Numéro 3 de la Revue Desports, Le premier magazine de sport à lire avec un marque-page
Numéro 3 de la Revue Desports, Le premier magazine de sport à lire avec un marque-page, janvier 2014, 19,90 €
Dans Le scandale McEnroe (Gallimard), Thomas A. Ravier écrit : « Le cavalier cavale de façon peu cavalière pour la chronologie. Il ne trébuche pas sur l’objectivité du match, son bras le tire par le haut (du temps) ; il ne brûle pas les étapes, il prend de vitesse l’incendie. Les floraisons grasses ne lui semblent pas si poétiques qu’on le dit (on dit tant de choses), il voyage sur le court, traverse le miroir en riant de son reflet, indifférent à tout ce qui n’est pas l’émotion de son mouvement naturel ». Ceux qui ont suivi (de loin) les insertions colériques et romanesques du tennisman punk sur les courts, peuvent lire ce petit livre passé presque inaperçu. Les livres comme certains sportifs ne durent souvent qu’un printemps. Heureusement, un printemps peut parfois en cacher un autre, et une revue le faire fleurir.
Adrien Bosc est un jeune homme pressé, il saute de Blondin à Grozdanovitch, glisse entre Beckett et Sepúlveda, rebondit de Cravan à Jesse Owens, passe de Noah à William Klein avec l’agilité de Magic Johnson, lit beaucoup, et publie Desports, un magazine de sport à lire avec un marque-page.
Rencontre :
Philippe Chauché : Le troisième volume de Desports vient de paraître, sous le parrainage si je puis dire de Vladimir Nabokov, qui évoque ses esquisses de gardien de but à Cambridge, dans le premier numéro c’est un autre écrivain qui vous accompagnait, Antoine Blondin. Comment est née cette aventure ?
Adrien Bosc : Après la publication dans la revue Feuilleton (l’autre revue que nous éditons) d’un reportage de Philip Gourevitch sur l’équipe cycliste du Rwanda et d’un portrait de Tyson par Daphné Merkin, nous avons eu l’intuition qu’il manquait une revue de ce type pour accueillir des reportages, articles, portraits, entretiens, différents autour du sport. Le sujet nous semblait à même de ne pas se cantonner au simple fait sportif mais finalement de tendre vers une revue généraliste en abordant tous sujets par le biais du sport. Une belle façon de raconter le monde. C’est ainsi qu’avec Victor Robert nous avons lancé en janvier 2012 le projet, un an plus tard, le numéro 1 était en librairie.
Ph. C. : Le sport et la littérature intimement associés dans votre politique rédactionnelle ?
A. B. : Oui c’est au cœur du projet, le slogan en témoigne « le premier magazine de sport à lire avec un marque-page ». Nous aimons proposer d’autres manières d’écrire sur le sport en travaillant avec des écrivains comme Maylis de Kerangal, Bernard Chambaz, Paul Fournel, Geneviève Brisac, etc. Ils apportent un autre regard, décalé, ils mettent les pieds dans le plat et renouvellent le genre. C’est aussi une vieille tradition dans laquelle nous nous inscrivons et défendue par l’association des écrivains sportifs présidée par Benoit Heimermann. La tradition de Blondin, Mailer, Garcia, etc. Mais nous souhaitons aussi mêler à ces enquêtes de journalistes Samuel Forey au Yémen, Jérôme Cazadieu sur Magic Johnson, Elisa Mignot à Sarajevo ou François-Xavier Destors au Rwanda. Nous souhaitons mêler deux types d’articles, des enquêtes fouillées et des textes d’écrivain.
Ph. C. : Vous attachez aussi une grande importance à des « héros » du sport, Luz Long et Jesse Owens dans le premier numéro, le basketteur Magic Johnson, le footballeur Gunnar Anderson, ou encore le batteur Ted Williams, seulement des sportifs, ou finalement des artistes qui ont à leur manière écrit leur vie ?
A. B. : Vous avez raison, c’est cette idée. Pour nous, il y a un geste artistique dans le sport, et surtout une œuvre pour certains qui se construit sur une carrière. Et puis, nous avons un attrait particulier pour les oubliés, les doux fêlés, Gunnar Andersson, Ted Williams, Ali, etc.
