Aorte adorée, Christophe Esnault (par Didier Ayres)
Aorte adorée, Christophe Esnault, éditions Conspiration, avril 2022, 42 pages, 7 €
Faut-il survivre ?
Ce nouvel opus de Christophe Esnault se construit entre la douleur et la mort, et plus précisément, comme une ode morbide du suicide. L’on en retient une forme ambiguë de la notion de vivre, de survie. La vie est donc stupide, elle ne sert à rien, elle n’est qu’absurdité. Telle est la déclaration de ce recueil des 32 manières de mettre fin à ses jours. Et si l’on pousse le trait un peu plus loin, l’on voit le constat d’une existence faite d’un grand désespoir, et qui justifie de sa noblesse justement par ce dessein, imaginé 32 fois, du suicide. Et s’il n’y avait l’humour, tout deviendrait insupportable, le quotidien resterait étouffant, car seule peut-être la littérature a-t-elle le pouvoir de faire plier l’angoisse avec le rire.
Le mythique fusil de chasse
Fusil caché dans les latrines pendant la seconde guerre
Présent depuis trois générations dans l’histoire familiale
Il a tué lapins, lièvres et faisans en très grandes quantités
Et vous le ressortez du grenier pour votre happy-hour
Il y a culte sous roche, pensez à laisser une œuvre
Avant d’appuyer, déterminé, sur l’héroïque gâchette
Ainsi, ce catalogue des manières de mourir volontairement s’entend comme une mise à distance. Humour, ironie, cynisme, autant de façon de faire face à notre faiblesse et à notre irréductible condition d’être physiquement porté à disparaître. Ici, un peu du Diogène le Sinope qui, voyant Alexandre le Grand devant son tonneau, lui dit « Ôte-te toi de mon soleil ».
Faut-il survivre à cette leçon de désespoir ? peut-être, mais chaque lecteur lira pour son propre usage ces textes, pour enfin voir le peu d’importance de nos vanités ou, au moins, en faire découler une sorte de scepticisme à la Cioran. Mais l’image de la mort édifie chacun, et pousse à continuer le chemin malgré tout, car c’est notre seul fondement. Le reste est lucidité.
Les réseaux sociaux
Tous les suicides ne sont pas recensés
Il existe des lieux très fréquentés
Où s’opère le suicide des heures
Didier Ayres
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