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Berlin finale, Heinz Rein (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret 15.11.18 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Langue allemande, Roman, Belfond

Berlin finale, septembre 2018, trad. allemand Brice Germain, 869 pages, 23 €

Ecrivain(s): Heinz Rein Edition: Belfond

Berlin finale, Heinz Rein (par Stéphane Bret)

 

Peu de romans méritent, réellement, le qualificatif de grands romans, d’œuvres-clé susceptibles de marquer la littérature de leur époque de parution. Dans la littérature allemande, caractérisée par le courant de la Trummerliteratur, littéralement la littérature des ruines qui a marqué l’immédiat après-guerre, on ne retenait pas le nom de Heinz Rein, auteur de ce roman. Cette œuvre se situe, non pas dans l’après-guerre mais dans la période s’étendant entre le début du mois d’avril 1945 et le 30 avril, à la veille de la reddition des troupes allemandes et de la prise de Berlin par l’Armée rouge.

Ce roman peut s’inscrire dans la lignée de celui de Hans Fallada, Seul dans Berlin, qui décrit la tentative de résistance au régime nazi d’un contremaître dans une usine berlinoise. Cependant, il va beaucoup plus loin : les principaux personnages du roman, le Docteur Walter Böttcher, médecin généraliste, ancien membre du parti social-démocrate, tête du groupe de résistance Berolina ; Friedrich Wiegand, imprimeur typographe, clandestin, persécuté par la Gestapo depuis douze ans ; Joachim Lassehn, déserteur de la Wehrmacht, ancien étudiant en musique ; Klose, un restaurateur qui héberge ces clandestins ; tous illustrent à un moment ou un autre du roman l’état de la société allemande à cette époque.

On y décrit pêle-mêle la décomposition des rapports humains, l’omniprésence de la méfiance, le repli des populations sur leur quant-à-soi, la lâcheté des conduites, l’espoir fou nourri par certains, intoxiqués par la propagande nazie, que l’Allemagne peut encore gagner la guerre…

Pourtant, c’est l’humanité des personnages principaux qui prévaut, on s’y attache, on les pressent comme les inspirateurs possibles d’une nouvelle Allemagne dénazifiée.

Le quotidien est touché également, les besoins humains, réduits à de simples fonctions : « Le bonheur se loge dans la satisfaction de besoins corporels, c’est la nourriture et l’accouplement, c’est la chasse hystérique aux cigarettes, au café en grain et à l’alcool, à l’étreinte et à l’orgasme. L’acte sexuel n’est qu’un état du corps ».

Les ravages de l’idéologie totalitaire ne manquent pas d’être relevés : « L’entreprise de formatage entamée lors du Service du travail (…) l’armée l’avait poursuivie (…) on marchait sans détour vers l’objectif, qui était d’entraîner physiquement le jeune homme et d’en faire, mentalement, un instrument sans volonté, pour le jeter ensuite au plus vite vers le champ de bataille ».

Pour sa précision dans les descriptions de la vie quotidienne du Berlin en guerre, pour l’humanité qu’il dégage, pour son illustration des capacités de l’humain, ce roman mérite d’être classé dans les romans-repères de cette époque. A (re)découvrir sans plus tarder.

 

Stéphane Bret

 


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A propos de l'écrivain

Heinz Rein

 

Heinz Rein est né à Berlin en 1906. Après avoir soutenu la cause socialiste dans les années 20, il voit ses écrits boycottés sous le régime nazi, il est appréhendé par la Gestapo et condamné au travail forcé. Après la chute de Hitler, Heinz Rein devient consultant littéraire dans la zone d’occupation soviétique, puis auteur indépendant dans la RDA. Il écrit Berlin Finale en 1947, qui deviendra un grand succès, s’imposant comme un témoignage historique de première main.

 

A propos du rédacteur

Stéphane Bret

 

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63 ans, réside actuellement à Boulogne-Billancourt, et s’intéresse de longue date à beaucoup  de domaines de la vie culturelle, dont bien sûr la littérature.

Auteurs favoris : Virginia Woolf, Thomas Mann, Joseph Conrad, William Faulkner, Aragon, Drieu La Rochelle, et bien d’autres impossibles à mentionner intégralement.

Centres d’intérêt : Littérature, cinéma, théâtre, expositions (peintures, photographies), voyages.

Orientations : la réhabilitation du rôle du savoir comme vecteur d’émancipation, de la culture vraiment générale pour l’exercice du libre arbitre, la perpétuation de l’esprit critique comme source de liberté authentique."

 

REFERENCES EDITORIALES :

Quatre livres publiés :

POUR DES MILLIONS DE VOIX -EDITIONS MON PETIT EDITEUR 
LE VIADUC DE LA VIOLENCE -EDITIONS EDILIVRE A PARIS
AMERE MATURITE -EDITIONS DEDICACES 
L'EMBELLIE - EDITIONS EDILIVRE A PARIS