Philippe Sollers entre les lignes, Pascal Louvrier (par Philippe Chauché)
Philippe Sollers entre les lignes, Pascal Louvrier, Le Passeur Éditeur, février 2024, 260 pages, 18 €
Ecrivain(s): Pascal Louvrier Edition: Le Passeur
« On est à la Closerie des Lilas, dans cette partie tranquille de la brasserie qu’on appelle « Le Daumier ». Sollers y a sa petite table réservée en permanence. Endroit un peu sombre. Pas d’oreilles indiscrètes. À l’écart de l’agitation stérile. Deux bloody mary chacun. Ses traditionnels œufs- mayonnaise. Eau minérale. Pas de vin. La tête fraîche, les idées nettes. Pour pouvoir écrire deux ou trois pages durant l’après-midi ».
« L’existence se présente sous la forme de petits romans métaphysiques, où chaque instant compte. Jean a bien vu ce qu’il a vu, le tombeau est vide (Philippe Sollers, Graal, Gallimard, 2022).
Cet essai de Pascal Louvrier possède deux vies, la première en 1996 (Editions du Rocher), la seconde aujourd’hui (Le Passeur Éditeur), entre-temps, Philippe Sollers n’a cessé d’écrire des petits romans métaphysiques avant de se retirer dans son île, loin des propos et des regards malveillants, et si proche du « carré des aviateurs Anglais » du cimetière d’Ars-en-Ré.
Pascal Louvrier a repris son livre, comme s’il s’agissait d’une renaissance, une deuxième vie, qui s’avère être le titre du roman que Philippe Sollers était en train d’écrire, lorsque ses yeux se sont fermés, lorsque sa main a cessé de battre la mesure de sa vie et de ses romans, et que Gallimard annonce pour le 7 mars prochain.
Pascal Louvrier nous offre là, une biographie romanesque, une dernière adresse à Philippe Sollers. Le talent, ce vieux mot, qui évoque l’humeur, le désir, la volonté, trois mots que Pascal Louvrier peut s’approprier tant ils épousent les propos, les réflexions, les notations, qui nourrissent ce livre talentueux. Philippe Sollers entre les lignes est une biographie heureuse et vivifiante, qui rebondit comme une balle de tennis. L’auteur a tout lu du bordelais bondissant, il l’a suivi dans ses aventures romanesques et politiques, dans ses passions, et ses admirations. Pascal Louvrier visite les géographies de Sollers, il le suit à la trace, entre les lignes, de romans en essais, d’essais en romans, les uns embrasent les autres et inversement. Sollers politique, Sollers à la langue affutée comme une épée, Sollers qui écoute ce qu’il lit et ce qu’il publie dans sa petite collection, qu’il baptisa avec tant de justesse : L’Infini. C’est en romancier que Pascal Louvrier a écrit son livre, les deux vies de son livre, qui brillent d’un éclat profond, comme un chant d’amitié, que rien ne peut faire taire.
Lire Philippe Sollers, Collectif, La Règle du Jeu, janvier 2024, Grasset, 312 pages, 22 €
« Le livre d’un vivant définitif et splendide », Bernard-Henri Lévy, Bloc-Notes du Point, 22 septembre 2007, à propos de : Un vrai roman, Mémoires.
« Ce matin ma bibliothèque me fait face, je me plonge en elle, j’y trouve Mauriac et Aragon se disputant, une guerre a lieu… « J’aurai été le premier à écrire ce nom », dit Mauriac, Aragon répond lassé : « Je suis le deuxième », quant à moi, je m’écris : « Philippe Sollers, je ne serai pas le dernier à écrire ce nom », Samuel de Loth, 28 novembre 2023, Bordeaux.
« Il est une physique sollersienne dont on découvre au jour le jour qu’il s’agit d’un embrasement à la fois destructeur et créatif, un vide et un plein en expansion continue : “je dis texte, comme je dirais circulation, sang, nerf – mais ces derniers mots sont encore trop en surface –, et pas une seconde n’a passé et ne passe sans que ce soit là le drame et le jeu” », Olivier Rachet, Un amour vénitien.
Qui pensait une seconde que la disparition physique de Philippe Sollers susciterait autant d’hommages ? Il y a eu le nôtre :
Celui des Editions Gallimard :
https://www.lacauselitteraire.fr/hommage-a-philippe-sollers-collectif-par-philippe-chauche
Et aujourd’hui c’est à La Règle du jeu de saluer l’écrivain d’Ars-en-Ré. Lire Philippe Sollers invite à écrire sur Philippe Sollers, et écrire sur Philippe Sollers nous invite, d’un magnifique rebond littéraire, à le lire et à le relire, ce que réussit merveilleusement, nous venons de le voir, Pascal Louvrier, et donc tous ceux qui participent à ce numéro de La Règle du jeu. Pour saluer l’ami fidèle, l’éditeur, l’écrivain éblouissant, le Chinois du Vatican, le lecteur inépuisable, le voyageur de l’Infini (Bordeaux, Ars-en-Ré, Barcelone, New York, Venise, Paris, mais aussi Voltaire, Chateaubriand, Rimbaud, Proust, Céline, Casanova, Hemingway, et Faulkner notamment) qui se dévoile à chaque livre tout en restant fidèle à quelques secrets, la Revue que dirige Bernard-Henri Lévy a invité ses auteurs, ses amis, et des écrivains-lecteurs, qui tous à leur façon poursuivent l’œuvre de l’heureux bordelais. Comme le Temps donne toujours raison aux écrivains, il nous appartient, pour fureter dans cet hommage gracieux et inspiré, comme dans cette éclaircie unique, loin de la fureur et des larmes.
« C’est cette éclaircie, cet embarcadère que je trouve dans les livres de Philippe Sollers. Et la raison pour laquelle, par-delà la mort, qui ne nous éloigne pas et qui ne signifie rien, je suis reconnaissant », Michaël Ferrier, Studio.
Philippe Chauché
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