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Deux ouvrages aux éditions Le Chat Rouge (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché le 23.09.22 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Deux ouvrages aux éditions Le Chat Rouge (par Philippe Chauché)

 

Du Monocle et autres accessoires masculins disparus, Massimiliano Mocchia Di Coggiola, Editions Le Chat Rouge, juillet 2022, 160 pages, 16,50 €

Du Snobisme, Robert de Montesquiou, Editions Le Chat Rouge, août 2022, 288 pages, 20,90 €

 

« Tout en organisant des pièces de théâtre farfelues, des manifestations contre les académies, en exposant des urinoirs ou des fers à repasser avec des clous, les dadaïstes n’abandonnèrent jamais leur élégance soignée et monoclée, comme quoi on peut très bien être révolutionnaire et garder la classe » (Le Monocle, Du Monocle et autres accessoires masculins disparus, Massimiliano Mocchia Di Coggiola).

On oublie souvent de saluer le talent, la pertinence et l’élégance de certains éditeurs, Le Chat Rouge qui publie ces deux livres, pour le moins réjouissants est de ceux-là. Deux petits livres d’aspect gracieux, au beau papier, et aux heureuses illustrations, deux petits livres stylés comme leurs auteurs, que presque un siècle sépare. Le plus jeune est un dandy, un élégant pourrions-nous ajouter, élégant dans sa manière de se vêtir, de se tenir et d’écrire, et ce petit ouvrage en est la preuve. Son aîné descendant de d’Artagnan, ami de Marcel Proust, il lui servit de modèle pour façonner le baron de Charlus – Et serais-je réduit à m’appeler Montesproust ? –, et Dorian Gray d’Oscar Wilde, lui doit beaucoup. S’il fut un dandy, amateur d’art et mécène, il fut aussi, et reste un écrivain, il aime le beau, et arbitre les élégances (1), ce que l’on pourrait également écrire à propos de Massimiliano Mocchia Di Coggiola.

« Il vaut mieux être détesté qu’inconnu ».

« Je suis le sténographe acéré de nuances » (La Commode aux Hortensias, Du Snobisme, Robert de Montesquiou).

Massimiliano Mocchia Di Coggiola nous ouvre ses penderies et ses coffres, ses trésors et son savoureux savoir, qui fourmillent d’histoires, et de romans en devenir. Tout commence toujours par le chapeau, un haut-de-forme, un incipit vestimentaire, baptisé aussi « huit reflets », disparu, oublié, sauf peut-être de l’autre côté de la Manche : La perfide Albion le garde sur la tête quand les chevaux de la reine courent à Ascot, puis vient le monocle, les bretelles, la canne – Robert de Montesquiou ne s’en séparait jamais –, et tout s’achève par le frac, un habit de soirée, né des amours contre-nature d’un chef d’orchestre et d’une pie, aujourd’hui disparu  ou ne s’affichant que lors de soirées très privées et très prisées des amateurs d’Oscar Wilde.

« Son dandysme infuse son style à l’écrit. Et peut-être inversement. En cela, il reste entier. Sa sincérité s’impose. Il est à prendre ou à laisser » (Gérard Duchemin, Le Grand-Paon à l’Œil Rose).

Robert de Montesquiou était un artiste, une comète qui a traversé son siècle, avec insouciance et élégance. Il avait des admirations choisies, et savait d’un regard, d’un mot, d’un silence, éloigner les fâcheux. Il écrit sur les peintres et les dessinateurs dont il admire les œuvres, il voit, regarde, écoute et saisit la force, la grâce de ces artistes : William Blake – un Fra Angelico de l’étrange et du terrible – Odilon Redon, Gustave Moreau – Disons donc de l’œuvre de Gustave Moreau (en tant que refuge), qu’elle est LE REFUGE DES DIEUX ! –, il écrit sa profonde admiration pour Sarah Bernhardt. C’est à chaque fois, précis, éblouissant, et inspiré qu’il s’agisse de peinture, de musique ou d’orfèvrerie. Robert de Montesquiou est un orfèvre de sa vie, ce qui pourrait être une autre définition du snobisme, et il savait que pour vivre heureux, il fallait vivre dans la lumière comme un bijou de Lalique.

 

Philippe Chauché

 

(1) Gérald Duchemin qui signe une admirable préface à Du Snobisme.

 

Massimiliano Mocchia Di Coggiola, écrivain, illustrateur, styliste pour certains clips du groupe électro-punk La Femme, a publié Dandysmes aux éditions AlterPublishing.

De Robert de Montesquiou on peut lire Les Pas effacés (mémoires), 3 vol. (Editions du Sandre), Correspondance, Marcel Proust et Robert de Montesquiou (Rivages), Effleurage, poème dans Les Fleurs, Anthologie de Gérald Duchemin (Le Chat Rouge).

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A propos du rédacteur

Philippe Chauché

 

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Rédacteur

Domaines de prédilection : littérature française, espagnole, du Liban et d'Israël

Genres : romans, romans noirs, cahiers dessinés, revues littéraires, essais

Maisons d’édition les plus fréquentes : Gallimard, Minuit, Seuil, Grasset, Louise Bottu, Quidam, L'Atelier contemporain, Tinbad, Rivages

 

Philippe Chauché est né en Gascogne, il vit et écrit à St-Saturnin-les-Avignon. Journaliste à Radio France durant 32 ans. Il a collaboré à « Pourquoi ils vont voir des corridas » (Editions Atlantica), et récemment " En avant la chronique " (Editions Louise Bottu) reprenant des chroniques parues dans La Cause Littéraire.

Il publie également quelques petites choses sur son blog : http://chauchecrit.blogspot.com