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Folio (Gallimard)

Collection de poche des éditions Gallimard

 


Charlotte, David Foenkinos

, le Mercredi, 10 Mai 2017. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Charlotte, 256 pages, 29 € . Ecrivain(s): David Foenkinos Edition: Folio (Gallimard)

 

Charlotte est le récit de la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre, morte à l’âge de 26 ans. Charlotte, c’est l’histoire d’une jeune juive punie par le destin ; c’est l’histoire d’une artiste ingénieuse et terriblement émouvante ; c’est l’histoire de la vie, de la mort, mais c’est aussi l’histoire d’une famille. Une famille dont l’humanité ressort plus que jamais, et que les tragédies successives, suicides ou génocides, viendront assaillir. Ce récit est aussi l’aboutissement d’une obsession, celle d’un auteur fasciné par l’œuvre, la personne, et la vie de Charlotte Salomon.

J’étais sceptique quant à la lecture de Charlotte car son écriture qui « respire », comme le dit l’auteur, m’est apparue, en tant qu’auteur moi-même, comme de la triche. Mais ces paragraphes qui évoquent les strophes d’un long poème sont vites justifiés : ce livre est une œuvre d’art. On s’attache vite aux courtes descriptions de l’auteur, dont l’écriture semble mûrir avec le protagoniste. On lit entre les lignes. Le récit tourne autour de deux sujets qui s’entremêlent tragiquement, l’art et la mort. Charlotte Salomon était prédestinée. Charlotte porte le nom d’une morte et tout le monde meurt, avant et à coté d’elle. La mort est là, jamais très loin. Reste l’attente interminable de savoir comment, à son tour, Charlotte sera soustraite au monde.

De la simplicité !, Henry David Thoreau

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 05 Mai 2017. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, USA

De la simplicité !, avril 2017, trad. américain Louis Fabulet, 112 pages, 3,50 € . Ecrivain(s): Henry David Thoreau Edition: Folio (Gallimard)

 

A l’occasion de la commémoration du bicentenaire de la naissance de Thoreau, né le 12 juillet 1817, Gallimard réédite dans la collection Folios Sagesse, sous le titre De la simplicité !, des morceaux choisis de Walden ou la vie dans les bois, tirés de l’ouvrage précédemment publié dans la collection L’Imaginaire.

Thoreau se livre ici à un vibrant plaidoyer en faveur d’une vie simple et rustique, dans laquelle l’homme dépense en argent et en énergie juste ce qu’il gagne ou ce dont il a besoin. Pourquoi accumuler les richesses, nous dit Thoreau, alors qu’il est si simple d’avoir juste de quoi vivre ?

« Qui donc les a faits serfs du sol ? Pourquoi leur faudrait-il manger leurs soixante acres, quand l’homme est condamné à ne manger que son picotin d’ordure ? »

En effet, nous nous créons des obligations de productivité qui nous rendent la vie dure et la folie des grandeurs nous rend déprimés.

Ada, ou l’ardeur, Vladimir Nabokov

Ecrit par Patryck Froissart , le Samedi, 15 Avril 2017. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Ada, ou l’ardeur (Ada or Ardor), trad. Gilles Chahine, Jean-Bernard Blandenier (trad. revue par l’auteur), 768 p. 12,50 € . Ecrivain(s): Vladimir Nabokov Edition: Folio (Gallimard)

Ce roman, paru initialement en anglais en 1969, est un diamant littéraire. Le thème essentiel, récurrent chez Nabokov, en est l’amour incestueux, ici entre frère et sœur. Mais contrairement au René de Chateaubriand, qui se morfond, en même temps que sa sœur et loin d’elle, dans la torture morale et le remords chrétien, ou au personnage, plus actuel, de Aue dans Les Bienveillantes de Littell, qui nourrit pour sa sœur une passion morbide et dévastatrice, Van Veen et Ada, sa cousine et demi-sœur, assument, consomment et revendiquent un amour flamboyant, heureux, sensuel, qu’ils conservent intact et mènent malgré les vicissitudes et les séparations, parfois très longues, imposées par les conventions sociales, terriblement bourgeoises, jusqu’à la fin du roman, qui décrit la vieillesse paisible qu’ils vivent enfin réunis.

