L’envers des mots, de l’amour
Serge Doubrovsky (1928-2017), père de l’autofiction et professeur de littérature française, a fait de sa vie un long roman, tout sauf tranquille. À travers son rapport aux autres, particulièrement aux femmes, il parle de lui, sous toutes les facettes, sous toutes les coutures, de A à Z, et le cul ne reste pas lettre morte. Au-delà de cette propension autotélique assumée, l’écrivain d’origine franco-russe a inventé une scriptographie sui generis, a forgé une langue déglinguée, poétique, déroutante qu’il déroule à l’envi dans Le fils (1977), Le livre brisé (1989)… et qu’il porte à son apogée dans Un amour de soi (1982), clin d’œil ironique à Un amour de Swann.
Le narrateur d’Un amour de soi, Serge Doubrovsky en personne, est un professeur de 42 ans exerçant entre Paris et New-York, marié, deux enfants. Il fait la connaissance de Rachel, « la juive new-yorkaise type, intelligente, névrotique », future enseignante elle aussi. Elle n’est pas son genre. Normal, Serge est un homme. Une fois ce détail remisé, ils exécutent leur première cabriole coïtale, formalité rapidement expédiée, trop rapidement au goût de la jeune femme de 27 ans :