Par petites touches, Philippe Cassard (par Philippe Chauché)
Par petites touches, Philippe Cassard, Mercure de France, Traits et Portraits, septembre 2022, 200 pages, 19 €
Edition: Mercure de France
« La connaissance intime qu’avait Merlet des cantates, des Passions et des œuvres d’orgue du Cantor, rendait au Bach qu’il nous enseignait, à travers les préludes et fugues du Clavier bien tempéré, les toccatas et les suites, sa jubilation au contrepoint, son rebond aux rythmes de danses et son expression intensément vocale aux fugues lentes et aux sarabandes ».
C’est donc Par petites touches que Philippe Cassard déroule sa vie d’apprentissage de la musique et du piano, sa vie de rencontres et d’études auprès de grands serviteurs de la transmission musicale. Il faudrait, non pour illustrer, mais pour éclairer comme le fait un vitrail, joindre à cette recension des enregistrements de pièces musicales sous les doigts de pianistes qui n’ont cessé et ne cessent peut-être de l’accompagner. Nous pourrions ainsi proposer : Jardin sous la pluie de Claude Debussy par Philippe Cassard, Miroirs de Maurice Ravel par Vlado Perlemuter, et Barcarolle op. 60. de Frédéric Chopin par Nikita Magaloff.
Philippe Cassard se souvient de ses professeurs, ces grands passeurs de musique et de vie, ces orpailleurs de l’ombre, qui révèlent un musicien, qui ne lui donnent pas un style, un touché, un regard, mais par petites touches, là encore, font apparaître ce qu’il deviendra. Ils ont pour nom : Suzanne Verrier – Je lui dois cependant de m’avoir transmis, dès les premières leçons, l’amour de l’instrument, la relation charnelle avec toutes ces touches d’ivoire et d’ébène… –, Pierre Barbizet – Avec lui, les notes des partitions s’animaient d’une vie prodigieuse –, Jacques Bloch, Dominique Merlet, Geneviève Joy, et les musiciens prodigieux dont il écoutera les conseils, et qui l’inspireront dans cet art singulier de l’offrande musicale. Nikita Magaloff fait partie de ce que l’auteur appelle ses chers fantômes, peut-être le plus élégant de tous, un seigneur, découvert en l’écoutant jouer le Concerto n°2 de Brahms, et qui deviendra son éclaireur.
« Sviatoslav Richter a cassé tous les codes de l’interprétation de Debussy, et il m’a bouleversé. À Gieseking le charme des couleurs pastel, le brio, la fantaisie. À Michelangeli la perfection sonore glacée, intimidante. À Samson François le côté improvisé et mutin ».
C’est ainsi que par petites touches, Philippe Cassard fait défiler ses premiers pas de musicien, ses apprentissages, ses portraits des Maîtres qui l’ont un jour accompagné, ses voyages, ses concerts, ses amitiés musicales, ses admirations, puis ses émissions sur France Musique (1), où à son tour, il transmet ce qu’il a appris, ce qu’il admire dans l’art musical, et offre à l’auditeur ses passions musicales intemporelles. Cet ouvrage, de la belle collection que dirige Colette Fellous au Mercure de France, est d’une grande délicatesse, et d’un beau touché, récit d’un grand pianiste qui est aussi un grand pédagogue des ondes. Un pianiste qui a la plume légère et fine, pour nous offrir ses évocations musicales faites d’écoutes, d’attentions, de travail et de rencontres, sans aucune fausse note. Musique maestro !
Philippe Chauché
(1) « Portraits de famille » qui a succédé à « Notes du traducteur ».
L’on doit à Philippe Cassard : Claude Debussy ; Franz Schubert, Petit lexique amoureux (Actes Sud) ; et Deux temps trois mouvements, Un pianiste au cinéma (entretien avec Marc Chevrie et Jean Narboni), (Capricci, 2012).
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