Identification

Actes Sud

Sous le regard du lion, Maaza Mengiste

Ecrit par Theo Ananissoh , le Jeudi, 08 Novembre 2012. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Sous le regard du lion, traduit de l’anglais (USA) par Céline Schwaller, octobre 2012, 368 p. 23,70 € . Ecrivain(s): Maaza Mengiste Edition: Actes Sud

 

C’est un premier roman qui est à la hauteur de son sujet : La révolution qui mit fin, en 1974 en Éthiopie, à une monarchie vieille, dit-on, de trois mille ans ! Un changement de régime et d’époque advenu, soulignons-le, par la volonté des hommes certes mais en quelque sorte contre leur propre mentalité, leur propre état d’esprit du moment. Le premier tiers du roman, qui décrit la fin des quelque quarante années de règne de l’empereur Hailé Sélassié, traduit avec une belle sobriété l’effarement de tous et de chacun face à l’événement – effarement que relatait déjà l’écrivain polonais Ryszard Kapuscinski dans son admirable Le Négus (éd. 10/18). Les officiers révolutionnaires font prisonnier le « Roi des Rois » dans son palais sans oser se dire à eux-mêmes ce qu’ils sont en train de commettre.

« Il n’avait pas pensé au fait que quelqu’un devrait surveiller l’empereur Hailé Sélassié, marcher devant ces yeux capables de renverser un homme d’un simple battement de cils ».

D’un côté, de « simples mortels », de l’autre, « l’élu de Dieu », le monarque « dont on pouvait remonter la lignée jusqu’au sage roi Salomon de la Bible ».

Le sermon sur la chute de Rome, Jérôme Ferrari (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 07 Novembre 2012. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Le sermon sur la chute de Rome, 22 août 2012, 208 p. 19 € . Ecrivain(s): Jérôme Ferrari Edition: Actes Sud

 

Recension 1

 

Dans un petit village corse perché loin de la côte, il est de tradition que les hommes, à la fin de la journée, se retrouvent dans le petit bar local, l’épicentre de leur univers. Parmi ces hommes, nombreux sont ceux qui ont quitté le village et leur île, mais qui ont fini par revenir pour y ruminer leurs échecs, leur existence dépourvue de gloire, leurs rêves brisés, à l’instar de Marcel Antonetti, né à la fin de la première guerre mondiale. La « malédiction » se transmet d’une génération à l’autre. Des décennies plus tard, le petit-fils de Marcel, Matthieu connaîtra une expérience similaire.

A la mort de sa femme, Marcel ne veut pas s’occuper de son fils nouveau-né, Jacques, et il le confie à sa sœur. Quelques années plus tard, Jacques tombe amoureux de sa cousine, Claudie, avec laquelle il a grandi. Ils se marient (« Pour beaucoup, ce mariage n’est pas celui de l’amour mais du vice et de la consanguinité ») et ont un fils, Matthieu, et une fille, Aurélie.

Rue des voleurs, Mathias Enard (2ème recension)

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 28 Septembre 2012. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire

Rue des voleurs, 256 p. 21,50 € . Ecrivain(s): Mathias Enard Edition: Actes Sud

Voilà un livre politique, mais aussi (d’abord ?) un livre d’aventures qui prend pour toile de fond le Printemps arabe. La petite histoire d’un individu plongée dans la grande, encore très fraîche.

Le livre commence très fort :

« Je suis un être humain, donc un détritus vicieux esclave de ses instincts, un chien, un chien qui mord quand il a peur et cherche les caresses ».

Le chien en question, c’est Lakhdar, un jeune Marocain de Tanger. Il a dix-sept ans, mais plutôt douze dans sa tête, avoue-t-il. Et les caresses qu’il recherche, ce sont celles de sa cousine Meryem, aux formes affriolantes. Mais au Maroc, certaines choses sont interdites à ceux qui ne sont pas mariés… Qu’à cela ne tienne ! Mais les deux jeunes gens se font surprendre par la famille. Incompréhension. Honte. Lakhdar est battu par son père. Il s’enfuit de la maison parentale. Il est trop orgueilleux pour revenir, demander pardon.

