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Les Lumières de Tel-Aviv, Alexandra Schwartzbrod (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou 18.11.20 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Rivages/noir, Israël, Roman

Les Lumières de Tel-Aviv, Alexandra Schwartzbrod, mars 2020, 288 pages, 20 €

Edition: Rivages/noir

Les Lumières de Tel-Aviv, Alexandra Schwartzbrod (par Jean-Jacques Bretou)

Le livre d’Alexandra Schwartzbrod est un thriller d’anticipation qui se passe à une période relativement proche de la nôtre.

Les ultrareligieux ont chassé les laïcs et les arabes de Jérusalem, en conservant toutes leurs richesses, pour se retrouver entre eux et consacrer leur temps à la prière. Ils ont fait construire un mur qui les sépare de Tel-Aviv où se retrouvent tous les impurs. Les réfugiés doivent cultiver la terre comme au temps des kibboutzim pour survire. Palestiniens et juifs laïcs vivent en bonne entente et s’entraident pour croître et multiplier.

Cependant alors que côté Jérusalem, appelé le Grand Israël, on ne semble manquer de rien, on regarde Tel-Aviv comme un lieu de péché et de débauche où les femmes vivent quasi nues et s’offrent au premier venu. Le mur ne semble donc plus être suffisant pour se protéger des impies qui pourraient être tentés par les richesses de Jérusalem (surtout qu’il permet, par ailleurs, de se garder des femmes impures qui pourraient devenir une tentation). Jérusalem qui s’est alliée aux Russes veut donc faire garder son mur par des robots tueurs. Ce qui permettrait à la ville de se préserver de l’ennemi tout en permettant aux croyants de rester fidèles à leurs lois religieuses.

Cependant un beau jour, Haïm Müller, un ultra-orthodoxe, n’en peut plus, il a l’impression de perdre sa vie en restant confiné dans la prière, il a une furieuse envie de couper ses peot (papillotes), de laisser tomber talith (châle de prière) et tefillins (phylactères) après avoir passé la frontière. Il s’enfuit en pleine nuit en direction de Tel-Aviv. Il va être suivi par d’autres. L’ex-commissaire Éli Bishara, Palestinien d’Israël, élevé dans une famille chrétienne, mal intégré à Jérusalem, à la recherche de son amour perdu, va prendre le même chemin. Isaac, un conseiller du premier ministre en proie au doute le suit de peu en emportant avec lui les plans où sont indiqués les endroits où le Grand Israël a déposé ses drones. Enfin voyagent ensemble vers Tel-Aviv deux jeunes Palestiniens en exil, Moussa et Malika et l’ex-femme de Haïm, Ana. Arriveront-ils au bout de leur voyage ? Que va devenir Israël ? sont les questions que nous nous posons tout en lisant ce livre balayé par le khamsin (vent), dégageant des odeurs de zaatar (mélange d’herbe et d’épices).

Alexandra Schwartzbrod a découpé son livre en chapitres courts qui se lisent vite. Sa langue, belle, est ici celle de la romancière plus que de la journaliste. Elle nous donne à déchiffrer toutes les complexités d’un état d’Israël qu’elle aime sensuellement si ce n’était les éternelles divisions, les terribles massacres entre les tenants des différents partis en présence. Ce livre agit comme un petit souffle frais qui nous permet de respirer lorsque le soleil tape trop fort et que l’esprit en proie à de terribles illusions commence à battre la campagne. C’est une petite bouchée de knaffeh (dessert à base de fromage et de miel).

 

Jean-Jacques Bretou

 

Alexandra Schwartzbrod, née en 1960, est romancière, essayiste, spécialiste du Moyent-Orient et directrice adjointe de la rédaction de Libération. Elle a reçu le prix SNCF du polar en 2003 pour Balaganet le Grand prix de la littérature policière en 2010 pour Adieu Jérusalem, deux romans qui composent avec celui-ci un cycle consacré à Israël.

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Jean-Jacques BRETOU est traducteur.