Monsieur Armand dit Garrincha suivi de Sixième solo, Serge Valletti
Monsieur Armand dit Garrincha suivi de Sixième solo, L’Atalante, coll. La Chamaille, 2001, 126 pages
Ecrivain(s): Serge Valletti
« Droit au but »
J’aime Marseille ; Marseille la très vivante, la ville à part, qui en littérature, au cinéma, au théâtre, en chansons, suscite clichés nombreux à l’adresse des « estrangers » et peut-être, pour elle-même, le fondement d’une identité névrosée. De ce point de vue, Marcel Pagnol a édifié toute une mythologie, puissante parce que relayée par divers genres littéraires et leurs adaptations cinématographiques. Plus près de nous, Izzo et ses polars a repris cette vision méditerranéenne en lui greffant de nouveaux éléments politiques et sociaux.
La faconde, les expressions pittoresques, le « milieu », la French Connection, les prostituées de l’opéra et le foot constituent quelques points forts de ces écritures marseillaises, d’auteurs marseillais. Valletti se fait, pour ce texte, représentant parfait de cette veine.
Dans sa pièce, nous retrouvons le personnage central du « tchatcheur » en la personne de monsieur Armand, avatar du propre oncle de l’auteur, joueur de foot de seconde catégorie. Il ne s’agit pas d’un monologue d’ailleurs mais, pour reprendre le terme du préambule, d’un solo écrit pour l’acteur Éric Elmosnino. Solo comme solo musical où il s’agit toujours de faire preuve d’acrobatie dans le doigté, de performance incroyable, en suscitant une admiration éberluée de la part de l’auditeur.
Le Marseillais vénère le joueur brésilien Manoel dos Santos dit Garrincha et, en quelque sorte, l’incarne parce qu’il est possédé par ce champion véloce en matière de dribble.
Armand parle comme un marseillais donc (il répète « pétard » qui signifie à la fois admiration et réprobation) ; il s’amourache forcément d’une Angèle. Nostalgie d’un Marseille des années 50 avec ses lieux incontournables pour qui connaît bien la ville. Le cours Julien n’est alors qu’un marché de légumes. C’est avant tout, dans cette logique de la parole outrancière, comme l’on dit que quelqu’un a une façon théâtrale de s’adresser aux autres, que l’unité du texte se fonde. Le personnage perd souvent le fil de ses propos, passant du coq à l’âne en avouant qu’il s’égare dans sa logorrhée. Il s’adresse aussi à Mané à qui il donne des conseils. D’ailleurs il veut à tout prix le sauver de ses brutalités, puisque lui, Armand, il a cassé le bras d’un pauvre joueur du Junior Olympique et qu’il veut éviter cela à son idole. Football burlesque soit et après ?
Je n’aime pas le foot.
Je sais pourtant qu’il existe une littérature, des romans sur le foot. Dans le domaine du théâtre, Gelas écrivit avec succès une Ode à Canto, autour du King de Manchester United qui devint quelque temps plus tard comédien. Mais il me semble que la seule dimension anecdotique du foot ne permet pas à un texte d’atteindre l’universel. Il est d’ailleurs révélateur de voir que la pièce de Valletti a été reprise avec le même comédien, dans le cadre des Nuits de Fourvière à Lyon parce que L’Euro de foot se tenait en France en 2016 comme si elle ne trouvait sa justification que dans son écho sportif.
J’aime Antonin Artaud, né à Marseille.
La pièce de Valletti a été créée en 2001 au Petit Odéon, dans une mise en scène de P. Pineau.
Marie Du Crest
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