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Proche lointain, Martine Rouhart

Ecrit par Gilles Brancati le 18.04.17 dans La Une CED, Les Chroniques

Proche lointain, Martine Rouhart, éditions Dricot, janvier 2017, 152 pages, 14 €

Proche lointain, Martine Rouhart

 

Bien qu’il y ait des reproches à faire à ce livre, je dois avouer qu’on se fait prendre malgré les défauts. Je m’explique.

De quoi s’agit-il ? D’une histoire d’amitié, entre deux hommes, qui s’effrite jusqu’à disparaître ou presque. Mais l’auteure a la finesse de nous le dire tout de suite sans rien révéler. Pour savoir le pourquoi des choses, il faut aller au bout. Alors on y va, et on découvre, outre les évènements – parfois un peu attendus comme la liaison de l’ami avec l’épouse du narrateur avant leur rencontre –, des personnages auxquels on finit par s’attacher. Ils se découvrent au fur et à mesure, ne se livrent pas d’emblée, c’est plaisant pour la lecture.

Dès les premières pages, je n’ai pas été captivé, je trouvais que ça débutait mal et j’ai failli abandonner. Je me serais privé d’un bon sujet. Par correction, j’ai continué ma lecture et je suis entré dans les relations simples entre les personnages. On peut regretter d’ailleurs qu’elles ne soient pas parfois un peu plus fouillées, on aurait aimé en savoir un peu plus sur leur intimité. J’ai dit parfois, ce n’est donc pas un reproche majeur, seulement une constatation.

La structure est agréable. On passe des interpellations par le « tu » adressées au personnage de Jean-Louis par le narrateur – que je nomme JE puisque l’auteure a fait le choix de ne pas lui donner de nom – à des tranches de sa vie familiale. JE nous invite à partager les épisodes majeurs de son quotidien, malheureusement avec des redites évitables.

Dans sa relation amicale qui s’étiole, JE accumule les reproches et ne semble pas penser que son attitude dans cette relation a pu conduire Jean-Louis (l’ami) à des réserves que JE prend pour des manques de confiance. JE a le reproche facile, il est proche de la pensée bon teint qui assène en son nom une morale toute prête, il ne se pose pas les questions essentielles qui pourraient le conduire à mieux comprendre les difficultés existentielles de Jean-Louis.

À propos de ce livre, on peut parler d’une bonne intention imparfaitement concrétisée. C’est une bonne histoire et il aurait fallu prendre un peu plus de temps pour l’écrire et l’améliorer. Par une réelle direction d’ouvrage avec l’éditeur, par exemple, j’y reviens dans un instant.

L’usage du passé simple qui entraîne des subjonctifs passés de mode nuit au rythme. C’est le temps de la narration des évènements passés, il n’est pas sûr que ce choix ait été le meilleur ici. Mais comme c’est celui de l’auteure, on le respecte, on le regrette et on n’en dit pas plus.

Il aurait fallu retravailler ce texte pour éviter une écriture parfois « collégienne ». Page 23, « j’aime toujours bien Gisèle et, lorsqu’il nous arrive de nous rencontrer, nous prenons le temps d’échanger des nouvelles », ou page 36, « un champ labouré de mines », ce qui ne veut rien dire. On n’écrit pas comme on parle, avec des « en fait », des « juste ceci ou juste cela ». Ou encore « se lève avec un brave sourire » et « vingt-cinq ans à tout casser ». Les expressions du langage parlé ne doivent se retrouver que dans les dialogues et là encore on aurait aimé qu’ils soient mieux travaillés. En un mot, on est loin d’une bonne littérature à cause d’un style qui manque de personnalité. C’est peu une occasion ratée. Le sujet traité méritait mieux. Dommage.

On relève quelques fautes d’orthographe et d’accords de temps résiduels, mais il ne s’agit pas de responsabiliser l’auteure qui n’a de toute évidence pas été accompagnée par son « éditeur ». Je mets des guillemets tant le nom convient mal aux éditions Dricot, un imprimeur qui se dit éditeur pour imprimer un peu plus de papier sans exigence de qualité dont il ignore qu’elle est la marque de respect due au lecteur. Un autoédité n’aurait pas fait pire : une couverture ratée, une quatrième qu’on n’a pas envie de lire, des marges mal gérées et des espaces sécables après les tirets des dialogues. Éditer un auteur c’est bien plus que fabriquer un objet physique. Enfin, cher imprimeur, il ne s’agit pas d’un roman comme vous l’écrivez sur la couverture, mais d’un récit. Être imprimeur est un métier, être éditeur en est un autre. Voilà, c’est dit.

 

Gilles Brancati

 

Martine Rouhart est juriste.

 

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A propos du rédacteur

Gilles Brancati

 

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Rédacteur

 

Un peu égaré dans le conseil en développement d’entreprises par nécessité, aujourd’hui retraité (et donc disponible) depuis deux ans, je reviens vers ce que je n’ai jamais totalement quitté, la littérature.  Avec, en plus de lire, la joie d’écrire moi-même.

Un premier recueil de 4 longues nouvelles sortira en librairie au premier trimestre 2013: « Le passé immédiat » aux Editions Kirographaires. Il s’agit dans ce livre de récits dans lesquels une fiction du  présent se mêle aux réels évènements du passé.

Auteur de Vent Violent et de Frères Humains chez Chum Editions. A paraître : Le mas des Augustins