52.dimanche (V)
ce dimanche 29 janvier 2012
à propos du corps fictif
c’est le matin, sans doute avant l’aube, que cette double épithète « corps fictif » m’est venue à l’esprit
et à bien considérer, cette formule va
car le corps est plus qu’un ensemble de parties vivantes et interdépendantes, alibi pour la survie de la personne
car il y a kinesthésie – pour le moins du plaisir ou de la frustration de telle ou telle chose – qui construit un discours
on augmente ainsi le corps, on le dilate par de la signification (la médecine d’ailleurs participe grandement du discours du corps, de sa fiction, de toute évidence et depuis longtemps – avec parfois des traits de génie comme le Molière du Médecin malgré lui)
si vous me permettez d’avancer dans ma dissertation, disons aussi que le travail – heures comptées, surveillance physique, tout l’attirail du panopticon mis en évidence par Foucault – participe aussi du discours du corps
Surveiller et punir commence, comme nous le savons, par une énumération de supplices
c’est donc un corps de douleur qui fait alors discours, corps mis à la torture et portant crédit à l’oppresseur
il en est peut-être de même des plaisirs de la bouche, de la langueur de la musique, de l’angoisse, que sais-je ?
tout l’attirail du génie humain en passe par la fiction, c’est-à-dire par un doublement de l’action propre par une affaire de langage
me permettrez-vous de pousser encore mon propos jusqu’à la bizarre inertie de notre poids véritable – la richesse de la personne ronde devenue l’obésité de la personne faible, la maigreur de la souffreteuse poussée jusqu’à l’anorexie préméditée du mannequin de haute couture
mais terminons dans le plus grand des états, en citant Nerval qui ouvre ses Chimères par le vers suivant : « je suis le ténébreux, – le veuf –, l’inconsolé », qui nous porte depuis la ténèbre et la douleur de la perte où le corps est une forme de consolation impossible, jusqu’à l’activité poétique de ces vers qui sont d’une force incomparable, donc vers le langage
j’ai dû dire beaucoup de banalités ce soir, et vous me pardonnerez, mais j’ai simplement tenté de ramasser cette petite lettre autour de deux mots : corps et fiction
discours du discours
figure de la figure
Didier Ayres
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