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A propos de "Presque l’oubli", Jean Maison

Ecrit par Didier Ayres le 08.07.15 dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Presque l’oubli, Jean Maison, éd. Ad Solem, juin 2015, 80 p., 19 €

A propos de

 

 

Une poésie du labeur


Le dernier livre de Jean Maison est constitué de trois parties égales par le style. L’ouvrage s’ouvre sur la partie la plus « animée » de l’œuvre, poèmes courts, voire très courts, qui saisissent une brindille, un brin, un tout petit quelque chose, le « presque rien » de la philosophie.

On y voit des ouvriers au labeur de la cueillette, des paveurs loués, sorte d’aubains de la campagne, qui flambent à la lueur des torches, les corvées inhérentes au travail des champs, des manœuvres confrontés aux questions de l’âme, parfois, de simples soldats/paysans et maçons/ [qui] marchent à la journée.

La grande valeur de l’ouvrier

Demeure

Dans la plus petite dimension

Du pain quotidien

D’heure en heure

Il devient quelqu’un

Consacre ses gestes

Au gain de nature

Et prend soin des abandonnés

Il se tient sur son bien

Tels les ormes de Sully

Place de l’église

J’ai trouvé dans ce recueil une sorte de monde poétique très honnête, qui ne se livre pas à la confusion intellectuelle mais cherche l’être au milieu de lui-même. Là, justement, il y a de l’être, de la présence, une personne. Et pour ma part, c’est ce que je préfère dans la littérature, deviner l’homme qui se cache derrière l’auteur.

 

Il regarde ses mains calleuses

Avec la patience du preneur

Au bras de la mariée

Et c’est aux draps senteur d’iris

Que se mêle la chaleur nuptiale

 

Donc dans ces poèmes peu adjectivés, qui qualifient peu et qui laissent les noms dans une robe simple, on rencontre des travailleurs de la terre, peut-être à la manière dont Hugo a saisi le monde de la mer dans son exil à Guernesey.

On devine dans la compagnie d’ouvriers agricoles, on voit à travers cette poésie du labeur, la vraie naissance de l’homme de peine à sa peine d’homme, si je peux user de cette rhétorique. Oui, c’est là une poésie meuble, mobilière, comme le sont les transhumances, une poésie du mouvement, une poésie poreuse au monde du poète.

Presque l’oubli indique en quelque sorte l’action malgré l’oubli, et l’oubli comme l’effacement utile pour dégager ce qui est essentiel. D’ailleurs tout commence avec ce poème :

 

C’est le baiser de la mort

Que l’on portait aux ouvriers

Aux faucheurs alignés

Le long des prés

Les mains rougies

Les bouteilles plongées dans l’eau glacée

Trop tôt bues en écho

Dans le tintement du marteau à battre

Ceux-là sont désormais passés

Et c’est à vous trimards

Héritiers du chagrin des épierreurs

Que sont dédiées ces pages

Avant que l’oubli

Ne rejoigne la tombe

Parmi les forçats des Indes noires

Travailleur de la terre, vendangeur, cueilleur, travaux parfois nocturnes, telles sont les tâches du poète, de l’ouvrier, de l’artisan du langage, au milieu d’espaces géographiques – où je reconnais le Limousin parfois. Jean Maison travaille à la combustion, aux fours, avec la chaux pour apaiser les blessures existentielles, pour les désigner avec une certaine élégance et comme avec une sorte de calme élégiaque.

 

Didier Ayres

 


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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.