Dernier été à Primerol, Robert Merle
Dernier été à Primerol, 121 p 8,70 €
Ecrivain(s): Robert Merle Edition: Editions de Fallois
Il est ainsi des inédits dont la publication constitue un moment de bonheur. Il faut dire que ce petit livre concentre l’intelligence, l’élégance et la force de Robert Merle.
On est a la veille de la deuxième guerre mondiale. A l’extrême veille. En fait, dans son premier « chapitre » (il n’y a pas vraiment de chapitres mais des fragments) on est déjà dans la guerre. Cette période abrutissante et terrible des camps de transit où on a jeté Robert Merle et ses camarades. La douleur a porte un nom : la faim ! Ces quelque pages ne s’oublient pas, la faim est de toutes les tortures la pire pour l’homme, celle qui peut changer sa nature même, l’avilir.
« En moins d’un mois, j’avais appris à la considérer, ma faim, comme un état normal. Je l’avais accueillie comme une habitude. J’en souffrais toujours, je ne m’en étonnais plus, j’avais faim comme d’autres sont boiteux. »
Douleur partagée par tous et pourtant vécue par chacun dans la solitude et l’instinct individuel de survie. Les piétinés piétinent les piétinés. Noirs, Polonais, « Krouias », le mépris est facile et presque « naturel ». La plume et le cœur de Merle font le reste. Les solidarités humaines l’emportent et – encore – une certaine joie de vivre.
Vient alors le flash-back dans le flash-back. Un an plus tôt, le narrateur (RM) est à Primerol, jolie station balnéaire sur la Côte d’Azur.
Jeunesse, insouciance, soleil, premiers émois. Et pourtant, sourds et lourds, les nuages s’accumulent au-dessus des têtes, grondant déjà du désastre proche. Robert Merle est étincelant dans ce rapprochement terrible des corps vifs et joyeux et la menace de la mort qui guette les jeunes hommes. Une atmosphère de monde disparu à jamais plane sur ce livre.
« De l’escalier de l’Hôtel de la Mer, on voyait descendre vers nous le beau Giuseppe. Comme c’était l’usage, il franchissait les cinquante mètres qui le séparaient de la plateforme sous les sarcasmes de la petite bande : « le voilà ! L’homme de Primerol !... Le beau Mâle !... Les cheveux aile-de-corbeau !... L’éclair des dents blanches !... (…)
Il était pilote de chasse dans l’aviation italienne. Un an plus tard, je devais l’apprendre par la suite, son appareil tombait en feu dans les Alpes, à côté du petit village français qu’il venait de bombarder »
Récit d’une veille de guerre, Un été à Primerol devient ainsi aussi un hymne à la vie, à la paix, à l’amour, à la jeunesse. Car même ceux qui ne mourront pas pendant la grande tuerie perdront néanmoins à jamais l’innocence et la joie de vivre de ces dernières vacances d’été. Ils perdront à jamais leur jeunesse.
« Leur jeunesse gisait pourtant, agonisante, au bord de la guerre. Ils devraient la laisser derrière eux, sauter d’un bond dans l’abîme. Ils ne seraient plus jamais jeunes. »
Une belle idée, la publication de cet inédit.
Leon-Marc Levy
VL2
NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.
Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.
Notre cotation :
VL1 : faible Valeur Littéraire
VL2 : modeste VL
VL3 : assez haute VL
VL4 : haute VL
VL5 : très haute VL
VL6 : Classiques éternels (anciens ou actuels)
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