Mode d’emploi et recette gratuits et incontestables ! Le dictateur est-il la fabrication de son peuple qui, à son tour, est la création de ce dernier ? Se conçoit-il lui-même ou bien est-il conçu ? Comment fabriquer un dictateur arabo-musulman ? Il y a une recette magique pour faire d’un rien ou presque un dictateur exemplaire dans un pays arabo-musulman.
Il faut savoir qu’en politique, on ne naît pas dictateur on le devient. Dans le monde arabo-musulman les peuples créent le dictateur et l’aiment, le vénèrent. Lui, en contrepartie, ne leur offre que de la haine.
Dans la société arabo-musulmane, la fabrication d’un dictateur est plus facile que celle d’un génie ou d’un juste. La création des dictateurs est une tradition ancestrale, une culture politique séculaire. Toutes les conditions sont prêtes et favorables pour que germe le grain/dictateur dans une société arabo-musulmane. Toutes les ères sont propices ; divine, temporelle et culturelle. Pour concevoir un dictateur il faut une société où règne l’ignorance. L’ignorance est le terreau pour la semence/dictateur. Et ce facteur est bien présent dans la société arabo-musulmane. L’analphabétisme scolaire et l’analphabétisme culturel sont rayonnants !
Il n’y a pas de dictateur neuf et de dictateur ancien. Il n’y a pas de dictateur jeune et de dictateur vieux. Tous les dictateurs arabo-musulmans se ressemblent comme des frères jumeaux. Ils sont nés de la même matrice politico-religieuse. Ils mourront de la même mort pour enfanter un autre rejeton de la même façon. Comment concocter un dictateur sur les braises d’un kanoun arabo-musulman ? La meilleure sauce pour cette recette diabolique, c’est d’abord et avant tout la religion. La religion politisée est l’idéologie qui entretient de manière étonnante la naissance des dictateurs arabo-musulmans. Elle les présente dans l’imaginaire des fidèles à l’image de Dieu. Si on veut faire passer une idée, n’importe quelle idée, dans la société arabo-musulmane, il suffit de l’envelopper dans un discours religieux. Elle sera vite acceptée, adoptée et vénérée. Les dictateurs arabo-musulmans passent entre les versets et les hadiths.
Comment métamorphoser un dictateur arabo-musulman en un mythe chez son peuple impuissant ? Dans le monde arabo-musulman, le système scolaire est conçu de bout en bout, de la crèche à l’université, pour forger le symbole du dictateur dans l’imaginaire des générations futures. Des générations pour l’applaudissement, la prosternation et l’asservissement. L’école est par excellence le laboratoire efficace pour façonner un imaginaire abêti, dont la mission est de justifier l’injustifiable, angéliser le diabolique.
Les journaleux – sauf le respect dû aux journalistes dignes de ce nom – sont les chiens de chasse pour le dictateur arabo-musulman. Les renifleurs. Chaque dictateur a ses propres journaleux. Ils sont bien dressés. Domestiqués. Ils savent comment aboyer, remuer la queue. Il lui faut des chiens télévisuels, des sonores, des écrits dans toutes les langues du monde, en arabe, en français, en anglais, en kurde, en turc, en persan, en tamazight, en darija et même en hébreu.
Et pour rehausser un dictateur arabo-musulman, il faut la présence d’une cour de pseudo-intellectuels, des universitaires, des écrivains, des poètes, des romanciers, des nouvellistes, des dramaturges, des cinéastes et même des chercheurs et des chercheuses. Les pique-assiettes. Les mangeurs de toutes les soupes, dans toutes les assiettes. Chaque dictateur arabo-musulman a ses intellectuels VIP, ceux de la deuxième rangée, les roues de secours, les rescapés, les miraculés et les survivants. Pourquoi les intellectuels sont-ils les plus efficaces pour la confection des dictateurs ? Tout simplement parce qu’ils savent comment justifier l’hypocrisie, comment défendre les mensonges en les présentant comme vérité et convenance. Quelques intellectuels sont prêts à passer d’une main d’un dictateur à un autre d’une autre.
En somme c’est le peuple, mis dans un tel état décérébré, qui crée son dictateur. Et en réplique, le dictateur, par le populisme et par le bâton, crée son peuple à sa taille. Une équation kafkaïenne. Dans une société qui vit sous le poids d’un dictateur arabo-musulman, le populisme est l’herbe savoureuse pour le repas du peuple. Par le populisme comme opium politique, le dictateur viole la loi sous les applaudissements dudit peuple. Le populisme transforme les cauchemars des peuples en rêves maladifs. Le populisme tue le peuple et glorifie le dictateur au nom du peuple lui-même. Toute société qui n’arrive pas à transformer le politique en culturel est condamnée à la reproduction d’un nouveau dictateur.
