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Hommage à Baudelaire XVI - Paris, par Hans Limon

Ecrit par Hans Limon 23.05.17 dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

Hommage à Baudelaire XVI - Paris, par Hans Limon

 

Paris


il me semble à présent que la belle Paris

gît sous un édredon, privée

de son mari

le métropolitain glissait vers les abîmes

les pensers souterrains ruminaient leurs victimes

les pas perdus tonnant sur les lugubres dalles

répandaient par à-coups leurs douleurs capitales

le peuple des passants chuchotait la fatigue

d’un matin fléchissant sous le poids des intrigues

il me semble aujourd’hui que ma noble Paname

gît la tête arrachée, près du Chemin des Dames

le ciel de Montparnasse éructait ses vautours

par la fente élargie de l’aurore alentour

des pigeons voltigeurs, sans domicile fixe,

redoublaient sur les toits leur brouhaha prolixe

les pots d’échappement ronflaient paisiblement

vers l’onde écartelée d’un sombre enterrement

il me semble à regret que ma triste Cité

pleure en secret sa tour Eiffel décapitée

la Seine éparpillée de crimes enferrés

clapotait, clabaudait, spectatrice affairée

des chansons galvaudées traînant sur les trottoirs

jonchés de sang, de mort, de pluie rédhibitoire

dans les tréfonds noircis rayonnait par moments

l’Ange des nuits, tombée des arrondissements

il me semble toujours que mon Île de France

gémit depuis les quais l’écho de ton absence

 

Hans Limon

 

Paysage, Charles Baudelaire

 

Je veux, pour composer chastement mes églogues,
Coucher auprès du ciel, comme les astrologues,
Et, voisin des clochers, écouter en rêvant
Leurs hymnes solennels emportés par le vent.
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
Je verrai l'atelier qui chante et qui bavarde ;
Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,
Et les grands ciels qui font rêver d'éternité.

Il est doux, à travers les brumes, de voir naître
L'étoile dans l'azur, la lampe à la fenêtre,
Les fleuves de charbon monter au firmament
Et la lune verser son pâle enchantement.
Je verrai les printemps, les étés, les automnes ;
Et quand viendra l'hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors je rêverai des horizons bleuâtres,
Des jardins, des jets d'eau pleurant dans les albâtres,
Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et tout ce que l'Idylle a de plus enfantin.
L'Émeute, tempêtant vainement à ma vitre,
Ne fera pas lever mon front de mon pupitre ;
Car je serai plongé dans cette volupté
D'évoquer le Printemps avec ma volonté,
De tirer un soleil de mon coeur, et de faire
De mes pensers brûlants une tiède atmosphère.

 

Baudelaire (Les Fleurs du Mal)

 


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A propos du rédacteur

Hans Limon

 

Professeur de philosophie et de théâtre. Ecrivain et poète.