du Café de Flore, se fit jouer sur les scènes parisiennes, changea de quartier lorsque les balles traversèrent le ciel de Saint-Germain-des-Prés, puis, le calme revenu, fit la morale à la terre entière.

Satan : Autre trinité apparue sous les espèces des Bourses de New-York, Londres et Francfort.

Satyre : Cousin germain du faune, ce sémillant personnage se déplace en sautillant à travers bois, toujours précédé d’une solide réputation.

Sceptique (Le) : À son propos, Cioran a radicalement complété Montaigne : « C’est un martyr du bon sens… On n’est véritablement sceptique que si l’on se place en dehors de son destin ou si l’on renonce à en avoir un ».

SDF : Autrefois méprisé sous les noms de gueux, clochard, mendigo, traîne-misère, crève-la-faim, etc., ce personnage a été promu par l’administration française, au nom de l’égalité des malchances, à l’honorable rang de Sans Domicile Fixe. Il peut désormais se livrer à la mendicité la tête haute.

Sens : Dans toutes les « déclinaisons », comme on dit aujourd’hui d’un produit de fabrication courante – bon sens, sens commun, sens moral, sens esthétique… – c’est l’article le plus dévalorisé et le moins recherché. Trouver « du sens » à quoi que ce soit de ce monde (et de l’autre) me paraît un exploit admirable, et un héroïsme fou de persister à lui en chercher un.

Service : Le plus mauvais qu’on puisse se rendre à soi-même est d’en rendre un à son prochain. Jules Renard n’en doutait pas qui « [se mettait] en quatre pour ne pas rendre service ».

Silence : Selon les circonstances, parti des pleutres ou parti des sages. De la mort au silence la relation est, si j’ose dire, profonde. Mallarmé s’en était avisé : « La tombe aime tout de suite le silence ». Le propos reçut son explication de Jules Supervielle : « Le silence est le meilleur avocat des morts ».

Sincère : L’homme sincère est la figure contemporaine de « l’idiot du village ».

SocialisteDésolé pour ceux qui s’en chagrineront. Homme (ou femme) qui dit espérer encore, sans toutefois se donner les moyens de soutenir ses espérances. Dans sa variété française, il se dit de gauche mais vit le plus souvent à droite économiquement, quoique dans la plus touchante des bonnes consciences.

Société : Se dit – selon Émile Littré – de la « réunion » d’êtres d’une même espèce ne prospérant qu’aux dépends d’autres « réunions » d’êtres d’autres espèces, mais aussi de la même, ce qu’a très bien saisi Chamfort dans l’ordre des conséquences : « La société est composée de deux grandes classes : ceux qui ont plus de dîners que d’appétit, et ceux qui ont plus d’appétit que de dîners ».

Soleil : Astre aveuglant ayant l’innocence d’éclairer nos turpitudes. De rares poètes et quelques astrophysiciens le contemplèrent sans ciller. Sous le nom de , il éclairait les Égyptiens ; sous celui d’Hélios, les Grecs et il était le dieu suprême de Julien l’Apostat ; pour les tribus aztèques, il se nommait Uitzilopochtli et en échange de son travail d’éclairagiste, il exigeait de fréquentes libations de sang humain : la plus vive des lumières peut donc nous laisser dans l’obscurantisme.

Solitude : État dont les bienfaits sont de plus en plus méconnus. « Enfin seul, sans s », soupirait Jules Renard.

Sollicitude : Comportement insolite, voire louche et inquiétant, qui conduit quelqu’un à se pencher sur les misères d’autrui.

Sommeil : « Le sommeil des monstres engendre la raison » a dit le sage.

Sot : Souvent qui en l’autre en voit un. Démocrite pensait que seul le malheur instruit les sots. Démocrite était un optimiste.

Souffrir : Délectable plaisir auquel l’humanité ne paraît pas disposée à renoncer.

Soupir : Le dernier, celui qu’on aurait eu le plus de joie à goûter, s’achève en râle. Fichue déveine !

Souvenirs : En bonne place dans la boîte de Pandora que Zeus imagina pour le tourment des humains. Les poètes, mieux que personne, ont dit ce tourment : « Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L’automne Faisait voler la grive à travers l’air atone », P. Verlaine. « Passons, passons puisque tout passe / Je me retournerai souvent / Les souvenirs sont cors de chasse / Dont meurt le bruit dans le vent », G. Apollinaire.

