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Folio (Gallimard)

Collection de poche des éditions Gallimard

 


Un Oiseau blanc dans le blizzard, Laura Kasischke (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 25 Mai 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Un Oiseau blanc dans le blizzard, Laura Kasischke, avril 2022, trad. anglais (USA) Anne Wicke, 362 pages, 8,70 €

 

Autant préciser de suite : ce roman ne mérite en rien les critiques élogieuses qui ont incité à l’ouvrir et à en lire péniblement les cent premières pages, puis à vagabonder au fil des suivantes dans l’espoir vain d’y trouver un peu de lumière. Pire encore : le fait que ce roman ait reçu pareil accueil critique est inquiétant, car cela en dit long sur l’époque, sur sa délectation pour le laid, son goût immodéré pour la fange (quand bien même ornée de quelques tournures lexicales poétisantes), sa tendance à confondre l’asservissement au sordide cantonné au niveau du fait divers avec l’élégance de certains auteurs d’antan qui surent sublimer le fait divers, et un jour il est à espérer que cette époque sera jugée comme telle, un jour où l’élégance, tant du style que du propos, sera enfin attendue et reconnue.

Reprenons. Un Oiseau blanc dans le blizzard est la narration par Kat, seize ans, de la vie dans une banlieue huppée quelconque sise dans l’Ohio, narration provoquée par la disparition soudaine de sa mère – dont, on l’écrit afin d’éviter tout suspense inutile, le corps sera retrouvé en fin de roman, dans le réfrigérateur familial.

Moi, Asimov, Isaac Asimov (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 16 Mai 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Recensions, La Une Livres, Biographie

Moi, Asimov, avril 2022, trad. anglais (USA) Hélène Collon, 624 pages, 10,40 € . Ecrivain(s): Isaac Asimov

 

Autant être honnête : à moins d’être un admirateur quasi pathologique d’Isaac Asimov, cette autobiographie a tôt fait de lasser, voire peut franchement tomber des mains. Pour l’apprécier, il faut avoir envie de lire les propos auto-célébrants d’un auteur qui certes prévient que la modestie est absente de ses qualités mais dont l’autosatisfaction confine parfois à la cuistrerie. Un exemple puisé au hasard : lorsqu’il évoque Robert Silverberg, autre grand écrivain américain de science-fiction, il écrit ceci : « il était certainement aussi brillant que moi, ce qui a dû lui poser les mêmes problèmes d’insertion sociale ». C’est le « certainement » qui fait grincer des dents…

D’un autre côté, force est d’admettre qu’Isaac Asimov fut un auteur prolifique au possible, un touche-à-tout de génie, un vulgarisateur scientifique de première importance, et le créateur d’au moins deux séries de romans de science-fiction indépassables, celui de Fondation (où il crée la notion de « psychohistoire », dont on pourrait penser que le Club de Rome s’est inspiré au début des années soixante-dix) et celui des robots (dans lequel il crée les trois lois de la robotique, qui vont marquer l’ensemble de la création littéraire et cinématographique, puis télévisuelle). Bref, oui, un génie.

Les braves gens ne courent pas les rues (A Good Man Is Hard to Find), Flannery O'Connor (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 10 Mai 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Nouvelles

Les braves gens ne courent pas les rues (A Good Man Is Hard to Find, 1953), trad. américain, Henri Morisset, 231 pages, 8,60 € . Ecrivain(s): Flannery O'Connor Edition: Folio (Gallimard)

La signature de Flannery O’Connor est reconnaissable entre toutes : dans un style proche de la langue des paysans du Sud, dans des situations qui frisent le burlesque, avec des personnages éminemment drôles, elle nous raconte des histoires terribles, proches de l’épouvante parfois. Comment lire le massacre d’une famille entière – de la grand-mère aux jeunes enfants – par des psychopathes sanglants, tout en ne cessant de rire ou sourire ? Eh bien en lisant la première nouvelle de ce recueil, éponyme du recueil, Les braves gens ne courent pas les rues. Le burlesque macabre accompagne toute l’œuvre de O’Connor, comme il accompagne les profonds de la culture sudiste, faite de haine et d’amour dont on ne sait quoi de l’un ou de l’autre est le pire. Faite aussi d’un rapport débile et violent à Dieu, à la religion, dans lequel les cœurs se perdent sans trop savoir où est le bien, où est le mal. Ajoutez à cela les freaks, inévitables dans les pratiques consanguines et incestueuses largement répandues dans le Delta et ses environs : corps malingres, difformes, esprits idiots, égarés, et vous aurez le tableau complet qui fait fond à ces nouvelles. Une mise en scène d’un Sud miséreux, vaincu, perdu.

Vanité de Duluoz, Jack Kerouac (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 06 Mai 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Récits

Vanité de Duluoz, 518 pages . Ecrivain(s): Jack Kerouac Edition: Folio (Gallimard)

 

Un dernier livre donne envie de relire l’ensemble. Pour avoir apprécié Avant la route, Sur la route (dans ses deux versions), Le Vagabond solitaire et Big Sur, j’avoue avoir retrouvé dans cet ultime ouvrage de l’auteur qui ne lui survivra qu’un an (Kerouac est mort en 1969, à quarante-sept ans) tous les atouts d’une œuvre se démarquant par sa dose d’instantanéité romanesque, sa stylistique imparable tissée de vitesse, de poésie et de culture, et surtout par le tableau ethnographique que Kerouac donne de la société de son temps, au filet de sa conscience et de son vécu.

Ce livre, donc, relate ses expériences multiples entre 1935 et 1946, soit le temps d’une « éducation aventureuse » (sous-titre qu’il s’est choisi pour l’œuvre de 1968), entre foot américain, expériences de marin en guerre, découvertes universitaires (à la Columbia), plus divers petits métiers pour que Ma et Pa ne terminent pas dans la misère, entre déménagements et emménagements (avec sa première femme Johnnie), entre beuveries et initiation à la vie réelle, laborieuse.

Frog, Jerome Charyn (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 20 Avril 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Frog (Paradise Man, 1987), trad. américain, Marc Chénetier, 413 pages, 10,30 € . Ecrivain(s): Jerome Charyn Edition: Folio (Gallimard)

 

Les fictions de Jerome Charyn sont hantées, habitées par des personnages tout droit sortis d’un enfer imaginaire et sertis dans un monde taillé à la serpe, dans une écriture baroque flamboyante. Il est difficile de ne pas évoquer immédiatement Tarantino, tant ce roman semble ouvrir la voie au Reservoir Dogs et autre Pulp Fiction avec rien moins que 20 ans d’avance. Le héros de l’histoire, Holden, est un tueur déjanté, capable de tout, surtout du pire, mais qui avance dans son « métier » comme le ferait un chevalier médiéval, avec un code de l’honneur, des valeurs morales, des vertus privées, bref un personnage ahurissant. C’est la geste d’un tueur glacial, sans trace de haine ou d’affect, Holden, qui réserve sa sensibilité aux amis fidèles, aux femmes et à une petite fille découverte lors d’un « contrat » et pour laquelle il mettra toute son énergie à la protéger des dangers multiples qui la menacent, quoi qu’il en coûte. Holden est le héros sombre d’un New York fantasmé, le super héros meurtrier professionnel.