Richard W., Vincent Borel
Richard W., 308 pages, 22 €
Ecrivain(s): Vincent Borel Edition: Sabine Wespieser
Richard W, et non R. Wagner… le « parti pris », l’allure du roman sont posés : c’est autour de l’homme, par le côté familier de son prénom, de son « petit nom », que tout tourne. C’est l’intimité, presque la familiarité du personnage qui va donner le ton à ce roman, la petite histoire, la petite musique qui interagit avec le nom, connu, re-connu, qui met l’accent sur le côté méconnu du personnage Wagner. Comme si le nom n’était qu’un avatar, comme si le prénom lui donnait toute sa force, l’éclairant, le déviant, le montrant sous un jour différent, souvent sans doute l’exagérant.
Bon nombre des anecdotes de la vie de Richard Wagner émaillant le livre sont sinon imaginées, du moins étirées à l’extrême, mais servent de révélateur, de soubassement à l’exploration de la naissance de l’œuvre. Nées de l’interprétation de l’auteur, mélomane, musicien, prompt à faire réagir comme une composition chimique vie et œuvre, l’œuvre comme prolongement de l’homme ou, plus exactement, projection : « ici l’espace et le temps se confondent », ainsi que le dit Gurnemanz à Parsifal. Tout attend, se condense pour mieux éclater, se résoudre dans une envolée.
Ecrit par un passionné de musique, ce roman aurait une certaine tendance à faire chair – Richard –, ce qui – pour Wagner – devait rester du domaine de l’esprit. L’incarnation que fait du compositeur ce spectateur-interprète sous-tend, sous-entend une inversion de l’accord : la résolution se ferait-elle par la « fausse note », comme la rédemption par la passion ?
« C’est comme dans une église, quand il se passe ce qui doit se passer, ce qui est fort rare. A cet instant, une âme échappe aux contraintes mesquines et s’élève au-dessus de ses propres misères pour reconnaître la douleur du monde » dit Wagner à Nietzsche (p.227).
W., trop à l’étroit dans Richard ? R., prenant ses aises dans le costume trop ample de Wagner ? Un condensé d’homme dans un précipité de génie, l’homme dépassé par son œuvre, voilà ce que l’on nous donne à lire, et pour les « adeptes », à entendre :
« Exister n’a-t-il donc toujours été qu’une plaie voluptueuse ? » (p.19).
Anne Morin
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