Spécialiste : Compétent dans sa discipline, il néglige rarement de croire l’être dans celles des autres.

Spéculation : Ne s’emploie plus qu’au sens financier.

Sport : Religion musculaire. Le sportif ? Autrefois, un sportman, une sportwoman. Aujourd’hui, un(e) drogué(e).

Stoïcisme : Vertu négligée parce que de pratique silencieuse et ingrate.

Style : « Le style, c’est la faute de syntaxe ». On ignore si Alexandre Vialatte l’affirmait ironiquement ou sérieusement. La pensée de Michel le Maniak (penseur polonais) : « En avoir assez, qu’on y goûte ; point trop, qu’il n’assomme ».

Suite : Continuation de ce qui n’aurait jamais dû commencer. En poêlerie, le fait mérite d’être rappelé, la suite est une colonne formée de segments de tuyaux assemblés bout à bout. Elle s’apparente au roman contemporain. En musique, elle endort le plus souvent. Dans les idées, elle insupporte car elle crée un état d’esprit ordinairement aussi durable qu’indécrottable.

Sur : Cette préposition tend aujourd’hui à remplacer toutes les autres. Le mystère de cet imperium fait que celui de la Sainte Trinité n’est en comparaison que brouet pour théologiens édentés. Entendre que « sur Paris, les éboueurs sont en grève » n’a jamais permis à personne de voir ces honnêtes travailleurs traverser en escadrille, au petit matin, le ciel de la capitale.

Surmenage : État de fatigue extrême qui, au moindre effort exigé, affecte prioritairement ceux qui ne font rien de leur cerveau ni de leurs dix doigts. Aujourd’hui connu sous le nom de « burn out », il est enfin pris au sérieux.

Surpopulation : Future bombe absolue et gigantesque tabou : quelle rage incompréhensible pousse des millions d’idiots à se reproduire sous la forme d’imbéciles ?

 

Rappelons au lecteur que ces chroniques ont été écrites un mois, parfois un mois et demi, avant qu’il ne les lise, d’où une possible impression, parfois, de déjà lu !

 

Fin du Carnet L pour mars 2017

Michel Host

 


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A propos du rédacteur

Michel Host

 

(photo Martine Simon)


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Rédacteur. Président d'honneur du magazine.


Michel Host, agrégé d’espagnol, professeur heureux dans une autre vie, poète, nouvelliste, romancier et traducteur à ses heures.

Enfance difficile, voire complexe, mais n’en a fait ni tout un plat littéraire, ni n’a encore assassiné personne.

Aime les dames, la vitesse, le rugby, les araignées, les chats. A fondé l’Ordre du Mistigri, présidé la revue La Sœur de l’Ange.

Derniers ouvrages parus :

La Ville aux hommes, Poèmes, Éd. Encres vives, 2015

Les Jardins d’Atalante, Poème, Éd. Rhubarbe, 2014

Figuration de l’Amante, Poème, Éd. de l’Atlantique, 2010

L’êtrécrivain (préface, Jean Claude Bologne), Méditations et vagabondages sur la condition de l’écrivain, Éd. Rhubarbe, 2020

L’Arbre et le Béton (avec Margo Ohayon), Dialogue, éd. Rhubarbe, 2016

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Mémoires du Serpent (roman), Éd. Hermann, 2010

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Carnets d’un fou. La Styx Croisières Cie, Chroniques mensuelles (années 2000-2020)

Publication numérique, Les Editions de Londres & La Cause Littéraire

 

Traductions :

Luis de Góngora, La Femme chez Góngora, petite anthologie bilingue, Éd. Alcyone, 2018

Aristophane, Lysistrata ou la grève du sexe (2e éd. 2010),

Aristophane, Ploutos (éd. Les Mille & Une nuits)

Trente poèmes d’amour de la tradition mozarabe andalouse (XIIe & XIIIe siècles), 1ère traduction en français, à L’Escampette (2010)

Jorge Manrique, Stances pour le mort de son père (bilingue) Éd. De l’Atlantique (2011)

Federico García Lorca, Romances gitanes (Romancero gitano), Éd. Alcyone, bilingue, 2e éd. 2016

Luis de Góngora, Les 167 Sonnets authentifiés, bilingue, Éd. B. Dumerchez, 2002

Luis de Góngora, La Fable de Polyphème et Galatée, Éditions de l’Escampette, 2005