Ph. C. : Vous invitez également des artistes, des cinéastes, des écrivains, dans le désordre : Luis Sepúlveda, Denis Podalydès et sa passion des taureaux, Paul Auster, Woody Allen ou encore Denis Grozdanovitch, et Bernard Chambaz, sans jamais dans l’illustration sportive mais dans le récit, c’est un souhait qui est né au début ?
A. B. : Oui le récit, l’histoire est primordiale. Nous souhaitons que la revue soit accessible à tous les lecteurs, et pas réservée à des aficionados du sport. Quand Allen parle de sport c’est pour raconter son trajet, il dit avoir la main sportive comme certains ont la main verte ; quand Sepúlveda parle de sport et de football c’est finalement pour raconter sa découverte de la poésie. Denis Podalydès mêle une réflexion autour de la peur, du trac, il parle de « faire peur à la peur ». Enfin, Denis Grozdanovitch et Bernard Chambaz sont des écrivains qui depuis longtemps proposent ce jeu de parallèle entre leur œuvre et le sport, que ce soit le tennis pour Denis Grozdanovitch ou le vélo pour Bernard Chambaz. Je vous encourage d’ailleurs à découvrir si ce n’est pas déjà le cas son magnifique Plonger sur le gardien de football Robert Henke.
Ph. C. : Vous offrez de l’espace aux journalistes et écrivains qui collaborent à la revue, l’espace pour écrire est devenu rare en ces temps ?
A. B. : Oui maintenant la place pour le reportage se réduit comme peau de chagrin. L’Equipe propose désormais un long format au centre du journal ou de nouvelles formes comme l’Equipe Explore, mais de manière générale, la tendance est plus au court. Ainsi, ce type de revue est une alternative pour les journalistes qui peuvent approfondir des sujets qu’ils n’ont pu qu’esquisser dans les journaux.
Ph. C. : Vous proposez des sujets ou on vous en propose ?
A. B. : Les deux mon capitaine !
Ph. C. : Le sport lieu littéraire par excellence ?
A. B. : Oui je le crois. C’est un grand théâtre, il y a le pire comme le meilleur. J’aime beaucoup cette phrase de Pasolini « Le sport est un phénomène de civilisation tellement important qu’il ne devrait être ni ignoré ni négligé par la classe dirigeante et les intellectuels ».
Ph. C. : La littérature théâtre sportif ?
A. B. : Je ne crois pas, par contre, en interrogeant les sportifs nous avons voulu les entendre sur des sujets sur lesquels ils ne s’expriment guère. Et nous entendons ainsi une nouvelle voix. Et pour finir cette citation de Ben Hecht : « Essayer de déterminer ce qui se passe dans le monde par la lecture des journaux revient à essayer de donner l’heure en ne regardant que la grande aiguille d’une pendule ».
Desports ouvre mille champs, mille aventures, mille histoires littéraires et sportives, où il convient de prendre son temps pour s’y installer. Il faut y flâner, comme sur les routes du Tour de France, quand la vitesse ne devenait pas la seule manière de s’imposer, ralentir le temps, pour accélérer la pensée et inversement. Se mettre par exemple dans la roue de Bernard Chambaz qui roule en tandem avec Cendrars : « La N 135 est une route longtemps plane ou presque, propice à un bon rythme et une légère euphorie. Les choses changent à Zuribi. Il faut gravir deux cols avant d’arriver à Roncevaux, d’assez jolis cols aux passages pentus, tracés au milieu d’une forêt assez dense de feuillis vert clair, où on croise sur le chemin de St. Jacques la grande armée disparate des pèlerins, leur coquille attachée à leur sac à dos. Roncesvalles justifie un arrêt, pour l’adorable combe bordée par une rangée d’arbres aux moignons sinistres, pour une statue de Roland en résine noire, pour une plaque indiquant que nous sommes à je ne sais plus combien de mètres au-dessus du niveau de la mer à Alicante mais un peu moins haut – de quatre-vingt-sept centimètres – de son niveau de Santander ». Précision de l’écrivain, précision de sa Diagonale du fou, pour plus loin se plonger dans la précision du batteur Ted Williams, d’une précision l’autre, c’est aussi cela Desports.
Philippe Chauché
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