Amin Zaoui est un écrivainalgérien né le 25novembre1956 à Bab el Assa (Algérie). il écrit chaque jeudi deux articles un en arabe dans le quotidien arabophone echorouk et en français dans le quotidien francophone liberté.
1984-1995 : enseignant à l’université d'Oran (département des langues étrangères)
1988 : Doctorat d'État en littératures maghrébines comparées
1991-1994 : directeur général du Palais des Arts et de la Culture d’Oran
2000-2002 : enseignant à l’université d’Oran (département de la traduction)
2009 : membre du conseil de direction du Fonds arabe pour la culture et les arts (AFAC)
Conférencier auprès de plusieurs universités : Tunis, Jordanie, France, Grande-Bretagne.
Publications en français
Les romans d’Amin Zaoui ont été traduits dans une douzaine de langues : anglais, espagnol, italien, tchèque, serbe, chinois, persan, turque, arabe, suédois, grec…
Comment créer un dictateur dans une fabrique arabo-musulmane ? (par Amin Zaoui)
Ecrit par Amin Zaoui 08.02.22 dans La Une CED, Ecriture
Mode d’emploi et recette gratuits et incontestables ! Le dictateur est-il la fabrication de son peuple qui, à son tour, est la création de ce dernier ? Se conçoit-il lui-même ou bien est-il conçu ? Comment fabriquer un dictateur arabo-musulman ? Il y a une recette magique pour faire d’un rien ou presque un dictateur exemplaire dans un pays arabo-musulman.
Il faut savoir qu’en politique, on ne naît pas dictateur on le devient. Dans le monde arabo-musulman les peuples créent le dictateur et l’aiment, le vénèrent. Lui, en contrepartie, ne leur offre que de la haine.
Dans la société arabo-musulmane, la fabrication d’un dictateur est plus facile que celle d’un génie ou d’un juste. La création des dictateurs est une tradition ancestrale, une culture politique séculaire. Toutes les conditions sont prêtes et favorables pour que germe le grain/dictateur dans une société arabo-musulmane. Toutes les ères sont propices ; divine, temporelle et culturelle. Pour concevoir un dictateur il faut une société où règne l’ignorance. L’ignorance est le terreau pour la semence/dictateur. Et ce facteur est bien présent dans la société arabo-musulmane. L’analphabétisme scolaire et l’analphabétisme culturel sont rayonnants !
Il n’y a pas de dictateur neuf et de dictateur ancien. Il n’y a pas de dictateur jeune et de dictateur vieux. Tous les dictateurs arabo-musulmans se ressemblent comme des frères jumeaux. Ils sont nés de la même matrice politico-religieuse. Ils mourront de la même mort pour enfanter un autre rejeton de la même façon. Comment concocter un dictateur sur les braises d’un kanoun arabo-musulman ? La meilleure sauce pour cette recette diabolique, c’est d’abord et avant tout la religion. La religion politisée est l’idéologie qui entretient de manière étonnante la naissance des dictateurs arabo-musulmans. Elle les présente dans l’imaginaire des fidèles à l’image de Dieu. Si on veut faire passer une idée, n’importe quelle idée, dans la société arabo-musulmane, il suffit de l’envelopper dans un discours religieux. Elle sera vite acceptée, adoptée et vénérée. Les dictateurs arabo-musulmans passent entre les versets et les hadiths.
Comment métamorphoser un dictateur arabo-musulman en un mythe chez son peuple impuissant ? Dans le monde arabo-musulman, le système scolaire est conçu de bout en bout, de la crèche à l’université, pour forger le symbole du dictateur dans l’imaginaire des générations futures. Des générations pour l’applaudissement, la prosternation et l’asservissement. L’école est par excellence le laboratoire efficace pour façonner un imaginaire abêti, dont la mission est de justifier l’injustifiable, angéliser le diabolique.
Les journaleux – sauf le respect dû aux journalistes dignes de ce nom – sont les chiens de chasse pour le dictateur arabo-musulman. Les renifleurs. Chaque dictateur a ses propres journaleux. Ils sont bien dressés. Domestiqués. Ils savent comment aboyer, remuer la queue. Il lui faut des chiens télévisuels, des sonores, des écrits dans toutes les langues du monde, en arabe, en français, en anglais, en kurde, en turc, en persan, en tamazight, en darija et même en hébreu.
