Je ferai pousser des oliviers bleus, Jean-Pierre Artin
Je ferai pousser des oliviers bleus, mars 2014, 330 pages, 19,90 €
Ecrivain(s): Jean-Pierre Artin Edition: Edilivre
L’édition de cette biographie romancée est l’aboutissement d’un rêve qu’a nourri l’auteur durant des années.
La vie de Jean-Pierre Artin, qui inspire celle de son personnage, est, on l’imagine en lisant son livre, avant même de servir de prétexte à ce livre, à elle seule tout un roman.
C’est le roman de la recherche de reconnaissance. Le narrateur, Alain Bobard, retrace, à la première personne, son enfance chaotique d’individu abandonné à la naissance par sa mère, recueilli par Marraine, l’infirmière ayant assisté à l’accouchement, puis, deuxième abandon, placé à l’âge de cinq ans par sa tutrice, qui trouve qu’il devient « encombrant », dans un internat, puis dans un autre… univers clos, secs, froids, ingrats, d’où les seules échappées sont des séjours aléatoires, plus ou moins réussis, sur l’île d’Oléron chez la mère et le beau-père de Marraine, laquelle, pour sa part, se désintéresse du garçon.
Ses tuteurs l’engagent plus tard chez les Enfants de Troupe, où il poursuit ses études, avec constance, jusqu’au bac, après quoi il se retrouve enrôlé à contre gré, comme l’exigeait le statut des Enfants de Troupe, dans l’armée de métier, jusqu’au moment où il décide de tout faire pour obtenir d’être réformé.
Libéré, Alain se lance dans une quête forcenée, tous azimuts, vers la réussite, avec la volonté obstinée de pallier la reconnaissance identitaire par la reconnaissance sociale, et de se construire un statut sans devoir quoi que ce soit à quiconque.
Cette course en avant l’engage simultanément, à fond, dans plusieurs domaines, dans lesquels il s’acharne à montrer qui il est, à faire la preuve des compétences qu’il acquiert, à mettre en lumière les talents qu’il est sûr de posséder. Recruté chez IBM, il faut qu’il gravisse les échelons, qu’il y devienne le meilleur, et pour y parvenir il accepte toutes les missions, tous les horaires, au détriment de la vie de famille qu’il s’est construite par un mariage qui finira par un divorce. Prenant en parallèle des cours de peinture aux Beaux-Arts, il lui faut les diplômes correspondants, puis les expositions où doivent absolument se vendre ses œuvres. Cela ne lui suffit pas, il se fait un devoir de grimper au judo l’échelle des ceintures, et de progresser, place après place, dans le classement officiel des joueurs de tennis. Toujours en quête de challenges, il se met en congé de son entreprise pour une traversée sac-à-dos des Etats-Unis. Dans le même temps il veut se prouver qu’il peut écrire, d’abord des poèmes, qu’il fait lire, puis un roman, dont l’édition devient, après les autres défis, une nouvelle gageure, dont il fait une question vitale.
« J’ai décroché, enfin, ce diplôme qui me tenait tant à cœur. Mes cours aux Beaux-Arts se terminent. Je suis ceinture marron de judo, classé 35 au tennis. Ouf ! Les objectifs sont atteints ! Vouloir toujours aller plus loin. Il ne me reste plus qu’à écrire un bouquin. Mais là encore… Je n’aurai qu’une idée : qu’il soit édité ! Dommage que je sois un éternel insatisfait. Vu sous un autre aspect, avoir toujours quelque chose à réaliser empêche de vieillir… »
Le récit est rapide, impétueux, comme l’est le parcours du personnage, lequel, jamais satisfait, comme il le dit lui-même, fonce, exige de soi le maximum, au grand dam de ses proches, qu’il sacrifie sur l’autel de ses succès. Quelques poèmes, attribués à Alain, ponctuent la narration, ainsi que les descriptifs de certaines de ses toiles. L’auteur en profite pour livrer, toujours par la pensée d’Alain, ses réflexions sur les arts poétiques et picturaux…
Une vie riche, remplie, hyperactive, pour un personnage opiniâtre, aux multiples facettes, aux talents variés, qu’aucun échec ne peut abattre, qui connaît ses points faibles et les combat, qui n’a qu’un objectif : gagner, sur un maximum de tableaux, et à qui rien ne peut paraître impossible, y compris de faire pousser des oliviers bleus.
Une vie heureuse ?
C’est la question qui vient au lecteur qui referme ce livre intense.
Patryck Froissart
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