Tibet de l’âme, Marc-Henri Arfeux (par Parme Ceriset)
Tibet de l’âme, Marc-Henri Arfeux, mai 2025, 84 pages, 14 euros
Edition: Unicité
L’auteur, Marc-Henri Arfeux, nous offre, avec « Tibet de l’âme », une élévation, un voyage de l'altitude spirituelle.
Il dédie ce recueil, illustré par ses propres toiles dont la flamboyance éclaire les mots d’un étonnant « feu intérieur », à Ani Rigsang, nonne bouddhiste ayant quitté la civilisation pour devenir moniale errante au Tibet oriental, renouant avec la liberté des Hauts-Plateaux, nécessaire à son épanouissement.
Au fil des pages, hommage est rendu à cette « petite âme » « aussi ténue que les fils d'épilobe en fin d'été", "fragile et tenace", que le poète considère comme une sœur.
À elle seule, elle semble incarner une partie des principes fondateurs du bouddhisme, dont la dissolution de l’individualité dans le Tout, se fondant aux montagnes qu’elle arpente, devenant forêt, cheminant dans « l’outre-loin », s’effaçant dans ce « lent pays de neige et de cuir fauve », « chèvre malicieuse grimpant à l’arbre de l’azur ».
Ce personnage fascinant, cette femme sage et mystérieuse dont l’inconscient connaît les noms secrets des créatures, est le point de départ d’une exploration par l’auteur de la condition humaine :
"Ton nom d'être mortel n'est qu'un cadenas de nuit / Cherchant sa clé".
Avançant pas à pas sur ce « chemin sans chemin », cueillant « l'offrande au fur et à mesure », la quête de sens passe par un dépouillement de l’être de tous les artifices et raisons d’usage qui le définissaient jusque-là, quitte à oublier « les amarres de son nom ».
Ainsi pourra-t-il devenir à son tour l’espace, à la fois neige, fougère et « inspirer à pleins poumons l'inaccessible même », l’essence de l’Esprit dépliant « la main de la lumière ».
À l’opposé du « linceul » recouvrant nos dépouilles éphémères, « l’Un seul », l’Esprit, « main du monde », écrit « nos formes en sa lumière ».
« Et seule n'est pas fantôme / Une vie donnée à sa fenêtre immatérielle », affirme le poète, s’opposant au matérialisme pur et dur, et convaincu que toute vie, même celle d’une abeille dont le cœur « bat de liesse », est sacrée et participe à son échelle « au minuscule empire de l'absolu ».
Chaque étincelle de vie contribue donc au Tout avant de s’y dissoudre, de devenir, après avoir quitté son enveloppe charnelle, « grain de la cendre lumineuse », survolant « les caravanes humaines ».
Quelle poésie dans cette « poudre d’âme » n’ayant d’autre choix que de
« gravir le bleu/Jusqu'au plus nuit du transparent » !
« Nul autre choix que le seulement Amour », ajoute l’auteur.
Pourtant, dans la troisième partie du livre, il dit toute sa perplexité face aux drames épouvantables d’Hiroshima et de Nagasaki, son incompréhension de la dimension destructrice de l’homme, qui abolit sans état d’âme « les voix, les mains les cœurs, les tendres joues », la « mémoire d'âmes anonymes à jamais crucifiées ».
Telle est peut-être la destinée du poète, errant, comme en terre étrangère parmi les hommes, se demandant où est sa place dans un tel monde, puis « remontant pas à pas de la brûlure interminable, des os brisés, des cris et des ravins de sang »…
La poésie, au cœur de l’enfer, demeure gardienne de l’espoir et de la beauté. Marc-Henri Arfeux l’aura démontré dans ce puissant recueil :
« Toute la vie est une prière. »
Parme Ceriset
Marc-Henri Arfeux est né à Lyon en 1962. Docteur en lettres modernes, il enseigne la philosophie à Lyon. Il est l’auteur de nombreux recueils de poésie et collabore régulièrement avec les revues Terre à Ciel et Rumeurs. Il est également peintre et compositeur de musique electroacoustique.
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A propos du rédacteur
Parme Ceriset
Parme Ceriset est poète, auteure de plusieurs recueils de poésie dont « Boire la lumière à la source » et « Nuit sauvage et ardente » (éditions du Cygne), « Femme d’eau et d’étoiles » (éditions Bleu d’encre, prix Marceline Desbordes-Valmore 2021 de la Société des Poètes Français). Elle a publié chez L’Harmattan un roman autobiographique, « Le Serment de l’espoir ».
Amazone d’Outre-monde, éditions Tarmac, préface de Jean Azarel, et La liberté sur les lèvres, éditions Unicité, préface de Patrick Devaux.