Petit traité d’équitation éthologique (par Matthieu Gosztola)

l’instant est cheval / cheval que nous pourrions
en-lâchant-prise
construire (pas autrement) / en étant
de toute notre pluralité / à son écoute
ainsi que nous l’enseigne / l’équitation
éthologique / construire comme
maisons
*
* *
nous construirons des maisons / nous
construirons des maisons / comme
des corps / les maisons seront
nos corps
*
* *
il y aura le dehors
il y aura le dedans / le dedans
du corps / sera l’exact prolongement
de l’intérieur des maisons / on
se sentira à l’abri
loin de la cohue / loin
du tumulte / loin de l’incessant ballet du visible
sur lequel on n’a que très peu de prise / ou pas
de prise du tout
*
* *
on sera dans un univers
que l’on pourra maîtriser / on saura
à quoi s’attendre / on sera dans le contrôle / on sera
loin du danger
que représente le dehors / du danger
que représente l’imprévisible
avec lequel le dehors se confond
ontologiquement / on sera
dans le prévisible / on aura choisi
chaque aspect de l’intérieur
*
* *
on sera dans l’intérieur
de nos maisons
comme on sera dans l’intérieur
de nos corps / à ceci près
que l’on ne choisit pas
l’intérieur de nos corps / on vivra
l’intérieur de nos corps / un
intérieur que l’on aura choisi
et qui se tiendra à l’abri
du déplacement aigu
douloureux
en dehors de nous-mêmes […] / à l’abri
du délabrement vécu
fantasmé
visible ou invisible
auquel nous contraint la maladie
*
* *
mais on se fatiguera vite
d’avoir tout prévu
d’être à ce point
dans le cocon des choses / on voudra
que le cocon
s’agrandisse à un imprévisible
qui ne soit pas douloureux / qui ne soit pas
cahots brusques
de l’existence / d’une existence
qu’on n’aurait pas choisie
*
* *
alors
dedans l’intérieur
de
nos
mais
on
s / on construira des chambres
*
* *
des chambres avec des portes / on fera
les chambres
pour faire apparaître l’audace
la pudeur / on fera
les chambres
car la chambre appelle
celui qui est appelé
celle / on fera
une porte
pour que la chambre
ne soit pas toujours / ce qui est
là
*
* *
il ne faudra pas ouvrir la porte
pour être dans la chambre / il faudra
secourir l’audace
la pudeur
*
* *
on sera plusieurs
dans l’intérieur des murs / de la maison
qui est l’intérieur / de nos
corps / on sera plusieurs / et alors
commencera
l’aventure (cette pudeur)
*
* *
on pourra vivre
l’intérieur / sans un regard vers
l’extérieur / on pourra être
dans l’intimité
du dé
voilement / dans l’intimité
de ce qui se rejoint / & se découvre
lié
relié / on sera alors
en proie à la chute
au-dedans de soi / d’un être qui tombe
en soi-même / et se rattrape
au-dedans de lui-même / dans les bras de l’autre
*
* *
de l’autre qu’il a
en soi / & qu’il peut
en même temps / voir dans la chambre
à un souffle de lui / de l’autre qui reste là
et que la chambre
n’emprisonne pas / n’empoisonne pas
avec son réel limité / […] n’empoisonne pas
son i.n.f.i.n.i / l’i.n.f.i.n.i avec lequel
il se confond
au point que l’i.n.f.i.n.i
puisse le résumer
sans mensonge
sans une faute qui soit
ce qui masque
*
* *
de l’autre que la chambre
rend libre / d’une liberté inouïe
qui ne peut que / se dé
couvrir / entre des murs
entre des bras / dans une immobilité presque
qui est celle / toute parcourue des frémissements
de feuille tremblant-tremblant (voyez, l’arbre) de l’étreinte
*
* *
liberté de ce qui semble
emprisonné dans un
cœur dans un
regard / liberté inouïe
de ce qui ne peut
être libre / qu’ainsi contraint
emprisonné
ravi à soi-même / pour mieux être rendu
à l’immensité
contenue en soi / au grand souffle
d’air de l’i.n.f.i.n.i
qui envoie tout valser
sur son passage / & qui ne laisse vifs
que les petits pas
de l’audace
(la pudeur)
*
* *
la chambre devient
le lieu fermé
qui permet
aux corps / de s’envoler
d’être / dans une absolue
liberté / au sein de laquelle
le temps n’a plus
aucune prise / au sein de laquelle
le temps est l’inopportun / se découvre
se sait tel / en prend acte
et s’en
vole
*
* *
liberté de ce qui
n’en finit pas de tour
noyer / & se découvre rétif
aux lois de la pesanteur / se découvre rétif
aux lois de la douleur / aux lois de ce qui n’est pas
pur et intense / acquiescement
*
* *
liberté de ce qui se suffit
à soi-même / faisant corps
avec l’instant
comme s’il n’existait
rien d’autre que lui / et il n’existe
rien d’autre
que lui
*
* *
on construira des maisons
pour que l’audace
la pudeur
puissent être
protégées du dehors
pour qu’elles puissent être / loin de ce qui
casse / pour qu’il y ait des chambres
où l’on puisse / les re
trouver
*
* *
on construira des maisons
pour dire notre amour / au frêle de l’être
au frêle éphémère / qui rend
par comparaison / toute architecture d’acier
plus fragile encore / eu égard à la force extrême
de ce frêle / qui contraint
toutes les certitudes / à mourir
Matthieu Gosztola
- Vu : 2123