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52.dimanche (VI)

Ecrit par Didier Ayres 23.02.13 dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

52.dimanche (VI)

 

ce dimanche 5 février, temps de neige

la page, ou comment appréhender la surface

car c’est une coupure dans l’état de la réalité, cette page physique qui détoure un espace et une clôture pour le langage

aussi, le rapport physique qu’entretient la main sur le papier, le bruit parfois de l’écriture, sont de petites aventures qui forment l’aspect le plus spectaculaire de la page

cependant, son vrai mystère n’est pas élucidé, sans doute pas mieux avec les quelques mots d’aujourd’hui

il reste que je tente une fois encore de saisir, d’appréhender quelques idées grâce à l’espace vacant que me donne ce feuillet

il y a une autonomie de la page, qui survit après l’écriture, de cela je suis certain

je ne le dis pas en regard d’une gloire imaginée, mais proprement, parce que la page blanche reste un endroit d’angoisse bien connue, un espace où l’on construit une image de soi, où l’on compose un portrait, le tout dans une confrontation au vide et, en quelque sorte, à la solitude

ce n’est donc pas neutre

je reprendrai pour moi, en l’appliquant à écrire, quelques propos d’un vieil ami peintre – un peintre du blanc – qui me disait : « il faut faire la peau de la peinture avant qu’elle ne te fasse la peau »

je mets cette espèce de phrase du côté de la vérité cachée, comme ce « l’art est un crime » graffité sur un mur à Poitiers

pour finir, ma lettre d’aujourd’hui aura un aspect bien sentencieux qui n’élimine pas le vrai risque d’écrire

pour ma part je n’ai aucun compte à régler avec la métaphysique et je considère la page comme une source graphique qui devient un outil de communication, qui passe alors par une variété d’opérations, lesquelles dilatent la signification, la font déborder d’elle-même, comme cet apprenti sorcier de Disney et sa magie noire

c’est sans doute en cela qu’écrire est ambigu, porté par deux natures, la pérennité de la page et le travail éphémère et presque illuminé de l’activité de « manuscrire », double naissance et double fin

aspect confusionnel apparent des termes de ce message, mais que résument la page blanche devant la fenêtre blanche et les neiges de la ruelle

 

Didier Ayres

 

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A propos du rédacteur

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.