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A l’avant-garde des ruines, Christophe Bregaint

Ecrit par France Burghelle Rey 22.05.17 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

A l’avant-garde des ruines, éd. du Pont de l’Europe, avril 2017, 66 pages, 10 €

Ecrivain(s): Christophe Bregaint

A l’avant-garde des ruines, Christophe Bregaint

 

En forme d’exergue à son dernier recueil, Christophe Bregaint, comme pour annoncer sa démarche, reprend son titre en majuscules agressives écrites au feutre noir. « Aride » est, en effet, l’adjectif qu’il choisit pour incipit et qui aura pour écho le dernier mot du livre : « décousu ». Reste à apprendre en lisant celui-ci de quelles « ruines » il s’agit dans le mouvement d’un corps et d’une pensée en marche dès les premiers textes : « Ces évidences / Fuient / L’esprit / Pour / d’autres / Routes où / Se tiennent / Les entrailles / de l’obscurité / / Au garde- à-vous ». Alors suit, dans ce cheminement, hasardeux, la mise en place d’un champ lexical mortifère qui n’empêche pas la recherche d’une identité, voire d’une renaissance.

Le rythme des vers brefs mime parfaitement le cahotement de la route où l’on finit « Par émacier l’horizon ». Cette expression qui, comme d’autres, concrétise l’idée tout en provoquant la surprise est révélatrice de la sensibilité de l’auteur qui reprend à son compte à la fois la dure réalité de l’existence et le poids de la destinée humaine. Ainsi peut-on lire plus loin : « Tout le poids / Des ombres / / Au-dessus / De la fosse / Aux croyances ».

Aucune partie ne divise le texte car il ne s’agit pas d’interrompre sa lecture comme le marcheur son voyage « A la rencontre / De l’avant-garde / Des ruines ». Celui-ci avance en « fantôme » et sans racines dans un espace déséquilibré et s’il y a un espoir, il ne peut qu’être fou.

Le pessimisme s’exprime dans un crescendo que ne consolent ni « Un vol d’oiseaux » ni « Le parfum singulier / D’un demain » car il y a encore « Cette lumière noire », reflet des paradoxes de la vie, dans le doute et l’attente anxieuse. Chaque pas correspond en effet à une fuite obscure et lutte, en un nécessaire mouvement, avec la haine et la double question troublante du lieu et du non-lieu.

Des mot isolés claquent dans l’urgence d’un désir d’espoir : « Ivresse », « Eternité », et interrompent des prises à bras-le-corps avec la machine qui broie ou « Avec la grande / Morbide ». Mais suffiront-ils à réduire, voire à effacer l’expression de la précarité des choses et de la violence du monde quand « L’inconnu » menace encore ? Une rhétorique du questionnement s’était déjà mise en place dans le recueil Route de nuit où le poète formulait cette belle et émouvante interrogation : « Retrouverons-nous le chant d’un possible ? ».

A la fin du livre, l’écriture se trouve inhibée par le constat d’une terre hostile et jumelle de l’enfer : « Tes paroles / S’enrayent /jusqu’à assourdir / Les archives / Du verbe » quand l’affirmation oxymorique du fait que le chaos est « fertile » semble fermer une porte à la peur.

Mais les dernières pages contredisent cette impression et réaffirment douloureusement cette poétique de l’absurde finitude propre au texte : « Vos vies / seront Toujours / Colonisées par / La mort ».

Il reste à souhaiter pour le lecteur de Christophe Bregaint que son prochain opus mène sur un chemin aussi bien décrit mais peut-être moins abrupt.

 

France Burghelle Rey

 


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A propos de l'écrivain

Christophe Bregaint

 

Christophe Bregaint est né en 1970 à Paris, ville qu’il habite toujours. Il a été publié dans plusieurs revues et webzines dont Recours au Poème, Terre à Ciel, Cahiers de la Rue Ventura, Décharge, Les Cahiers du Sens, Le Cafard Hérétique. Il a publié en 2015 A l’avant-garde des ruines (recours au poème éditeurs) et Route de Nuit (Editions La Dragonne).

 

A propos du rédacteur

France Burghelle Rey

 

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Rédactrice

Domaines de prédilection : poésie, littérature

Genres : recueils, essais, récit

Maisons d’édition les plus fréquentes : Gallimard, éditeurs divers

France Burghelle Rey est Paris, a enseigné les Lettres classiques et vit actuellement à Paris où elle écrit et pratique la critique littéraire. Elle est membre de l'Association des Amis de Jean Cocteau et du P.E.N. Club français.

Plus de cent textes parus dans de nombreuses revues et anthologies ainsi que plus de soixante-dix notes critiques(Nouvelle Quinzaine littéraire, Poezibao, Europe, La Cause littéraire, Place de la Sorbonne, CCP, Recours au poème, Texture, Temporel etc.).

Elle a écrit une quinzaine de recueils dont Lyre en double paru aux éditions Interventions àHaute voixen 2010 puis chez La PorteRévolution en 2013 suivi de Comme un chapitre d'Histoire en 2014 et de Révolution IIen 2016. Le Chant de l'enfance(Prix Blaise Cendrarsadultes) a été publié aux éditions du Cygneen juillet 2015, Petite anthologie, ( Confiance, Patiences et Les Tesselles du jour )chezUnicitéen 2017 et Après la foudrechez Bleu d'encreen 2018.

 

Les derniers textes augmentés de L'Enfant et le drapeau (à paraître chez Vagamundo), naissance rédemptrice d'un " ange " dans un monde en désolation, veulent exprimer l'expression d'une nécessaire présence au monde en souffrance. Elle achève en 2017 un recueil encore inédit en trois parties sur le thème du lieu puis en 2018 commence un récit poétique.

 

Elle a collaboré avec des peintres (Georges Badin) et la graveur Hélène Baumel pour un certain nombre de livres d'artistes.

L'un des ses romans, le premier,  L'Aventure, est publié chez Unicitéau printemps 2018

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