Et pour rehausser un dictateur arabo-musulman, il faut la présence d’une cour de pseudo-intellectuels, des universitaires, des écrivains, des poètes, des romanciers, des nouvellistes, des dramaturges, des cinéastes et même des chercheurs et des chercheuses. Les pique-assiettes. Les mangeurs de toutes les soupes, dans toutes les assiettes. Chaque dictateur arabo-musulman a ses intellectuels VIP, ceux de la deuxième rangée, les roues de secours, les rescapés, les miraculés et les survivants. Pourquoi les intellectuels sont-ils les plus efficaces pour la confection des dictateurs ? Tout simplement parce qu’ils savent comment justifier l’hypocrisie, comment défendre les mensonges en les présentant comme vérité et convenance. Quelques intellectuels sont prêts à passer d’une main d’un dictateur à un autre d’une autre.
En somme c’est le peuple, mis dans un tel état décérébré, qui crée son dictateur. Et en réplique, le dictateur, par le populisme et par le bâton, crée son peuple à sa taille. Une équation kafkaïenne. Dans une société qui vit sous le poids d’un dictateur arabo-musulman, le populisme est l’herbe savoureuse pour le repas du peuple. Par le populisme comme opium politique, le dictateur viole la loi sous les applaudissements dudit peuple. Le populisme transforme les cauchemars des peuples en rêves maladifs. Le populisme tue le peuple et glorifie le dictateur au nom du peuple lui-même. Toute société qui n’arrive pas à transformer le politique en culturel est condamnée à la reproduction d’un nouveau dictateur.
Amin Zaoui
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A propos du rédacteur
Amin Zaoui
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Rédacteur
Amin Zaoui est un écrivain algérien né le 25 novembre 1956 à Bab el Assa (Algérie). il écrit chaque jeudi deux articles un en arabe dans le quotidien arabophone echorouk et en français dans le quotidien francophone liberté.
1984-1995 : enseignant à l’université d'Oran (département des langues étrangères)
1988 : Doctorat d'État en littératures maghrébines comparées
1991-1994 : directeur général du Palais des Arts et de la Culture d’Oran
2000-2002 : enseignant à l’université d’Oran (département de la traduction)
2002-2008 : directeur général de la Bibliothèque nationale d'Algérie
2009 : membre du conseil de direction du Fonds arabe pour la culture et les arts (AFAC)
Conférencier auprès de plusieurs universités : Tunis, Jordanie, France, Grande-Bretagne.
Publications en français
Les romans d’Amin Zaoui ont été traduits dans une douzaine de langues : anglais, espagnol, italien, tchèque, serbe, chinois, persan, turque, arabe, suédois, grec…
Sommeil du mimosa suivi de Sonate des loups (roman), éditions le Serpent à plumes, Paris, 1997
Fatwa pour Schéhérazade et autres récits de la censure ordinaire (essai collectif), éditions L'Art des livres, Jean-Pierre Huguet éditeur, 1997
La Soumission (roman), édition le Serpent à Plumes, Paris, 1998 ; 2e édition Marsa, Alger. Prix Fnac Attention talent + Prix des lycéens France
La Razzia (roman), éditions le Serpent à Plumes, Paris, 1999
Histoire de lecture (essai collectif), éditions Ministère de la Culture, Paris, 1999
L’Empire de la peur (essai), éditions Jean-Pierre Huguet, 2000
Haras de femmes (roman), éditions le Serpent à Plumes, 2001
Les Gens du parfum (roman), éditions le Serpent à Plumes, Paris, 2003
La Culture du sang (essai), éditions le Serpent à Plumes, Paris, 2003
Festin de mensonges (roman), éditions Fayard, Paris, 2007
La Chambre de la vierge impure (roman), éditions Fayard, Paris, 2009
Irruption d’une chair dormante (nouvelle), éditions El Beyt, Alger, 2009
En arabe
Le Hennissement du corps (roman), éditions Al Wathba, 1985
Introduction théorique à l’histoire de la culture et des intellectuels au Maghreb, éditions OPU, 1994
Le Frisson (roman), éditions Kounouz Adabiya, Beyrouth, 1999
L'Odeur de la femelle (roman), éditions Dar Kanaân, 2002
Se réveille la soie (roman), éditions Dar-El-Gharb, Alger, 2002
Le Retour de l'intelligentsia, éditions Naya Damas, Syrie, 2007
Le Huitième Ciel (roman), éditions Madbouli, Égypte, 2008
La Voie de Satan (roman), éditions Dar Arabiyya Lil Ouloume, Beyrouth ; éditions El Ikhtilaf, Alger, 2009
L'Intellectuel maghrébin : pouvoir - femme et l’autre, éditions Radjai, Alger, 2009