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Folio (Gallimard)

Collection de poche des éditions Gallimard

 


Le Dernier homme, Mary Shelley (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 15 Février 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Les Chroniques, La Une Livres, La Une CED, Iles britanniques, Roman

Le Dernier homme, Mary Shelley, Gallimard Folio, octobre 2021, trad. anglais, Paul Couturiau, 672 pages, 11 €

 

Pour le commun des mortels lisant, Mary Shelley (1797-1851) est l’auteur de Frankenstein (1818), et au passage aurait inventé le roman de science-fiction. C’est un peu court, et l’on peut remercier les éditions Folio de proposer, toujours dans la très bonne traduction de Paul Couturiau (qui avait dépoussiéré Frankenstein en 1988 déjà), un roman publié huit ans plus tard, Le Dernier homme.

Le synopsis de ce roman est fulgurant : dans le monde du dernier tiers du vingt-et-unième siècle surgit une épidémie de peste qui détruit toute l’humanité, à l’unique survivant près, Lionel Verney, condamné à une errance solitaire dont le point de départ est Rome et… le point final du roman, en l’an 2100. Mais comme dans Frankenstein, le lecteur serait le bienvenu de ne chercher sous la plume de Shelley aucune intention relative à une quelconque vérité scientifique (Verney est le seul à se remettre de l’infection ; tous les autres êtres humains succombent après quelques heures parfois de ce qui ressemble seulement à une grosse fièvre, et aucun animal n’est touché) ou à une quelconque prospection ou vision futuriste.

Le Cauchemar, Hans Fallada (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 02 Février 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman

Le Cauchemar, Folio, octobre 2021, trad. allemand, Laurence Courtois, 336 pages, 8,60 € . Ecrivain(s): Hans Fallada Edition: Folio (Gallimard)

 

Der Alpdruck (1947), en allemand signifie le cauchemar, mais aussi le mauvais rêve, celui dont on s’éveille en priant qu’il n’ait été qu’un moment d’égarement du cerveau, celui qui laisse en sueur et qui parfois incite à se lever, sortir de la chambre, traverser le couloir ou monter une volée de marches, et ouvrir discrètement la porte de la chambre où dorment des enfants qui ignorent tout de l’angoisse ressentie au cœur de la nuit. On prie. Et on referme, apaisé, la porte, puis on retourne au lit. Malheureusement pour l’Allemagne, malheureusement pour les Allemands montrés avec humanité dans le roman Seul dans Berlin (1947), dont Primo Levi disait qu’il était « l’un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie », l’Allemagne d’après le « Renversement », celui initié par la défaite cinglante devant Stalingrad en 1942, n’est pas celle du réveil après un cauchemar : c’est celle du cauchemar continué.

Au-delà du fleuve et sous les arbres, Ernest Hemingway (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 25 Janvier 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Au-delà du fleuve et sous les arbres (Across The River And Into the Trees, 1950), trad. américain, Paule de Beaumont, 347 pages . Ecrivain(s): Ernest Hemingway Edition: Folio (Gallimard)

L’autre mort à Venise

L’infinie mélancolie qui reste au cœur après la lecture de ce roman tient certes au désespoir de son principal personnage mais aussi à une Venise trouble, fantomatique, hantée par ses lieux mythiques traversés et retraversés ici ; le Harry’s, le Florian, le Palais Gritti, la Piazza San Marco, sont le décor et la métaphore de ce dernier chemin du colonel vieillissant, rongé par les souvenirs de la Guerre et son amour pour la jeune et belle Renata.

Hemingway utilise un flux de conscience décalé dont le héros n’est pas le narrateur. Et la structure de ce roman repose largement sur le support narratif de ce flux : le dialogue, époustouflant de maîtrise, véhicule de l’amour, de la détresse, des regrets, des blessures du corps et du cœur du colonel. Renata est son Autre, celle par qui le discours advient à son esprit et sa mémoire. Renata est son inconscient, son discours inversé qui le renvoie à lui-même : à son désespoir elle oppose sa confiance et son optimisme, à sa réserve son enthousiasme, à sa volonté d’oubli la demande de souvenirs précis et détaillés. La jeune fille fait naître du vieux soldat l’histoire de sa douleur, comme une catharsis vivante et tendre.

La Gouvernante italienne, Iris Murdoch (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 20 Janvier 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman

La Gouvernante italienne, Iris Murdoch, Folio, 1964 (première publication en français en 1967, réédition de septembre 2001), trad. anglais, Léo Lack, 220 pages, 6,90 € . Ecrivain(s): Iris Murdoch Edition: Folio (Gallimard)

 

La Gouvernante italienne… Ce titre devient de plus en plus intrigant au fil de la première moitié du roman où le personnage éponyme, entrevu au début, reste quasiment invisible. Murdoch sait créer le suspense avec des riens. D’ailleurs, cette gouvernante italienne est-elle réellement un individu ou bien un genre ?

Giulia, Gemma, Vittoria, Carlotta et à présent Maria, surnommée Maggie, se sont succédé dans la maison de Lydia, laissant aux enfants qu’elles ont élevés des impressions douces et protectrices toutes confondues dans cette fonction qui sonne comme un nom : la gouvernante italienne, sévèrement vêtue et coiffée, logée au dernier étage mais maîtresse dans la cuisine et la lingerie pour veiller silencieusement au confort de tous.

Ne détient-elle cependant pas des pouvoirs qui vont se révéler, en quelques jours, décisifs dans l’existence de la famille Narraway, réunie pour les obsèques de Lydia ?

La Harpe et l’ombre, Alejo Carpentier (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 18 Janvier 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman

La Harpe et l’ombre, Alejo Carpentier (El Harpa y la sombra, 1979), trad. espagnol (Cuba) René L-F. Durand, 214 pages, 6,90 € . Ecrivain(s): Alejo Carpentier Edition: Folio (Gallimard)

Le déferlement baroque de ce roman emporte tout sur son passage. On avait eu Händel et Vivaldi dans Concierto Barocco, qui explosaient L’Ospedale Della Pietà par leurs folies musicales, là, le maître cubain nous offre une version époustouflante du grand voyage de Christophe Colomb. Ange ou Diable ? Malfrat ou Saint ? Le Pape Pie IX lance l’instruction pour l’éventuelle canonisation du célèbre conquistador en se rendant en personne sur les lieux de ses exploits presque quatre siècles plus tard. Il sera suivi dix ans plus tard par son successeur Léon XIII qui, après cette décennie de recherches méticuleuses sur les actes du Génois, doit tenir le procès en béatification. Apologétique puis dossier à charge, quel Colomb l’emportera : le voyageur de lumière ? Le saltimbanque tricheur ? La Harpe ou l’Ombre ?

Et c’est Colomb lui-même qui va raconter son épopée dans une confession ante mortem qu’il prépare pour le prêtre-confesseur qu’il attend sur son lit de mort. Et quelle confession. Le navigateur ne cache rien ; de ses grandeurs bien sûr ; et de ses bassesses les plus viles. Alejo Carpentier en profite pour démonter pas à pas les marches de l’idéologie coloniale : la recherche de richesses naturelles en des terres étrangères, la bonne volonté initiale d’amitié, d’éducation et de protection des populations indigènes, et puis – inéluctablement – l’asservissement impitoyable des pays et des gens.