Pas de dénouement tragique, donc, puisque notre lecture s’achève sur les réflexions existentielles d’un Van de quatre-vingt-dix sept ans, narrateur et personnage principal, en train d’apporter, aidé d’Ada, les dernières corrections au chapitre qui clôt le récit de ce magnifique amour, toujours vivace, qui n’a jamais faibli depuis les premières étreintes, immédiatement et furieusement charnelles, entre l’adolescent averti de quatorze ans qu’il était et l’ardente jeune fille de douze ans qu’était sa sœur.

L’associé, Joseph Conrad

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Lundi, 20 Mars 2017. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Nouvelles

L’associé, janvier 2017, trad. anglais G. Jean-Aubry, 86 pages, 2 € . Ecrivain(s): Joseph Conrad Edition: Folio (Gallimard)

 

Le parti pris de cette nouvelle extraite du recueil En marge des marées est en apparence convenu. Un auteur de fictions pour revues traîne son ennui dans le fumoir d’un petit hôtel en bord de mer où un vieil arrimeur a ses habitudes. Peu aimable, celui-ci vitupère contre la naïveté des touristes et la complaisance des mariniers à exploiter « cette histoire à dormir debout » concernant un naufrage passé. Et l’homme habituellement taciturne de livrer sa version des faits.

Toute l’affaire, avant de se terminer sur les rochers de la côte, a démarré dans un bureau à Londres où Georges Dunbar, frère du capitaine et propriétaire du bateau le Sagamore s’est associé à Cloete, un américain véreux. Un brave homme influençable, un exécuteur des basses besognes, une épouse frivole et une autre modèle : aucune de ces figures typiques ne manque à l’appel. La physionomie de chacune comme sa psychologie animent des décors un peu miteux de cette Angleterre où on rêve d’autant plus d’argent et d’exotisme que les affaires sont rudes et le ciel plombé.

En réalité, la nouvelle interroge sur l’inspiration et l’écriture. D’ailleurs, l’ancien arrimeur ne daigne prêter attention à l’étranger qu’à partir du moment où il sait qu’il exerce le métier d’écrivain.

La honte, Réflexions sur la littérature, Jean-Pierre Martin

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 15 Mars 2017. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

La honte, Réflexions sur la littérature, février 2017, 420 pages, 7,70 € . Ecrivain(s): Jean-Pierre Martin Edition: Folio (Gallimard)

 

La honte est un des grands moteurs de la création littéraire. Elle prend de multiples formes : personnelle ou sociale, historique ou politique. Parmi les textes plus connus sur ce thème, d’emblée reviennent les pages de Rousseau dans Les Confessions, ou Albert Cohen dans Solal, où les auteurs s’auto-flagellent (mais juste ce qu’il faut), et celles – bien différentes – d’Antelme, Semprun, Primo Levi, où ce sentiment s’empare paradoxalement des survivants selon un métabolisme biologique paradoxalement paradoxal. Il existe néanmoins une honte plus consubstantielle à la racine de l’écriture – chez Witold Gombrowicz par exemple.

Jean-Pierre Martin approfondit ce qu’il nomme ces « gouffres de déconsidération » qui nous rendent souvent si proches de ceux qui s’osent, se haussent ou s’abaissent à de tels aveux qui forcent (ou forceraient) à sortir de toutes poses. Le processus est complexe car il s’agit de surmonter le regard des autres (famille, société) et le sentiment intérieur qui oblige le plus souvent à n’oser sortir de ce qui invite au silence plus qu’à l’aveu. Ce sentiment peut devenir si paroxysmique qu’il arrive à un auteur de ne pas en survivre : chez Primo Levi ou encore Charlotte Delbo (que l’auteur ne cite pas).