Identification

Joelle Losfeld

Dans les eaux troubles, Neil Jordan

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 04 Mai 2017. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman

Dans les eaux troubles (The Drowned Detective), avril 2017, trad. anglais (Irlande) Florence Lévy-Paoloni, 274 pages, 22 € . Ecrivain(s): Neil Jordan Edition: Joelle Losfeld

 

Neil Jordan n’a guère son pareil pour créer des univers en-soi, situés on ne sait pas bien où, peuplés par on ne sait pas bien qui, traversés par des événements des plus étranges. Ce roman, passionnant de bout en bout, ne fait pas exception : on entre dans un monde recomposé à partir des passions et des drames de notre monde. Pour mieux marquer ce « départ » du réel ordinaire, le roman met en scène un héros, Jonathan, qui a quitté son Angleterre natale pour rejoindre on ne sait trop quel pays de l’Est, l’une des anciennes républiques soviétiques. Etrangement, ce pays, cette ville, jamais nommés, sont fortement présents dans le roman. Les descriptions en sont même méticuleuses :

« Nous gravîmes une rue pavée en pente raide, presque médiévale, dont les façades semblaient s’incliner à la rencontre de celles d’en face, comme si leurs gouttières et leurs pignons voulaient se toucher. Peut-être qu’un jour cela se produirait. Ces bâtiments penchaient depuis trois cents ans, les petites fenêtres étaient écrasées par le poids des briques au-dessus et les toits avaient perdu tout semblant de ligne droite ».

A coups de pelle, Cynan Jones

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 23 Mars 2017. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman

A coups de pelle (The Dig), 23 mars 2017, trad. anglais (Pays de Galles) Mona de Pracontal, 168 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Cynan Jones Edition: Joelle Losfeld

 

Cynan Jones sait de quoi il parle quand il écrit car il écrit du cœur même de ses œuvres. Il est paysan au Pays de Galles. Déjà, dans Longue sécheresse, il avait fait de la campagne galloise, âpre et ingrate, le sujet de son roman. Ici encore, ce court roman est un choc littéraire et humain. C’est un chant rude et poignant sur la perte et la solitude. Jamais la campagne galloise ne fut aussi sombre. Le style dépouillé, minimaliste, de Cynan Jones, construit une tragédie rurale glaçante.

Daniel est fermier. Il est le seul personnage à porter un nom dans le roman, pour mieux souligner son absolue solitude. Les autres, le grand gars, le policier, la mère, ne sont que des ombres rencontrées au hasard. Daniel vient de perdre sa femme, l’être de sa vie. Elle est morte sous le sabot d’un cheval qu’elle soignait. Depuis, il n’est que dévastation intérieure, terreur, souvenirs écrasants. Sa vie, à peine sa survie, ne tient qu’aux obligations de la ferme, les bêtes à nourrir, les naissances d’agneaux. Il ne laisse plus à personne le soin d’accompagner le travail des brebis. Il y trouve la vie à sa source, dans le ventre même des mères.

Les parapluies d’Erik Satie, Stéphanie Kalfon

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mardi, 07 Mars 2017. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Roman

Les parapluies d’Erik Satie, février 2017, 216 pages, 18 € . Ecrivain(s): Stéphanie Kalfon Edition: Joelle Losfeld

 

Faune énigmatique, tour à tour naïf ou malin, malicieux sans aucun doute, original et décalé, doté d’un humour incompris qui ne faisait rire que lui et peut-être un de ses rares amis, « Claude Debussy [qui] perçut immédiatement en lui un égaré de ce siècle », avec lequel il se lia, autre délaissé en son temps, autre génie novateur, Erik Satie incarne parfaitement l’artiste génial à l’art sautillant, enfantin, mais malheureux et mal aimé comme le sont souvent les véritables artistes. Mal dans son temps, mal dans sa peau, excentrique, marginal, incompris, perçu comme fou, fumiste, fantaisiste, raté, aigri, maniaque, clown, etc.

Stéphanie Kalfon signe là un portrait en forme d’hommage à ce génie musical dans un roman biographique empreint de poésie et de magie.

Les parapluies d’Erik Satie s’ouvre sur une exergue troublante en forme d’épitaphe de Jean Wiener : « La première fois où il entra dans la chambre d’Arcueil où Satie trouva la mort (à moins que ce ne soit l’inverse) ».

Meilleur ami, meilleur ennemi, James Kirkwood

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 29 Novembre 2016. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Meilleur ami, meilleur ennemi (Good Times/Bad Times), octobre 2016, traduit américain Etienne Gomez, 435 pages, 25 € . Ecrivain(s): James Kirkwood Edition: Joelle Losfeld

 

 

Ce roman repose sur un art consommé de la narration. Dans les moments drôles – et il y en a beaucoup –, les passages tristes, les cassures douloureuses, James Kirkwood montre une maîtrise absolue du « storytelling » et nous mène par le bout du nez à travers l’histoire de Peter, Jordan et M. Hoyt. Pas un instant de faiblesse ne vient ternir cette affaire, ce livre offre quelques heures d’une lecture haletante, passionnante, avec des éclats de rire, du suspense, des émotions profondes.

Peter est en prison. On apprend tout de suite qu’il est là pour accusation de meurtre. Son avocat lui demande le récit des événements qui l’ont conduit au drame (dont nous ne savons rien). C’est donc une écriture en flashback qui tisse ce roman. C’est cette situation narrative qui est source de la tension de ce roman : on sait un peu, mais quoi ? Qui ? Pourquoi ?

Descendre la rivière, Peter Cunningham

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Mai 2016. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman

Descendre la rivière (The Trout), traduit de l’anglais (Irlande) par Christophe Mercier, mars 2016, 190 p. 18,50 € . Ecrivain(s): Peter Cunningham Edition: Joelle Losfeld

 

Une plongée dans la mémoire, un voyage âpre dans les replis ombreux d’une vie, d’une famille, avec des trébuchements terribles qui laissent des traces indélébiles. C’est ce que nous propose Peter Cunningham dans ce superbe roman, écrit avec l’apaisement nécessaire à cette équipée mnésique.

Le narrateur, devenu écrivain installé au Canada avec sa femme, entre en vieillesse. Son passé le hante et il prend son baluchon pour aller à son devant, en Irlande, terre de sa naissance et de ses ancêtres. Un personnage, un événement en particulier, l’obsèdent, réveillés par la présence autour du couple depuis quelque temps d’un homme qui, à force d’insistance lourde, finit par l’inquiéter, par le questionner sur l’identité de cet importun. Et par ricochet sur son identité profonde.

Sur les traces de son père – le Docteur – Alex retrouve les lieux de son enfance et les gens aussi, ceux qui vivent encore. La figure des amis d’autrefois le hante. Celle de son père aussi, qui vit son dernier temps en institution. Figures blessées, abîmées par la luxure d’un prêtre ou par sa propre trahison.