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Folio (Gallimard)

Collection de poche des éditions Gallimard

 


Le diamant gros comme le Ritz, Francis Scott Fitzgerald (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 12 Février 2020. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Nouvelles

Le diamant gros comme le Ritz, traduit de l’anglais (États-Unis) par Véronique Béghain, janvier 2020, 96 pages, 2,00 euros Edition: Folio (Gallimard)

Cette novella, écrite en 1922 par F. Scott Fitzgerald pendant qu’il séjournait avec sa femme Zelda à l’Eden-Roc sur la riviera française, fait partie de toutes ces nouvelles (on en dénombre environ 160) qui permirent à l’auteur de se faire connaître comme écrivain en Amérique et en Europe et surtout de gagner sa vie, car si l’on excepte son premier roman L’Envers du Paradis qui connut dès sa publication en 1920 un franc succès, ses écrits aujourd’hui incontournables comme Tendre est la nuit, ou Gatsby le magnifique, mirent un certain temps à trouver leur public et à lui rapporter de substantiels droits d’auteur.

Déjà traduite en français et publiée dans le recueil les Contes de l’âge du jazz, cette réédition dans la collection Folio 2 euros met la lumière sur une nouvelle de Fitzgerald riche en thèmes favoris et récurrents dans l’œuvre de l’écrivain, largement fournie en allégories religieuses et en références mythologiques. Autre spécificité, il s’agit d’un texte que l’on peut classer, ce qui n’est pas si courant chez l’auteur, dans le genre fantastique, au même titre que L’étrange histoire de Benjamin Button, adapté au cinéma en 2008 par David Fincher.

Empire des chimères, Antoine Chainas (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Jeudi, 09 Janvier 2020. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres

Empire des chimères, septembre 2019, 740 pages, 10,20 € . Ecrivain(s): Antoine Chainas Edition: Folio (Gallimard)

 

Au tournant des années 1983 et 1984, alors que l’on commence au cours du premier gouvernement Mitterrand à parler de rigueur budgétaire, et que l’on découvre à Lépanges-sur-Vologne le corps du petit Grégory, à Lensil, autre village de la France profonde, on constate, après une partie de cache-cache, la disparition de la petite Edith. « Décidément – aurait pu dire un célèbre présentateur du journal télévisé de l’époque – la France va mal ! ». À Lensil, alors que le prix du terrain chute, que l’on voit apparaître ici et là d’inquiétantes plaques de moisissures, tous les habitants sont mobilisés, en vain, pour rechercher la disparue.

Pendant ce temps-là, aux États-Unis, une importante société, LIM, qui n’est pas sans rappeler Disney, même si toute ressemblance avec des personnes existantes ou inexistantes ne serait que purement fortuite et involontaire, rêve d’installer en France (par défaut en Espagne) un parc à thème basé sur un jeu de rôle à succès : l’Empire des chimères.

Antigone, Sophocle (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 20 Décembre 2019. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Théâtre

Antigone, Sophocle, trad. grec ancien Jean Grosjean, préface Jean-Louis Backès, notes et lexique Raphaël Dreyfus, 208 pages, 4,30 € Edition: Folio (Gallimard)

 

On lit : « Le voilà mort avec la morte* ; le malheureux / consomme ses noces dans les demeures de l’Hadès ; / il montre aux hommes combien la déraison / est le plus grand mal de l’homme ». On lit aussi : « La morte t’a accusé d’être la cause / de cette mort-ci et de cette mort-là ».

On l’entend : ce qui frappe, dans cette traduction du grec ancien, ce sont les répétitions. Belle traduction d’Antigone (aussi belle, aussi puissante, et plus juste, que celle que fit, en son temps, Hölderlin), d’un homme – Jean Grosjean – qui comprit pleinement, en tant que traducteur, en tant que commentateur des évangiles, en tant que poète, en tant que conseiller littéraire enfin, la valeur d’enfance de la répétition, et permit la naissance, en poètes (la seconde naissance n’est-elle pas seule véritable, à défaut d’être la plus émouvante ?), d’Alexandre Romanès et de Lydie Dattas, qui ont su faire leur miel des répétitions. Qui ont su en faire leurs fleurs. Pour que le lecteur puisse venir = puisse les butiner. Puisse exprimer son devenir-abeille.

Djamilia, Tchinghiz Aïtmatov (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 19 Décembre 2019. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Roman

Djamilia, Tchinghiz Aïtmatov, trad. kirghiz, A. Dmitrieva, Louis Aragon, 125 pages, 3 € Edition: Folio (Gallimard)

Ce court roman nous vient du Kirghizistan. Autant dire du bout du monde, en particulier en matière de littérature. Aïtmatov a écrit dans une langue qui n’a cessé d’être bousculée tant à l’oral qu’à l’écrit. Surtout à l’écrit, jugez-en : 1924, instauration de l’alphabet arabe (premier système à faire naître la langue kirghize à l’écrit). 1928, l’alphabet latin s’installe. 1941, arrivée de l’alphabet cyrillique, encore en vigueur aujourd’hui.

Quant à la littérature kirghize, on compte ses écrivains sur les doigts d’une main ou deux, Aïtmatov étant assurément le plus « connu » en France, grâce à Aragon qui a traduit ce roman (avec A. Dmitrieva) et surtout a dit de lui qu’il était « la plus belle histoire d’amour du monde ».

Sans être d’accord avec Aragon – les plus belles histoires d’amour sont depuis toujours les histoires d’amour impossible (Héloïse et Abélard, Tristan et Yseut, Roméo et Juliette, …) – on peut néanmoins dire que l’histoire d’amour que raconte ce livre est d’une rare beauté. On parle souvent de minimalisme en littérature. Avec ce roman on frise le… silence. Les moyens déployés, la structure narrative, l’épaisseur des personnages, tout y est d’un dépouillement total, à l’image du cadre de vie, la campagne glacée du Kirghizistan. A l’image aussi d’une société quasi primitive, aux travaux de la terre et à l’activité nourricière.

Pedro Páramo, Juan Rulfo (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Novembre 2019. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman

Pedro Páramo (1955), trad. espagnol (Mexique) Gabriel Iaculli, 184 pages, 7,90 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Comme un ruban tressé, Juan Rulfo déroule une histoire à plusieurs voix venues des vivants et des morts, du passé et du présent, du réel et du fantasme. La virtuosité de ce roman est époustouflante : la complexité du récit est rendue d’une simplicité biblique par la maîtrise de Rulfo, sa capacité rare à rendre infiniment fluide une lecture qui joue sur les temps, les locuteurs, les lieux.

Peu importe qu’on nous annonce la mort de Pedro Páramo au début du récit, quand son fils oublié, Juan, arrive au village de Cómala. C’est bien lui le héros du roman, qui écrase de sa présence tyrannique son monde, morts et vivants, dans un même mépris, une même violence, une même cruauté. Il est la figure latine américaine du tyran local, sorte de seigneur qui règne par la richesse et la brutalité. Il est le frère littéraire des micro-dictateurs de Gabriel Garcia Marquez, Mario Vargas-Llosa, Miguel Ángel Asturias et bien d’autres. Sa haine de vivre, sa vision amère du monde est alimentée par le souvenir obsédant de la seule femme qu’il a vraiment aimée, Susana San Juan. Sa mort, décortiquée dans le moindre moment de l’agonie, hante Pedro, ses jours et ses nuits, ses crimes et ses délires.