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Folio (Gallimard)

Collection de poche des éditions Gallimard

 


Saga, Tonino Benacquista (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 24 Avril 2020. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Saga, 439 pages, 9,10 € . Ecrivain(s): Tonino Benacquista Edition: Folio (Gallimard)

 

Et vous, que faites-vous en ce moment ?

Les librairies fermées (1) « jusqu’à nouvel ordre », il faut vivre sur ses propres stocks. Hors de question ici de faire appel à ceux qui racolent en voiture (sans le moindre égard pour leurs passagers), vous savez bien, référence aux femmes qui montent à cheval ou à ces guerrières d’Asie mineure ! faites donc l’inventaire de vos bibliothèques, dépoussiérez-les, comptez les livres et sans hiérarchie, classez-les par ordre de taille, par exemple, par couleurs, ou toute autre organisation nécessaire à l’hygiène mentale. Une manipulation sportive salutaire pour la culture. Alors écumez vos bibliothèques sans jamais confiner votre pensée !

Vous conviendrez que certains livres se tiennent en embuscade. Ceux achetés « au cas où » et jamais ouverts faute de, oui avouez-le, d’espace ou de mémoire. Saga, 1997-2020. Il s’agit là de mesurer, en mars 2020, son degré d’excellence, son entière actualité. Défi mortel entre le réel et la fiction, quand l’un masque l’autre. Masque ? Protège ou dissimule, celui-ci était censé à l’origine protéger l’autre, non se protéger soi contre l’autre.

Un jour comme les autres, Paul Colize (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 30 Mars 2020. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres

Un jour comme les autres, Paul Colize, mars 2020, 512 pages, 8 € Edition: Folio (Gallimard)

Comme un avertissement, en incipit, on trouve inscrite cette phrase de Climats d’André Maurois : « L’amour supporte mieux l’absence ou la mort que le doute ou la trahison ». Puis on enchaîne, comme un opéra construit en quatre actes, avec une ouverture : « Quel sangue versato al cielo s’innalza… », le chant de la reine vierge interprété par Beverly Sills dans Robert Devereux de Donizetti, dont le sujet est la trahison d’Elisabeth, par le comte d’Essex. Placé sous le double signe de la trahison et de l’opéra, le roman de Colize nous promet semble-t-il frissons et chants conjugués harmonieusement jusqu’à se perdre dans ce qui pourrait être un final en grincements de violons. La note est donnée.

À Ranco, sur les bords du lac Majeur se languit Emily, traductrice et soprano. Son compagnon, Eric Deguide, professeur de droit, est parti un beau matin, le vendredi 14 novembre 2014, il y a 614 jours, au volant de son véhicule pour ne plus réapparaître. On a découvert ce dernier, de marque SAAB, dans le parking de l’aéroport de Zaventem en date du 19 novembre 2014. Tout aurait pu en rester là si un geek, Michel Lambert, n’avait, ayant ouvert un forum en ligne consacré aux affaires criminelles belges, hameçonné une personne Axe-L prête à lui faire des révélations. Il n’en suffira pas plus pour qu’Alain Lallemand, journaliste d’investigation et son collègue Fred flairant la bonne affaire, « réveillent » le mystère de la disparition Deguide et se mettent en chasse.

L’amour harcelant, Elena Ferrante (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 25 Mars 2020. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Italie

