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Ecriture

La transe du corps (2 et fin)

Ecrit par Nadia Agsous , le Mardi, 31 Janvier 2012. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

– Ça va, ma sœur ? Tu te sens bien ? lance soudain le vendeur de cartes de postales qui se lève d’un bond de sa chaise.

Décidément ! Rien n’avait échappé au dormeur de la Casbah qu’elle croyait avoir sombré dans les profondeurs des sinuosités d’une existence qui glisse lentement sur la pente de la banalité et de l’insignifiance. D’un geste presque machinal, il réajuste sa veste à moitié froissée. Ôte ses lunettes noires. Et tout en s’appliquant à mettre en évidence sa marchandise, il mime un grand sourire. Et lui souhaite la bienvenue dans un français marqué par un fort accent. Ses grands yeux noirs brillaient de tout leur éclat. Ils riaient. Dansaient dans le vague du silence laissant transparaître une lueur qui ressemblait à de la satisfaction. On aurait dit qu’ils jubilaient. Elle avait l’impression que sa présence répondait à une attente qui venait combler un ennui. Un besoin. Une lassitude. Un vide.

Au moment où elle s’apprête à quitter ce lieu, elle sent son corps se recroqueviller sur lui-même. Elle a le sentiment que le regard du vendeur vient la bouleverser dans son for intérieur, générant un énorme sentiment de gêne. Ses grands yeux noirs sont source de trouble voire de confusion. Heuu… Heuu… Comment dire ? Gêne… ? Trouble… ? Confusion… ? Elle essaye de se concentrer. Met de l’ordre dans ses idées. Et dans le fatras des souvenirs, elle cherche… Fouille… Creuse… Déterre… Met ses sens dessus dessous… Fouille encore… Encore… Et encore…

Guernica ...

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 23 Janvier 2012. , dans Ecriture, La Une CED

ou Quelques propos sur la question de la douleur et du silence en peinture.


"Comme un rien sans possibilité [...], comme un silence éternel, sans espérance même d'un avenir, résonne intérieurement le noir"

Kandinsky


" Bilbao, 27 avril. Guernica, la plus ancienne ville basque et centre de la tradition culturelle basque, a été complètement détruite hier après-midi par les avions des insurgés " Voilà l'extrait du Times du 28 avril 1938, tel qu'aurait pu le lire Picasso au lendemain de la destruction de Guernica. Il résume l'attaque allemande faite à l'appui des insurgés franquistes sur la ville basque. Et, c'est par la presse que le peintre apprend le douloureux événement - ce qui donne déjà un jour au chromatisme de noir et blanc de l'oeuvre, reflet, saisie en écho de l'encre des journaux, à l'heure nouvelle des mass média. Au début du mois de mai 1937, Picasso commence le tableau, commande des républicains espagnols pour commémorer le martyr de la ville. Différents témoignages et études ont commenté la genèse de Guernica.

La transe du corps (1)

Ecrit par Nadia Agsous , le Mardi, 17 Janvier 2012. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

C'est sur son chemin vers Sidi Abderrahmane, ce lieu d'inspiration spirituelle qui fait danser les peurs et bousculer les équilibres, à proximité de l'entrée du mausolée, qu'elle remarqua la boîte en carton à moitié déchirée. Elle était entreposée  à même le sol, aux pieds d'un homme d'une soixantaine d'années. Il était assis sur une chaise en bois de couleur bleu turquoise. Il portait une veste en velours noir. Sa tête était légèrement baissée. Ses yeux étaient cachés derrière une paire de lunettes noir mat. Son esprit semblait perdu dans des absences qui tournoient dans les bas-fonds d’une inconscience encombrée. Elle aurait juré qu'il somnolait.

A première vue, la boîte contenait trois petits paquets enveloppés dans du papier journal. Sur chaque tas, elle pouvait apercevoir des photos en noir et blanc. A la couleur et à la qualité du papier,  elle compris qu'il s'agissait de cartes postales de Dzaïr el kh'dima*. Ces dernières années, Alger d'antan était devenue un objet d'intérêt pour beaucoup d'Algérois. Des vendeurs de ces images du passé avaient proliféré dans les rues de la capitale. Pour certains, la vente de cartes postales anciennes était une véritable profession. Ils passaient beaucoup de temps à faire des recherches. A collecter. A classer. A catégoriser leurs trouvailles avant de les disposer soit dans des boîtes en carton soit sur des petites tables pliantes pour les proposer à la vente le long des trottoirs des artères principales d'Alger la Blanche.

Sonnet de l'An 2012, Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 30 Décembre 2011. , dans Ecriture, Création poétique, La Une CED


 

 

 

 

 

Sonnet de l’an 2012


&


Plainte des citoyens sonnés

à ces Messieurs de la Banque

en leur Olympe

L'Autre

Ecrit par Kamel Daoud , le Dimanche, 04 Décembre 2011. , dans Ecriture, Nouvelles, Chroniques Ecritures Dossiers, La Une CED


L'Autre, j'en ressentais le creux, la trace creuse en moi, le besoin de me mouvoir vers lui, la calcination quand il me brûla ou l'endroit endolori par son arrachement. Brusquement, je me suis senti en déséquilibre, sans l'autre, un peu chancelant dans mon humanité, bref et sans direction dans l'espace quand ce n'est pas une direction vers un visage, tournant dans l'affolement ou en orbite autour d'une énigme. L'Autre n'était pas ma moitié mais mon véritable moi. J'y allais dans toutes les directions, j'y venais, j'en revenais. Tout s'expliquait par mes gestes vers ce centre inachevé quand il n'est pas totalement voulu. Le désir, l'offrande faite au ciel, le sacrifice, l'invention du feu pour deux mains et pas pour une seule, la sexualité qui en était le cri et l'art qui en est le soupir, ou le sens de toutes les rivières du monde qui en sont la confession, la narration, le récit qui vient et s'en va.


Tout était supposition de l'autre, trace de son pas, son bruit dans la nuit ou le jour pas encore déplié du futur. L'autre était mariage, noces, brûlure, feu, flamme, pollen, approches et pattes en fourrure de l'animal prudent qui approche pendant que toute la forêt le regarde avec bienveillance.