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Hommage à Herbert R. Lottman, Historien par Michel Host

Ecrit par Michel Host le 16.09.14 dans La Une CED, Les Chroniques

Hommage à Herbert R. Lottman, Historien par Michel Host

 

Il était historien, certes, et renommé dans sa spécialité. Cela suffirait pour qu’on lui rende hommage, mais pourquoi dans La Cause Littéraire qui, pour ne pas manquer d’intérêt pour l’histoire, vise d’abord la littérature ? Qu’il ait été un ami serait une autre bonne raison, mais tous nos amis devraient alors, quand ils disparaissent, bénéficier de nos mots d’adieu. Ce qui fait la différence, ce sont ici deux caractéristiques de l’amitié qui était la sienne : Herbert Lottman était l’ami des écrivains et ses armes dans l’existence étaient une vérité et un sourire qui n’avaient pas d’équivalents. Je m’en explique ci-dessous.

Né à New York en 1927, lauréat de la bourse Fullbright, venu en France sur ses 22 ans, il y revint pour y rester définitivement à partir de 1956. Amoureux de ce pays, de sa culture, de ses paysages et de son histoire, il y établira son existence entière et y publiera la presque totalité de ses livres, dont on trouvera une liste en note finale. Ses études étaient pour l’essentiel consacrées à l’histoire et à la littérature française du XXe siècle. Ses biographies d’écrivains ont suscité l’admiration.

La maladie l’a emporté le 27 août dernier. Il repose désormais au cimetière Montparnasse, au cœur de ce Paris qu’il aimait.

Il était l’ami des écrivains – j’en suis le témoin, mais pas le seul –, capable de prendre un soin attentif et constant de votre personne lorsque, chez votre éditeur, vous attendiez, affaibli et extrait le matin même d’une chambre d’hôpital, les résultats d’un prix littéraire important. Il était alors pareil à un père. Il veillait encore tout le jour durant à ce que des interviewers trop pressants ne vous accablent pas de leurs mille questions. Il s’improvisait votre garde du corps. Il savait aussi vous lire, puis vous aider à rencontrer l’éditeur dont il pensait qu’il saurait vous apprécier. Si j’ai bénéficié de ses attentions comme de son attention, je me dois de le répéter, il était assez généreux pour offrir les mêmes à bien d’autres encore.

Sa vérité s’exprimait dans sa vie personnelle, où il répondait aux exigences d’une équité fidèle aux valeurs de clarté et d’honnêteté qui étaient les siennes et celles de son entourage. Il n’y dérogeait jamais. La même vérité s’exprimait, bien entendu, dans son travail d’historien, où sa loi, selon la tradition universitaire américaine, était celle des faits. Chez lui, les faits et gestes, et rien que cela, éclairaient l’homme, sa destinée, sa place et son poids dans l’histoire. Hormis les nuancements et commentaires indispensables à la compréhension des actes eux-mêmes, de leur logique et de leur déroulement, il n’entrait pas dans les conflits idéologiques, les soupçons, les accusations mal fondées, tout ce fatras de rumeurs, de rancœurs dont les commentateurs nourrissent si volontiers des bavardages dont ils pensent qu’ils les feront briller ou qu’ils nourriront tel ou tel parti, telle ou telle thèse chère à leurs pensées orientées. Le fatras, il tentait de le soumettre lui aussi à l’épreuve des faits. On lui a assez reproché ce parti pris de distance objective qui n’est pas une tradition notoirement française, nous le savons bien. Il suppléait à la distance par l’exactitude et une érudition sans faille.

Je souhaite évoquer aussi son sourire, qui disait la bonté pour chacun, et l’indulgence sans suffisance pour qui lui semblait dans l’erreur. Son accueil était souriant. Il n’avait ni méfiance ni animosité envers quiconque. Si l’erreur, l’approximation (j’en témoigne pour moi-même) entachaient votre propos, il vous reprenait d’un sourire bienveillant d’abord, puis d’une question comme : « Ne crois-tu pas qu’il faudrait aussi tenir compte de… » ; « Ne penses-tu pas qu’il conviendrait de préciser ceci… »

J’ai une pensée attristée pour Marianne Véron, grande traductrice de littérature anglo-américaine, son épouse, et pour ses deux fils aujourd’hui endeuillés. Il nous reste à relire ses ouvrages, ou à les découvrir.

 

Michel Host

 

Bibliographie

On trouvera aisément :

 

Camus (Le Seuil, 1978 ; Le Cherche-Midi, 2013)

La Rive Gauche (Le Seuil, 1981)

Pétain (Le Seuil, 1984)

L’Épuration 1943-1953 (Fayard, 1986)

Gustave Flaubert (Fayard, 1989)

Colette (Fayard, 1990)

La Chute de Paris : 14 juin 1940 (Belfond, 1992 ; La Fabrique, 2013)

La Dynastie Rothschild (Le Seuil, 1995)

Michelin, 100 ans d’aventure (Flammarion, 1998)

Man Ray à Montparnasse (Hachette Littératures, 2001)

Jules Verne (Flammarion, 2005)

L’Ecrivain engagé et ses ambivalences (Odile Jacob, 2003)

Modigliani prince de Montparnasse (Calmann-Lévy, 2005)

Oscar Wilde à Paris (Fayard, 2007)

De Gaulle/Pétain : règlements de comptes (Perrin, 2008)

 

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A propos du rédacteur

Michel Host

 

(photo Martine Simon)


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Rédacteur. Président d'honneur du magazine.


Michel Host, agrégé d’espagnol, professeur heureux dans une autre vie, poète, nouvelliste, romancier et traducteur à ses heures.

Enfance difficile, voire complexe, mais n’en a fait ni tout un plat littéraire, ni n’a encore assassiné personne.

Aime les dames, la vitesse, le rugby, les araignées, les chats. A fondé l’Ordre du Mistigri, présidé la revue La Sœur de l’Ange.

Derniers ouvrages parus :

La Ville aux hommes, Poèmes, Éd. Encres vives, 2015

Les Jardins d’Atalante, Poème, Éd. Rhubarbe, 2014

Figuration de l’Amante, Poème, Éd. de l’Atlantique, 2010

L’êtrécrivain (préface, Jean Claude Bologne), Méditations et vagabondages sur la condition de l’écrivain, Éd. Rhubarbe, 2020

L’Arbre et le Béton (avec Margo Ohayon), Dialogue, éd. Rhubarbe, 2016

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Mémoires du Serpent (roman), Éd. Hermann, 2010

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Carnets d’un fou. La Styx Croisières Cie, Chroniques mensuelles (années 2000-2020)

Publication numérique, Les Editions de Londres & La Cause Littéraire

 

Traductions :

Luis de Góngora, La Femme chez Góngora, petite anthologie bilingue, Éd. Alcyone, 2018

Aristophane, Lysistrata ou la grève du sexe (2e éd. 2010),

Aristophane, Ploutos (éd. Les Mille & Une nuits)

Trente poèmes d’amour de la tradition mozarabe andalouse (XIIe & XIIIe siècles), 1ère traduction en français, à L’Escampette (2010)

Jorge Manrique, Stances pour le mort de son père (bilingue) Éd. De l’Atlantique (2011)

Federico García Lorca, Romances gitanes (Romancero gitano), Éd. Alcyone, bilingue, 2e éd. 2016

Luis de Góngora, Les 167 Sonnets authentifiés, bilingue, Éd. B. Dumerchez, 2002

Luis de Góngora, La Fable de Polyphème et Galatée, Éditions de l’Escampette, 2005