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Présages d’innocence, Patti Smith (par Nicolas Grenier)

Ecrit par Nicolas Grenier 13.05.25 dans La Une Livres, Les Livres, Arts, Recensions, Christian Bourgois

Présages d’innocence, Patti Smith, Christian Bourgois Éditeur, novembre 2024 (édition bilingue, poèmes inédits), trad. anglais (USA) Jacques Darras, 160 pages, 9 €

Edition: Christian Bourgois

Présages d’innocence, Patti Smith (par Nicolas Grenier)

 

Patti Smith, sens de l’innocence

Patti Smith, chanteuse populaire américaine, dévoile son jardin secret à travers le recueil de poèmes Présages d’innocence. Il se place sous les auspices de William Blake, poète romantique anglais, et de Diane Arbus, photographe américaine, qui inspirent le titre de sa divagation poétique. Son opus lyrique se compose de vingt-trois poèmes en vers libre, des ballades, des élégies entre autres, et de cinq poèmes en prose, elle a écrit à Los Angeles ou à Belfast. Dans son cahier de poésie, cette icône de la musique populaire retranscrit sa vision du monde. À travers ses poèmes de circonstances, elle révèle son monde intérieur, ses tensions et ses obsessions.

Lors de cette session lyrique, Patricia Smith signe une poésie engagée. Cette figure de la société civile, comme Ralph Nader ou Johnny Appleseed, s’érige contre le pouvoir des excès. Maigrelette et fluette, cette silhouette construit des passerelles entre les pays, les peuples, les civilisations.

Pacifiste, idéaliste, humaniste, cet esprit des années 68 dénonce les vices de la société occidentale, des crimes de guerre aux injustices sociales. La chanteuse rebelle critique la politique étrangère des États-Unis. L’armée américaine joue les trouble-fête en Irak et en Libye, au nom de l’oncle Sam. Patti Smith explore l’étendue du désastre à travers les poèmes Oiseaux d’Irak, et Chœur du désert.

Au-delà de la géopolitique mondiale, l’activiste a d’autres cordes à sa lyre. Elle prend la défense de la cause animale, de l’abattage d’élevage au pays de Galles, à travers le poème Glorieux le petit agneau assassiné pour nous, aux espèces en voie d’extinction, dans les vers du Sommeil du dodo. Les faits divers constituent son point de fixation. Cette mère de famille rend hommage à des victimes, le kidnapping d’Elizabeth Smart, jeune fille mormone, à Salt Lake City, dans l’État de l’Utah, dans le poème Quatorze ans ou encore l’assassinat d’un clochard, dans les collines nord-irlandaises, à travers le poème Mort d’un clochard. Elle relate l’une des fusillades les plus meurtrières de campus américain, le 16 avril 2007, à Virginia Tech, dans le poème Tara.

Dans ce livre de la jungle, Patti Smith rallume les cierges de l’espérance. Au fond de l’abîme, la religion constitue un pilier de sa sagesse. Sa poésie intimiste tend à s’imprégner de christianisme, du Graal à Jésus-Christ. Dans le poème Trois fenêtres, écrit sur la place Saint-Pierre au Vatican, elle expose les dernières heures de Jean-Paul II, le 2 avril 2005. Les arts et les lettres, des romanciers, H. P. Lovecraft ou Virginia Woolf, aux poètes maudits, Arthur Rimbaud ou Jean Genet, réveillent sa foi. Cette amie de la poésie aime à lire Sylvia Plath, James Wright, Allen Ginsberg. Elle se laisse bercer par le recueil populaire de poésie pour enfants, Le jardin poétique d’un enfant de 1885 de Robert Louis Stevenson, dans son poème Long Road. Tout ce lyrisme de ses compagnons de route donne une force de démiurge à Patti Smith.

Amoureuse de la France, la groupie déclare sa flamme à Arthur Rimbaud. La jeune Patti découvre la poésie du petit Français à travers le recueil des Illuminations qu’elle dérobe dans un dépôt de bus Greyhound. Depuis les années soixante, un ange gardien veille sur la destinée de « John Arthur Rimbaud » qui influence l’histoire du rock. Dans un coup de foudre permanent, la folle Américaine perçoit, à nul autre pareil, sa voix, ses épaules, son sommeil, comme si elle était sa fiancée, sa sœur, sa mère qui protégerait le poète maudit. Jusque dans le nord-est de la France, Patti Smith suit les pas du sale gosse, dans les Ardennes, au bord de la Meuse, à travers le poème en prose Masques d’amour :

« Ce matin, descendue du train qui m’a menée jusqu’à ta ville, j’ai marché dans les rues que tu méprisais, les rues que j’aime, tant tu les as méprisées. Je dors à deux pas de ton sommeil d’enfant et me réveille à tes cris qui m’appellent. Je te sens flâner près du fleuve, attendant que je me lève ».

 

Nicolas Grenier



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A propos du rédacteur

Nicolas Grenier

 

Nicolas Grenier a publié des recueils de poésie, des essais et des anthologies.