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Amazone d’Outre-monde (Entre la mort et l’extase), Parme Ceriset (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart 01.12.25 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Tarmac Editions

Amazone d’Outre-monde (Entre la mort et l’extase), Parme Ceriset Editeur : Tarmac – 15 octobre 2025 68 pages 15€

Ecrivain(s): Parme Ceriset

Amazone d’Outre-monde (Entre la mort et l’extase), Parme Ceriset (par Patryck Froissart)

Ce nouveau recueil de Parme Ceriset dresse un tableau apocalyptique d’un monde qui pourrait bien être en triste voie d’advenir. Il suffit d’effectuer un relevé du champ lexical des deux premiers textes pour que s’exprime la tonalité globale de l’ouvrage :

Guerre, grêlons, mitraillent, carbonisés, gémissent, haines, linceul, cadavres, froids, griffes, néant, pourriture, sang, fou, brûle, cicatrices, pelées, crache, rafales, déracine, crochets, farouche, rompre, chanceler, souffre, larmes, meurtres, cruauté, ruines, désossées, maculées, peurs, rances, fin, gelé, charbon, tombeau, fournaise, dissout, éclate, pulvérisant, blizzard, balaie, s’affolent, s’enchevêtrent,

menace, ténèbres.

L’accumulation, en une suite ininterrompue, hallucinante, obsédante, de ces termes funestes qui martèlent l’énoncé dès les toutes premières lignes atteint le lecteur comme autant de coups au cœur et à l’âme, voire aux tripes, et la suite est à l’avenant.

Usant de manière absolue, à l’infini, en cascade, à répétition, des ressources de la langue, Parme crée donc dès le début du recueil une atmosphère sinistre de ténébreuse fin du monde et en entretient la sombreur cataclysmique jusqu’au mot « mort » qui termine la suite linéaire des poèmes, juste avant le texte de l’épilogue, lequel se détache et se distingue de l’ensemble de l’ouvrage par sa place et sa forme. L’impressivité est maximale. Le lecteur ne peut y échapper.

 

Tout massacre et tout viole,

la torture flambe, chacal

de braises, immolant toute trace

de fraternité.

 

Tout passe par tous les sens, crûment, douloureusement réceptifs, de la protagoniste, narratrice, qui tournique à demi-nue dans un environnement cauchemardesque, sous la foudre inapaisable et sous le vol menaçant de rapaces, alors que foncent vers elle les cavaliers de l’apocalypse. L’éclipse bienvenue, entracte de répit, au cours de quoi « Morphée [la] dépose dans un écrin de coton et d’absinthe » ne dure qu’un instant, hélas très éphémère, et le réveil survient trop tôt au milieu de cadavres, d’ombres erratiques et de blessés que, messagère de paix et de soin, amazone venue d’un outre-monde, en guerre contre la guerre, défiant les faiseurs de mort et bravant la mort elle-même, se donnant pour mission de « tuer le néant », elle s’acharne à secourir.

 

Je n’abdique jamais,

suture, masse, insuffle,

sauve tout ce qui peut l’être.

Guérisseuse et guerrière,

Je fixe Thanatos dans les yeux

Elle poursuit, tout au long des soixante pages d’une galerie de scènes infernales l’écriture d’une poésie fantastique, dantesque, en un galop effréné « chevauchant la tempête » au travers d’une « orgie de corps dépecés », « drapée dans l’écume rouge des naufragés », entraînant dans sa course le lecteur compagnon, voyeur, solidaire, qui à ses côtés « pénètre dans le labyrinthe, porte le feu au plus haut », « depuis la nuit des temps ».

 

Jusqu’où et par quels chemins ira la cavalcade ?

 

Je monte à cru au galop des vagues

déchirant les lianes de goémon

enroulées autour de mes bras

bravant la houle aux dents de sabre

Je me fonds, victorieuse,

aux draps furieux de la mer.

 

La tonalité reste la même, sauvage, brutale, ardente, lorsque l’Amazone, se révélant Penthésilée, ou réincarnée en Aphrodite, se retrouve, en plein chaos, face à Achille, personnifiant l’amant. De la mort à l’amour, de la mort à l’extase (sous-titre du volume). De même que Parme excelle à dépeindre et à nous faire ressentir l’épouvantable et définitive dévastation à venir dont les prémices sont peut-être déjà décelables dans les aléas inquiétants de notre actualité mondiale calamiteuse, de même elle fait preuve d’un art percutant dans l’expression d’une passion amoureuse empreinte de sensualité enragée, d’une union charnelle exaltée en parfaite concordance avec la violence du contexte.

