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Deux recueils de Marcel Peltier aux éditions du Cygne (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart 02.06.22 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Editions du Cygne

Ecrivain(s): Marcel Peltier Edition: Editions du Cygne

Deux recueils de Marcel Peltier aux éditions du Cygne (par Patryck Froissart)

 

Murmures, Ed. du Cygne, janvier 2021, 10 €

Patience, le sistre !, Ed. du Cygne, Coll. Poésie francophone, janvier 2022, 10 €

 

Suite à la recension récente, dans le magazine de La Cause Littéraire, d’un recueil de poésie de Marcel Peltier intitulé Fulgurances, il nous est venu l’envie d’en connaître davantage de l’œuvre de ce poète « wallon-picard » à l’écriture à la fois expérimentale et prolifique. C’est sur deux recueils, publiés aux Editions du Cygne, qu’a porté la présente exploration :

Murmures est sorti en 2021 (1)

Patience, le sistre ! est tout récent (2)

Dans sa préface à Murmures, Olivier Salon, membre de l’Oulipo, écrit :

Poète de l’épure, Marcel Peltier tente lors de ces quelques récentes années de condenser ses poèmes entre quatre et sept mots à peu près, d’après les recherches de François Le Lyonnais (FFL, penseur de l’Oulipo, s’interroge depuis 1960 avec Raymond Queneau […] sur le plus petit nombre de mots capable de former un poème valable) que je résume de la sorte : comment procurer au lecteur une forte charge en usant de quelques mots seulement ? En d’autres termes, tâcher d’effleurer la profondeur, tel est le but du poète dans Murmures.

Les murmures, ici, toujours comprimés sur deux lignes brèves, sont récurremment ceux de la nature, qui inspirent le poète, ou, pourrait-on dire, ceux que le poète inspire, profondément, ces respirations discrètes, cette agitation perpétuelle à laquelle le commun des mortels ne prête guère attention, ces bruissements qui ne sont audibles que par lui, ces jeux de lumière qu’il perçoit d’instinct, cette vie qui anime jusqu’aux minéraux.

C’est le souffle subtil des fleurs, c’est l’activité laborieuse de tissage que mène, discrète et silencieuse, l’araignée Pénélope, c’est la totale communion, en posture de génuflexion, avec la flore, c’est la vision interprétative du plumage de l’oiseau.

Et puisque la perception passe, pour aboutir à l’expression, par le prisme des mots que lui souffle la muse, le murmure du passeur donne sens à la violence spasmodique que peut révéler le langage poétique.

Ainsi :

les cailloux

s’écartent au soleil

 

ou bien :

à genoux

près des violettes

 

ou encore :

gardienne du chalet

l’épeire tricote

 

et puis :

protocole

la pie en habit

 

mais aussi :

la poésie

recherche la petite mort

Patience, le sistre ! a pour sous-titre Une approche minimaliste, oulipienne. Les textes se développent ici quelque peu, systématiquement sur quatre lignes, mais la compression poétique y reste maximale. En avant-texte, l’auteur dévoile l’origine du titre du recueil dans un hommage à Guillevic en faisant référence à l’ouvrage du grand poète intitulé : Sistre. Sans lieu (Éditions du Palimpseste, 1988).

La contrainte, répondant à un défi lancé par l’oulipien François Le Lyonnais, consiste à se limiter impérativement à un maximum de sept mots. Peltier s’y plie et le résultat est fulgurant.

La tonalité générale, fort différente de celle du précédent recueil, est sombre, triste, voire ténébreuse. Dans le foisonnement d’un riche champ lexical apparaissent les corbeaux, les orties, les ronces, l’avalanche, la suie, le ventre « craquelé » évoquant celui de la charogne, les sorcières, le spectre de l’inconnu, la vision d’un cortège de cornes « dressées » menaçantes, la fagne, la harde, l’invasion, l’ombre, le feu, les décombres, les traces, les griffes, les soldats et la guerre, les vermines, les adjectifs « noir », « solitaire », « gluantes », « caché », « désarticulés », « culbuté », « sauvage », « interdits », les verbes « flambe », « beugle », « hurlent »…

Poésie mélancolique automnale d’un auteur désillusionné ?

Pour exemple, ce poème d’une funèbre actualité :

Les chélidoines

décorent

les décombres

Quelle guerre ?

Le dernier texte de l’opus englobe thématiquement ce qui précède :

Crépuscule

Les êtres se cachent

pour mourir

Les amateurs de poésie goûteront ces fulgurances. On ne peut que féliciter les Editions du Cygne pour ces publications.

 

Patryck Froissart

 

(1) Murmures, Editions du Cygne, 2021

(2) Patience, le sistre !, Editions du Cygne, 2022

 

Marcel Peltier est né et vit dans le Pays Vert, en Belgique, près de la forêt de Beloeil. On peut dire qu’il a mal tourné, puisqu’il aimait la poésie, la musique, la peinture, et qu’il est devenu professeur de mathématiques.

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A propos de l'écrivain

Marcel Peltier

 

Marcel Peltier est né et vit dans le Pays Vert, en Belgique, près de la forêt de Beloeil. On peut dire qu'il a mal tourné, puisqu'il aimait la poésie, la musique, la peinture, et qu'il est devenu professeur de mathématiques.

A propos du rédacteur

Patryck Froissart

 

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Patryck Froissart, originaire du Borinage, a enseigné les Lettres dans le Nord de la France, dans le Cantal, dans l’Aude, au Maroc, à La Réunion, à Mayotte, avant de devenir Inspecteur, puis proviseur à La Réunion et à Maurice, et d’effectuer des missions de direction et de formation au Cameroun, en Oman, en Mauritanie, au Rwanda, en Côte d’Ivoire.

Membre des jurys des concours nationaux de la SPAF

Membre de l’AREAW (Association Royale des Ecrivains et Artistes de Wallonie)

Membre de la SGDL

Il a publié plusieurs recueils de poésie et de nouvelles, dont certains ont été primés, un roman et une réédition commentée des fables de La Fontaine, tous désormais indisponibles suite à la faillite de sa maison d’édition. Seuls les ouvrages suivants, publiés par d’autres éditeurs, restent accessibles :

-Le dromadaire et la salangane, recueil de tankas (Ed. Franco-canadiennes du tanka francophone)

-Li Ann ou Le tropique des Chimères, roman (Editions Maurice Nadeau)

-L’Arnitoile, poésie (Sinope Editions)