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Bassin méditerranéen

La figurante, Avraham B. Yehoshua

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 26 Mars 2016. , dans Bassin méditerranéen, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

La figurante, février 2016, trad. hébreu Jean-Luc Allouche, 399 pages, 22 € . Ecrivain(s): Avraham B Yehoshua Edition: Grasset

 

Le retour, un retour à l’enfance, une incursion qui paraît anodine, dans le passé… revenir en arrière, c’est aussi pour Noga affronter ses démons : démons familiers – ? – de sa mère, de son frère, de son père mort, de son ex-mari, et fantômes de ce – ceux – qu’elle n’a pas su résoudre.

C’est aussi se mesurer à l’engloutissement d’un monde, d’un pays, d’une ville, grignotés de l’intérieur par les religieux qui colonisent peu à peu, quartier par quartier, la Jérusalem de son enfance et de sa jeunesse.

« – En effet, il donnait sur un magnifique paysage, et avait plusieurs fenêtres. Mais je n’ai aucun doute qu’entre-temps, à cause de la fécondité des habitants et des nouvelles constructions, ce paysage ne doit plus exister. Oui, c’était un appartement très agréable dans un quartier qui, depuis, a changé et est devenu plus noir que le noir, mais, en fait, c’est pareil chez nous… » (p.357).

Ça va aller, tu vas voir, Christos Ikonòmou

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 29 Février 2016. , dans Bassin méditerranéen, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Quidam Editeur

Ça va aller, tu vas voir, mars 2016, trad. grec Michel Volkovitch, 218 pages, 20 € . Ecrivain(s): Christos Ikonòmou Edition: Quidam Editeur

 

Ces histoires si sombres devraient susciter en nous un cafard profond. On découvre peu à peu pourtant que leur nuit est sourdement éclairée, écrit Michel Volkovitch, leur traducteur, dans sa postface. Et bien, tout dépend de la distance que le lecteur saura mettre entre ces seize histoires, peut-être une seule, et sa propre vie, car elles sont tellement réalistes, tellement sans fard, de si crues banalités, que la seule flamme finalement ne serait-elle pas la flamme littéraire, qui peut permettre à l’auteur d’éclairer son sujet sans sombrer lui-même ? Car ces histoires peuvent – devraient – plomber le lecteur, qui au fur et à mesure qu’il avance, s’alourdit du poids de ces existences qui n’ont plus d’horizon.

Toutes ont pour point commun le Pirée et ses quartiers populaires, une île aussi en face du port, et une maison qu’un couple doit quitter, exproprié par l’inexorable avancée d’une nouvelle route. Rouleau compresseur, c’est de ça dont il est question, de personnages qui tentent désespérément d’échapper au rouleau compresseur, au concasseur de vies, concasseur de sens… La crise, mot fourre-tout, mot d’excuse pour dire système corrompu, système mortifère, système ultra libéral, ultra violence.

Une proie trop facile, Yishaï Sarid

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 20 Février 2016. , dans Bassin méditerranéen, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Actes Noirs (Actes Sud)

Une proie trop facile, novembre 2015, trad. hébreu Laurence Sendrowicz, 341 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Yishaï Sarid Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

Qui a beaucoup aimé Le poète de Gaza – si beau livre du même auteur – risque de se précipiter sur cet autre roman que présente Actes Sud en Actes noirs. Sujet différent, quoique… le même Moyen-Orient, secoué, malade, ou peut-être simplement grandissant dans la douleur, ouvrant à tous vents sur la table d’examen ses boyaux – c’est le mot, ses spasmes, quelques satisfactions diverses tricotées en petite joie pour la route à venir. Tout ça sans éclats tonitruants, comme sous verre : le jour après jour, au gré de quelques éclairs de moments historiques, par-ci, par-là ; l’actu de tout un chacun sur ces terres qu’on a dites, un jour, « promises » et que l’humour de l’auteur traduirait illico par un « on a vu, on verra ».

Dans ce livre, là, c’est sur le trottoir israélien qu’on marche, de Tel Aviv à la haute Galilée, un pas même au Liban en guerre. Et cette plongée, on ne la trouve pas partout dans la littérature israélienne d’aujourd’hui. Car ce voyage est mieux que passionnant, prenant ; on lit d’une traite.

Victoria n’existe pas, Yannis Tsirbas

Ecrit par Victoire NGuyen , le Samedi, 05 Décembre 2015. , dans Bassin méditerranéen, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Quidam Editeur

Victoria n’existe pas, octobre 2015, trad. grec Nicolas Pallier, 66 pages, 10 € . Ecrivain(s): Yannis Tsirbas Edition: Quidam Editeur

 

Paroles décomplexées

Dans un train qui mène vers Athènes, deux voyageurs se retrouvent dans le même compartiment. La conversation s’engage. Il faut dire qu’il s’agit plutôt d’un échange unilatéral. En effet, l’un des hommes se tient en retrait. Il écoute son comparse déverser son flot de mots et de temps en temps relance la dynamique lorsqu’il sent que le débit de son voisin se tarit.

Ainsi, par un monologue très étudié au style cru, Yannis Tsirbas crée un personnage, digne héritier de la crise grecque. En effet, ce dernier décrit à son compagnon de voyage les difficultés de sa vie quotidienne. Réduit à des petits « boulots » sans lendemain, obligé de vivre chez ses parents, il assiste impuissant selon lui à la décrépitude de son quartier, Victoria.

« La place Victoria, enfin, Victoria-city ! Personne ne venait nous chercher. Et maintenant, même pour en faire le tour, tu réfléchis à deux fois. Ils bloquent les rues et se foutent sur la gueule. Entre eux, race contre race. L’autre jour ils tenaient des types à terre, ils les savataient sur le bitume. La circulation était stoppée. Du sang sur le trottoir, sérieux ! »

Tsili, Aharon Appelfeld

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 06 Novembre 2015. , dans Bassin méditerranéen, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points, Moyen Orient

Tsili, août 2015, traduit de l’hébreu par Arlette Pierrot, 160 pages, 5,60 € . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: Points

 

Publié pour la première fois en 1982, Tsili, quatorzième livre de l’Israëlien Aharon Appelfeld (1932), connaît une nouvelle jeunesse en édition de poche due à une adaptation cinématographique signée Amos Gitai. Pour celui qui n’a jamais fréquenté l’œuvre d’Appelfeld, mais qui s’entend régulièrement dire qu’elle gagne à l’être, fréquentée, ce bref roman peut sembler une porte d’entrée idéale. Dont acte.

Tsili, c’est le nom de la jeune fille héroïne des quelque cent soixante pages de ce roman qui s’apparente à une longue nouvelle. Elle a douze ans en 1942, au moment où sa famille quitte son domicile, le laissant à sa garde, suite au durcissement de la répression anti-juive dans la partie de l’Europe centrale où vit Tsili. Celle-ci est donc abandonnée à son sort (ce qui paraît hautement improbable – mais c’est peut-être lié à l’aspect « conte » évoqué ci-après), et doit survivre dans la nature, comme le fit Appelfeld lui-même durant son adolescence et pour les mêmes raisons, à ceci près que la jeune femme se présente partout comme une « fille de Maria », appellation dont on a tôt fait de comprendre qu’elle désigne une prostituée, ce qui lui vaut des accueils mitigés.