 

Nous nous goûtons dans la sueur et le sang.

Enivrée de toi, assoiffée de ta fougue,

je saisis ton mât brûlant, bondis, te dévore,

je me déhanche, délice, danse sur ton empire.

 

Ces scènes d’une volupté fauve se déroulent en surimpression de l’horreur macabre ambiante, venant suggérer que l’essentialité du combat se situe entre la Mort et l’Amour.

Pour la poétesse, qui (quoi) en sortira victorieux ?

La réponse s’entend peut-être dans le poème terminal intitulé tout simplement Epilogue, dont la composition quasiment classique en quatrains réguliers contraste avec la déconstruction maîtrisée de l’écriture poétique de la globalité de l’ouvrage en connivence avec la décomposition du monde dépeint. Là, revenue à elle littérairement, l’artiste explique, exprime le sens, la fonction, le caractère et le dessein de « la plume Amazone » qui vient de « sculpter ses mots » sur cinquante pages, cette plume muse, cette plume débridée, autonome, dissociée de la personne qui la tient.

 

Sous les doigts effilés qui caressent ma plume,

je sens vibrer un pouls, comme un cœur qui bat,

c’est comme un autre moi qui brille dans la brume

[…]

Ma plume vole aux vents des quatre coins du monde.

ma plume est indocile et n’a ni foi ni loi,

elle est impertinente et elle est vagabonde,

ma plume a son regard et ses propres émois.

 

Oui, on le sait, « Je est un autre » …

 

Ce recueil mouvementé, à la lecture bienheureusement perturbante, s’achève sur un quatrain qui émet du fond de l’horreur une petite lueur d’espérance.

 

Cette plume engagée dans le rêve humaniste

un fruit de Voie Lactée cueilli au verger noir,

qui distille en chantant ses pensées utopistes,

pour faire gagner la vie et triompher l’espoir.

Bon ! L’espoir a le dernier mot.

Merci, Parme !

 

Patryck Froissart

Plateau Caillou

La Réunion

Lundi 10 novembre 2025

 

 

L’autrice :

Surnommée la plume Amazone en raison de son vécu combatif et atypique, Parme Ceriset est l'autrice des recueils "Nuit sauvage et ardente" (éd. du Cygne), "Flambeaux de vie" (Pierre Turcotte éditeur), "Boire la lumière à la source" (éd. du Cygne, prix Jacques Viesvil 2023 de la SPF), "L'Amazone Terre" (éd. Stellamaris, 2021), "Femme d'eau et d'étoiles" (éd. Bleu d'encre, prix Marceline Desbordes-Valmore 2021 de la Société des Poètes Français). Elle est l'autrice du roman autobiographique "Le Serment de l'espoir" (L'Harmattan, 2021). Elle est également critique littéraire.



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A propos de l'écrivain

Parme Ceriset


Parme Ceriset est poète, auteure de plusieurs recueils de poésie dont « Boire la lumière à la source » et « Nuit sauvage et ardente » (éditions du Cygne), « Femme d’eau et d’étoiles » (éditions Bleu d’encre, prix Marceline Desbordes-Valmore 2021 de la Société des Poètes Français). Elle a publié chez L’Harmattan un roman autobiographique, « Le Serment de l’espoir ».


A propos du rédacteur

Patryck Froissart

 

Tous les articles et textes de Patryck Froissart


Patryck Froissart, originaire du Borinage, a enseigné les Lettres dans le Nord de la France, dans le Cantal, dans l’Aude, au Maroc, à La Réunion, à Mayotte, avant de devenir Inspecteur, puis proviseur à La Réunion et à Maurice, et d’effectuer des missions de direction et de formation au Cameroun, en Oman, en Mauritanie, au Rwanda, en Côte d’Ivoire.

Membre permanent des jurys des concours nationaux de la SPAF (Société des Poètes et Artistes de France)

Membre de l’AREAW (Association Royale des Ecrivains et Artistes de Wallonie)

Membre de la SGDL (Société des Gens De Lettres)

Membre de la SPF (Société des Poètes Français)

Il a publié :

- Le dromadaire et la salangane, recueil de tankas (Ed. Franco-canadiennes du tanka francophone)

- Li Ann ou Le Tropique des Chimères, roman (Editions Maurice Nadeau)

- L’Arnitoile, poésie (Sinope Editions)

- Contredanses macabres, poésie (Editions Constellations)