Fictions (anthologie) 5, par Matthieu Gosztola

Le ciel est ouvert
Il déverse son lait chaud
Comme le ferait un récipient pansu, à anse et à bec
*
Tu es peut-être le poisson coloré
Qui frétille dans mon âme
Désapprendre tout
*
Le dément dit quelquefois le vrai
Mais n’a pas sa vérité
*
Nous ne sommes rien du tout
Sinon un petit tas de gravois
Ridiculisé par un rire enfoui
Dans le vent
*
Elle dit :
« Plus je te fais l’amour
Et plus tu recules vers la fenêtre
(Cet extérieur de moi) »
*
Elle dit :
« Tu m’aimes sans me reconnaître
(Te voir prendre
Les habitudes du ruisseau) »
*
Elle a dessiné un œil sur son chapeau
De telle sorte que c’est le dessin
Qui me regarde (qui me sourit)
*
Insensible aux ris des hommes
Je laisse le poème m’enlever
*
Un parterre de fleurs rouges
(Le fond des fleurs)
Un poste de radio
Crépite sous la pluie
*
Elle dit :
« J’aimerais me parer
De tes sentiments
À mon égard
Pour aller rejoindre
La lune
Dans l’eau du lac
Si en me nommant
Tu n’as pas été sincère
Ce n’est pas grave
: J’irai nue »
*
La vie :
Observer
Louvoyer entre les roseaux moulus
(Par les doctrines)
S’effilocher (à vitesse constante)
Regretter
S’écraser (consciemment ou non)
*
Au réveil
J’ai assisté
Impuissant
À la dispersion des feuilles
De mon arbre
Dans le vent jaune
*
Dessin :
Sur le papier écolier
Une antilope à la peau rouge
Embrasse un chat des neiges
(Frôlement appuyé)
Et fixe la lune
Qu’elle quitte du regard
(Les crayons de couleur)
*
Dans ce temple
Il y a des gardiennes aveugles
En palissandre sculpté
Qui pensent que les enfants
Continuent à mourir
Et même une demi-vierge nue
Au bouquet d’acanthes sauvages
Qui dessine le décor
(Fenêtre et paysage)
Pour avoir quelque chose
À offrir à quelqu’un
Sur quoi
Dessine-t-elle ?
Sur un chiffon
Ayant appartenu
Au souvenir
(S’étant trouvé
Longuement
Dans les mains délicates
Du souvenir)
*
Elle dit :
« Illustre poisson de mer
Tu ne pouvais pas admirer tes couleurs
C’est pourquoi je t’ai tué
Regarde comme elles brillent maintenant
À la lumière du souvenir »
*
Elle dit :
« Regarde-moi danser
Dans l’eau rocailleuse
Saisir la lumière
Dans sa course
Et la forcer
À se regarder en face
À s’enlaidir »
*
La lueur d’incompréhension
Que je distingue
Dans les yeux
Des mots célibataires
Me fait rougir
*
Elle dit :
« Je suis amoureuse
Pour autant
Je n’aime pas voir mes cuisses
S’égratigner contre la rampe
Du ruisseau »
*
Dans le miroir
Une tache mouvante
La mort libère
De l’emprise de la mort
*
Les vagues qui devraient bondir
Paraissent hésitantes
Bientôt accroupi au large
Je soulèverai des pierres
Matthieu Gosztola
Ces poèmes ont été insérés, sous une forme très différente, dans Sur la musicalité du vide (2 volumes parus en 2001 et 2003). Les ouvrages sont toujours disponibles auprès des libraires, ou en passant commande directement chez l’éditeur. Consulter son catalogue ici. Le suivre là.
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