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Folio (Gallimard)

Collection de poche des éditions Gallimard

 


Le complexe de la sorcière, Isabelle Sorente (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 23 Mars 2021. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le complexe de la sorcière, Isabelle Sorente, Folio, janvier 2021, 320 pages, 7,50 €

Comme Didier Smal l’a rappelé dans un article paru ici récemment (https://www.lacauselitteraire.fr/la-femme-est-une-sorciere-comme-les-autres-premiere-partie-par-didier-smal ), les sorcières sont à la mode – pour le pire et le meilleur, d’Instagram à la riche Collection Sorcières des éditions Cambourakis, où il n’est d’ailleurs pas question que de sorcières – à moins que si, selon la façon dont on les définit.

Voilà donc un livre de plus consacré à cette figure : certes, mais un livre singulier et étonnant. Il s’ouvre sur une sinistre visitation, qui devient peu à peu un personnage : l’image d’une femme interrogée et suppliciée, au crâne rasé, surgit dans l’esprit de l’auteure, un jour de juin, et s’y installe à demeure. Habitée, fascinée, Isabelle Sorente entreprend une quête dont le cheminement, fait de tours et de détours, de méandres et de cahots, est l’objet de ce livre où se mêlent récit intime, enquête historique abondamment documentée, psychologie, notamment transgénérationnelle, et des considérations, une sensibilité, d’ordre mystique – pas fumeux, pas farfelu, ni rien de cet acabit : mystique. Se mêlent aussi, dans ce livre, les temporalités – passés et présent – et les plans réel, symbolique et imaginaire, et ces entrecroisements apparaissent comme la façon la plus juste de relater l’expérience humaine, quelle qu’elle soit.

Borgho Vecchio, Giosuè Calaciura (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 09 Mars 2021. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Italie

Borgho Vecchio, janvier 2021, trad. italien, Lise Chapuis, 156 pages, 6,90 € . Ecrivain(s): Giosuè Calaciura Edition: Folio (Gallimard)

 

Le Borgho Vecchio est un monstre qui dévore ses enfants après les avoir torturés infiniment. Le Borgho Vecchio c’est un labyrinthe de ruelles, de venelles, de culs-de-sac, dont on ne sort jamais, un abîme qui aspire et retient.

Le Borgho Vecchio c’est le territoire de la lâcheté, de la veulerie, de la noirceur insondable de l’âme humaine, toujours prête à déchirer l’innocence.

Borgho Vecchio est un grand roman, âpre et désespéré, qui dit Palerme loin de ses cartes postales et de ses touristes.

Le roman déploie quelque chose de la « chronique d’une mort annoncée ». Cristofaro, le martyre désigné, est la proie de cette malédiction fatale. On le sent, on le sait depuis le début du roman. Non seulement on sait qu’il va mourir mais qui va le tuer, comment, où, reproduisant ainsi la situation romanesque de Gabriel Garcia Marquez. Tout le monde sait dans le Quartier, tout le monde attend tous les soirs la mort de Cristofaro sous les coups avinés de son père qui l’a désigné comme exutoire de sa misère infâme.

Nous sommes à la lisière, Caroline Lamarche (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 09 Mars 2021. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Nous sommes à la lisière, Caroline Lamarche, janvier 2021, 176 pages, 6,90 € Edition: Folio (Gallimard)


Les frontières sont poreuses qui séparent les êtres humains des animaux, les vies dans le rang des vies hors champ, la joie de la peine, la réalité de l’imaginaire, l’amour de l’anamour. C’est à leurs lisères, dans les marges, qu’ont lieu les neuf nouvelles qui constituent ce recueil, dont la plupart sont racontées par leur protagoniste et ont pour titre le prénom de l’animal qui y apparaît.

Ces narrateurs et personnages sont au bord de quelque chose – un amour, un changement, une révélation, une chute … – et au milieu de leur détresse. Au fil des pages, leurs fragilités se dévoilent, leur vulnérabilité affleure, et nous nous reconnaissons dans leurs vacillements et dans leurs failles, dans leurs vies en sourdine, en pointillés. Ils les racontent sans fard et sans emphase, avec une sobriété, une simplicité et une justesse qui émeuvent et interrogent. Dans le premier de ces récits, une cane nommée Frou-Frou se prend d’affection, si on peut dire, pour le protagoniste – et ses ardeurs sont aussi surprenantes et inexpliquées que son départ soudain.

La vérité sort de la bouche du cheval, Meryem Alaoui (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 26 Février 2021. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb

La vérité sort de la bouche du cheval, Meryem Alaoui, 303 pages, 21 € Edition: Folio (Gallimard)

 

« Qu’est-ce qu’écrire ? », « Pourquoi écrire ? », « Pour qui écrit-on ? », demandait Sartre dans Qu’est-ce que la littérature ?

Si on applique ces trois questions à ce roman de Meryem Alaoui, on peut répondre :

Ecrire, pour Meryem Alaoui, c’est peindre au couteau, à grands traits, à mots tranchants, sans retenue, hors de toutes les lois du genre, sa vision d’un microcosme social à l’intérieur de quoi, justement, les lois du pays, et les règles morales qu’il affiche, sont totalement caduques.

Pourquoi écrire ? Ici, c’est pour dénoncer, pour dévoiler, pour témoigner, pour mettre en scène, voire en obscène, sous la lumière violente d’une

écriture crue, impitoyable, la cruauté quotidienne de l’existence couramment occulte de communautés marginalisées.

L’Intrus, William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 02 Février 2021. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

L’Intrus – Intruder in the Dust (1948), Folio, traduit de l'américain par R.N. Raimbault et Michel Gresset . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

 

L’IntrusIntruder in the Dust (1948) – est l’un des romans tardifs de Faulkner, bien après ses monuments, Le Bruit et la Fureur, Lumière d’août, Absalon, Absalon, Tandis que j'agonise.

Le maître du Sud est encore au milieu de son œuvre littéraire même si les chefs-d’œuvre majeurs sont passés. L’Intrus, néanmoins, garde toute la puissance narrative et l’incroyable art du portrait que l’on connaît inégalables. Et, par-dessus tout – au-delà des situations burlesques, parfois hilarantes, autour desquelles se construit ce roman, L’Intrus est une réponse cinglante et définitive aux lecteurs trop hâtifs qui n’ont pas su voir, dès Lumière d’août (Light in August, 1932), où se situe William Faulkner dans l’idéologie poisseuse du Sud – faite de haine, de racisme, de misogynie, d’abrutissement : L’Intrus est un plaidoyer vibrant et splendide contre la bêtise et la violence des « Rednecks », une profession de foi universelle, une déclaration d’amour aux « autres » Sudistes – les Nègres comme ils disent.