Commence alors une cavale. Séquence Oliver Twist. Lakhdar vagabonde à travers le pays, vit de mendicité. Quelque temps plus tard, il revient à Tanger. Grâce à l’entremise de son ami Bassam, il rejoint le « Groupe musulman pour la diffusion de la pensée coranique » et devient libraire. Mais certains membres du groupe ont parfois des comportements très étranges…

Murtoriu, Marc Biancarelli

, le Mercredi, 19 Septembre 2012. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, La rentrée littéraire

Murtoriu (Le glas), trad. du corse par Jérôme Ferrari, Marc-Olivier Ferrari et Jean-François Rosecchi, 5 septembre 2012, 270 p. 22 € . Ecrivain(s): Marc Biancarelli Edition: Actes Sud


Marc-Antoine Cianfarelli vit à contre-courant. Se définissant lui-même comme un poète raté doublé d’un libraire raté, il choisit de fermer boutique dès que l’été fait déferler sur la Corse son flot de touristes ; il se rend alors dans le berceau de sa famille, les Sarconi, « un petit village blotti dans sa coquille, asphyxié entre les pins et les châtaigniers ». Dans ce repaire, il se plait à goûter des moments de grande paix « enveloppé par une nature sublime et généreuse ». Pourtant, de tels instants sont rares ; la solitude et l’absence de femmes pèsent au libraire et dès qu’il revient en ville, la vanité de la société actuelle l’horripile. Il se met à ruminer et à déblatérer, ici sur les politiciens, là sur les pistonnés, ou encore sur les « pinzuti  et les lucchesi que l’été vient vomir sur nos côtes ». Personne ne trouve grâce à ses yeux. Les Corses sans doute encore moins que les autres. D’ailleurs Marc-Antoine qui n’a appris la langue corse que sur le tard, à un moment où ses locuteurs étaient déjà regardés de haut, se sent-il tout à fait corse ? On peut en douter quand il confie : « j’ai compris que j’avais toujours été un étranger. Les vieux me menaçaient de leur bâton, me forçaient à parler aux chiens, les gamins qui attendaient le car avec moi voulaient me renvoyer sur le bateau et les gens d’aujourd’hui me menaçaient de leurs sourires en coin et de leur regard condescendant ».

Léon et Louise, Alex Capus

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 04 Septembre 2012. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Langue allemande, Roman, La rentrée littéraire

Léon et Louise, 5 septembre 2012. 313 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Alex Capus Edition: Actes Sud

 

Cliché. Dans le champ lexical de la critique littéraire, ce terme est des plus péjoratifs. Il implique le manque de créativité, la répétition d’images éculées. Et pourtant. Ce joli livre d’Alex Capus, nostalgique et attachant, évoque de bout en bout l’idée et le mot de « clichés ». Pratiquement au sens propre : photographies. Pour être plus précis, cartes postales anciennes, sans image, en une sorte de collection affichée sur 313 pages. Et ce parti pris de chapelet de clichés donne un charme particulier à ce roman.

Les clichés commencent par le propos même du livre : un jeune homme et une jeune femme se rencontrent au printemps 1918. Ils ont 17-18 ans, s’aiment, se perdent, se retrouvent, se reperdent, se retrouvent sur quelques décennies. Le « tourbillon de la vie », d’une guerre mondiale à une autre et après. Ce livre est hanté par les films de François Truffaut, une sorte de « Baisers volés » et de « Domicile conjugal » saupoudrés de « Jules et Jim ». On se prend sans cesse à fredonner la chanson de Jeanne Moreau au cours de la lecture, on se prend aussi à donner aux deux héros les traits de Jean-Pierre Léaud et ceux de Claude Jade ou de Marie-France Pisier.