L’amour harcelant, Elena Ferrante, février 2020, trad. italien, Jean-Noël Schifano, 224 pages, 5,30 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Nous découvrons le premier roman d’Elena Ferrante, paru dans les années 1990, bien avant la tétralogie L’Amie prodigieuse qui a fait le succès de l’auteure. Ce roman de la jeunesse et de la filiation explore très classiquement les relations qu’une fille a entretenues avec sa mère récemment décédée. Delia met au jour le passé quelque peu trouble de sa mère Amalia, découverte noyée dans la baie de Naples, en sous-vêtements, avec une valise et un sac à mains contenant du linge féminin. A l’enterrement et dans les jours qui suivent, Delia reprend contact avec quelques-uns des personnages qui ont peuplé la vie d’Amalia. Les souvenirs napolitains se ravivent : les rues, les boutiques, le funiculaire, la plage, les restaurants et hôtels, la langue dialectale. Qui est ce Caserta, qui semble avoir exercé une influence plutôt néfaste sur Amalia, allant jusqu’à la violence ? L’oncle Filippo, frère d’Amalia, est-il si bienveillant qu’il en a l’air ? Que cache Polledro Antonio, gérant du magasin de vêtements Vossi ? La veuve De Riso révèlera-t-elle à Delia un pan des relations conflictuelles entre son père, artiste-peintre, et sa mère ? Delia mène l’enquête, cherchant à se fondre dans le passé de sa mère, fascinée par ses recherches, traquant la jeunesse enfouie sous les visages et les comportements parfois lubriques des vieillards, rencontrant les enfants des « amis » de sa mère, devenus adultes et mûrs.

Les Deux Corps du roi, Ernst Kantorowicz (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 11 Mars 2020. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire

Les Deux Corps du roi, Ernst Kantorowicz, janvier 2020, trad. Jean-Philippe et Nicole Genet, 898 pages, 9 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Ernst Kantorowicz nous livre, dans cet ouvrage dense et érudit, une brillante analyse sur l’évolution de la fonction royale, à la croisée des sciences politiques et théologique. Sa recherche est née des Rapports de Plowden, écrits et rassemblés au XVIe siècle, sous le règne de la reine Elisabeth I : « Car le Roi a en lui deux Corps, c’est-à-dire un Corps naturel et un Corps politique. Son Corps naturel, considéré en lui-même, est un Corps mortel, sujet à toutes les infirmités qui surviennent par Nature ou Accident […] Mais son Corps politique est un corps qui ne peut être vu ni touché, consistant en une société politique et en un gouvernement […] et ce Corps est entièrement dépourvu d’Enfance, de Vieillesse, et de tous autres faiblesses et défauts naturels […] ».

On note ainsi un passage du réalisme au nominalisme : la matière se transfère au nom, au symbole. Selon Kantorowicz, La Tragédie du roi Richard II de William Shakespeare est la tragédie qui représente le mieux les Deux Corps du Roi : on y observe une alternance du corps légal du roi et de son corps naturel, faible et blessé.

Des trottoirs et des fleurs, André Dhôtel (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 02 Mars 2020. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Des trottoirs et des fleurs, André Dhôtel, 336 pages, 9,10 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Il semble – fors une confrérie de happy few à laquelle nous prétendons appartenir – qu’on ait oublié André Dhôtel. Il est certain qu’on a tort.

Il a écrit, entre les années 30 et 80 du siècle passé, une quarantaine de romans, de nombreuses nouvelles et des poèmes. Tous sont désuets, inactuels et intemporels à la fois, dotés d’un charme – au sens magique du terme, si l’on nous passe cet adjectif vague et galvaudé qui, ici, est juste – d’un charme donc, puissant quoique subtil – et sans doute imperceptible, donc inexistant, pour beaucoup. Dhôtel est aussi l’auteur d’articles et d’ouvrages critiques, notamment sur Rimbaud, mais aussi sur des écrivains délaissés, qui sont de la même race que lui : Charles-Albert Cingria, Jean Follain, Henri Thomas, pour ne citer qu’eux.

À notre grand dam, la plupart de ses œuvres sont épuisées. Certains titres ont été réédités dans les années 2000, chez Phébus, Gallimard, Horay, Fata Morgana et La Clé à molette, mais plusieurs d’entre eux sont déjà indisponibles – raison supplémentaire de scruter les rayonnages des bouquinistes, dans l’espoir – souvent vain – d’en trouver un que nous ne possédons pas encore. Parmi ces œuvres, Des trottoirs et des fleurs, dont il sera question dans cette chronique.