Les Hautes Herbes, Hubert Voignier (par François Baillon)
Les Hautes Herbes, 64 pages, 17 €
Ecrivain(s): Hubert Voignier Edition: Cheyne Editeur
Ce qui interpelle de prime abord est la très belle plastique du livre, soignée, relevée par des reliefs sur la couverture autant qu’à l’intérieur des pages, via les illustrations de hautes herbes (splendide travail dû à Estelle Aguelon) qui, à elles seules, savent nous emmener dans l’entremêlement infini des feuilles et des tiges qui peuplent l’ouvrage entier.
Il s’agit d’une progression en quatre mouvements : la référence au champ lexical de la musique se justifie pleinement, tant la langue d’Hubert Voignier est maîtrisée, riche, magnifiquement nuancée dans son rythme – il est impossible de résister au courant de sa prose poétique une fois que nous nous sommes lancés, tant l’immersion dans le monde végétal se fait le reflet d’une vie intérieure intense. Le déferlement de nature qui nous submerge et nous anime en même temps semble trouver son apothéose dans le troisième mouvement, avec l’arrivée des mauvaises herbes et leur « mouvement d’émancipation naturelle », leur « débordement de vie, anarchique et frondeur » [p.38].
Il n’est pas de hasard à cela, puisque le poète nous dit un peu plus loin : « Mauvaise graine (…) dont je voudrais être et me sens proche, espèce impropre à la consommation ou à quelque emploi que ce soit sur la terre, n’ayant d’autre raison d’être que celle de vivre un peu… » [p.39/40]. Si l’attention portée à la nature est incontestablement fine et délicate, l’impulsion qui en émane est quant à elle d’une puissance extraordinaire, éclatée, dévorante, joyeuse et sans concession. Et si l’impulsion est telle, c’est que la nature est poussée, comme l’homme, par la crainte de voir s’évanouir le présent, par l’urgence de vivre, par cet instinct de l’éphémère. Dans le quatrième mouvement, Hubert Voignier nous annonce le mariage probable et émouvant de l’herbe et de la pierre, nous offrant le portrait du possible « cœur réunifié de l’univers » [p.55].
Bien plus qu’une promenade immersive, cet ouvrage se présente comme une circonvolution extatique et métaphysique, dans une langue travaillée comme de l’orfèvre, magique, harmonieuse en tous points, et c’est encore l’auteur qui le prouvera le mieux lui-même et en donnera sans doute la meilleure définition : « une parole végétale qui se déverserait sans discontinuer sur le monde et pourrait aussi bien incarner le rêve d’une écriture idéale, si proche, si intimement accordée aux êtres et aux choses, si présente, qu’elle reviendrait à une définition de la poésie même ? » [p.31].
Les Hautes Herbes avait fait l’objet d’une première édition en 2004.
François Baillon
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