Configuration du dernier rivage, Michel Houellebecq (2ème recension)
Configuration du dernier rivage, 99 pages, avril 2013, 15 €
Ecrivain(s): Michel Houellebecq Edition: Flammarion
Célébré dans le monde entier, Michel Houellebecq passe pour le plus grand auteur français vivant (le plus grand auteur mort étant Bernard-Henri Lévy qui, heureusement, n’écrit pas de poésie).
Configuration du dernier rivage se compose de cinq parties, la plus belle étant certainement la quatrième : « les parages du vide » dans laquelle l’auteur raconte ses amours défuntes et qui contient quelques poèmes magnifiques.
Car – étonnant non ? – Houellebecq fait du Houellebecq. Comme dans La carte et le territoire où les pages superbes voisinaient avec les notices d’appareils électroniques ou les emprunts wikipediesques, il a dissimulé dans ses poèmes quelques belles fleurs au milieu des chardons.
Il est ainsi capable de pondre des alexandrins aboutis, parfois magnifiques mais dans le poème suivant d’infliger un treizain à ses lecteurs perplexes.
Configuration du dernier rivage est donc une espèce de fourre-tout dans lequel voisinent quelques très beaux poèmes, quelques vers insignifiants et de la prose où l’auteur affiche sa joie de vivre habituelle (p.20) :
« Ce soir j’ai décidé de passer à trois comprimés d’Halcion (1). L’évolution est sans doute inéluctable.
Dans un sens, il est plutôt agaçant de constater que je conserve la faculté d’espérer ».
On peut légitimement se demander si ces deux phrases ne relèvent pas davantage de l’aphorisme que de la poésie.
Dans Configuration du dernier rivage, Houellebecq est égal à lui-même, c’est-à-dire capable de fulgurances autant que de platitudes. Parmi ces dernières, citons-en deux (mais il y en a d’autres) :
« L’élément bizarre
Dispersé dans l’eau
Réveille la mémoire,
Remonte au cerveau
Comme un vin bulgare ».
Ou :
« Je tenais des propos concernant les teckels,
A l’époque
Je voulais établir quelque chose d’univoque
(Un nouveau paradigme, un projet essentiel) ».
qu’il aurait pu se dispenser de publier ! A moins de n’écrire un opuscule rigolo baptisé « le paradigme du teckel ».
Mais, (pour se faire pardonner ?) Houellebecq gratifie le lecteur de quelques poèmes très inspirés où il montre qu’il est capable de composer des octosyllabes parfaits (p.48) :
« Fardée comme un poisson naïf
Dans l’aquarium de nos souffrances
Vous marchiez et j’étais captif
De vos lointaines apparences ».
Ou p.60 :
« Lorsqu’il faudra quitter le monde
Fais que ce soit en ta présence
Fais qu’en mes ultimes secondes
Je te regarde avec confiance
Tendre animal aux seins troublants
Que je tiens au creux de mes paumes ;
Je ferme les yeux : ton corps blanc
Est la limite du royaume ».
Le dernier poème de la quatrième partie « les parages du vide » écrit pour une certaine Lise est tout aussi admirable (p.76) ; en définitive Michel Houellebecq n’est jamais aussi bon poète que lorsqu’il parle d’amour : n’en déplaise à ses détracteurs ou à ses zélateurs, c’est un sentimental déçu.
A moins que, en définitive, il ne croie que la cause de la littérature est désespérée :
« Où retrouver le jeu naïf ?
Où et comment ? Que faut-il vivre ?
Et à quoi bon écrire des livres
Dans le désert inattentif ?
Mais le désert n’est pas si inattentif, mon cher Houellebecq ! On peut quand même se demander si de tels vers auraient été publiés s’ils avaient été signés de quelqu’un de moins célèbre que lui. La réponse est évidente et Houellebecq le sait mieux que personne. La poésie se meurt du désintérêt du public pour des textes souvent prétentieux et nombrilistes sans rimes ni raison : le prix Goncourt 2010 le dit lui-même : rien ne vaut les poètes du 19ème (Baudelaire, Verlaine…) qu’il ne se lasse pas de relire. On le comprend !
Fabrice del Dingo
(1) L’halcion est un médicament destiné à lutter contre les troubles sévères du sommeil dans les cas d’insomnie occasionnelle ou transitoire.
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