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Rivages poche

Pur bonheur et autres récits, Katherine Mansfield (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 07 Novembre 2025. , dans Rivages poche, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Océanie

Pur bonheur et autres récits, Katherine Mansfield, préf. et trad. Fanny Quément, 256 p., sept. 2025, éd. Rivages, 9,70€ Edition: Rivages poche

 

Katherine Mansfield, née en 1888 à Wellington, capitale de la Nouvelle-Zélande, issue de la bourgeoisie blanche, est une écrivaine mondialement reconnue, en dépit de sa mort précoce à 34 ans, en 1923, à Avon, près de Fontainebleau. L’insulaire native d’Océanie a été la victime d’une grande souffrance physique et d’une vie psychique tumultueuse. Fanny Quément indique que, « néanmoins, les nouvelles de Mansfield relèvent beaucoup moins de l’autobiographie que de la fiction moderniste, et son style fut d’ailleurs le seul que Virginia Woolf ait jamais envié ».

Dès les premières pages de Pur bonheur, des éléments de la matière textuelle de l’autrice néo-zélandaise recouvrent un temps de l’enfance, éléments tendrement désuets, temps teinté d’inquiétude : « un manteau à boutons marins », « une casquette à rubans de cuirassé », « le buggy », « son réticule de soie noire », « un pilulier laqué de noir à l’extérieur et du rouge à l’intérieur, avec un peu de ouate », « son corset à jupon couvert de volants tout en soieries », « ses jarretelles », etc., tous signes marqués d’une époque.

Philosophie féline, Les Chats et le sens de l’existence, John Gray (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 18 Février 2025. , dans Rivages poche, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, USA

Philosophie féline, Les Chats et le sens de l’existence, John Gray, Rivages Poche Petite Bibliothèque, mai 2024, trad. anglais USA, Fanny Quément, 128 pages, 8,80 € Edition: Rivages poche

« Les chats sont heureux en étant eux-mêmes, tandis que les humains essaient d’être heureux en s’échappant d’eux-mêmes ». À partir de ce simple constat, John Gray propose un bref essai non dénué d’humour et de légèreté qu’on pourrait qualifier de traité d’anti-philosophie. En effet, quatre des cinq chapitres de Philosophie féline, à partir d’une observation relative au chat, sa façon d’être au monde, se transforment en critiques plutôt fines des courants centraux de la pensée occidentale, quelques rares penseurs (dont Montaigne et Spinoza) semblant trouver grâce aux yeux de Gray. Ainsi, dans le chapitre intitulé Pourquoi les chats n’ont aucun mal à être heureux, dont est extraite la phrase ci-dessus, l’auteur évoque la façon dont les philosophes ont traité du bonheur, montrant la limite effective de leur réflexion, celle de Marc Aurèle par exemple :

« Pour Marc Aurèle, la raison requiert une abdication volontaire de la volonté. Il en résulte une funèbre célébration de l’endurance et de la résignation. Le philosophe-empereur rêverait d’être une statue figée dans le silence d’un mausolée romain. Mais la vie le ramène à la réalité, l’obligeant à reprendre tout le tissage de son voile philosophique ».

La Passeuse, Michaël Prazan (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 06 Janvier 2025. , dans Rivages poche, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits

La Passeuse, Michaël Prazan, Rivages Poche, mai 2024, 366 pages, 9,80 € Edition: Rivages poche

Documentariste d’exception (on lui doit des films qui valent largement des ouvrages de vulgarisation dus à des historiens capés), Michaël Prazan, après avoir consacré son existence à décrire la vie des autres, s’est penché dans La Passeuse sur son propre passé ou, plus exactement, sur le passé de son père, qui avait été un « enfant caché » pendant la Seconde Guerre mondiale.

On sait qu’alors que leurs parents partaient pour un voyage sans retour, ce fut le sort de nombreux enfants juifs, envoyés à la campagne (dans une France encore largement rurale) et plus ou moins dissimulés dans des fermes ou présentés comme de vagues neveux. Un exemple parmi d’autres, celui de cette jeune Alsacienne de confession juive, réfugiée dans le Périgord, accueillie chez des paysans et dûment intégrée aux activités de la paroisse locale – sans perspective de conversion : le curé du village, qui savait très bien à quoi s’en tenir, lui avait appris les prières catholiques les plus usuelles, au cas où elle eût été interrogée par une autorité, et la faisait participer aux processions mariales en « enfant de Marie », histoire de parfaire sa « couverture » et d’éteindre d’éventuels soupçons. Ou, plus célèbre, le jeune et futur Serge Gainsbourg.

Défense de la poésie, Percy Bysshe Shelley (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 20 Août 2024. , dans Rivages poche, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Défense de la poésie, Percy Bysshe Shelley, Payot Rivages Poche, mai 2024, 128 pages, 8,20 €

 

Ordre et harmonie

Écrire une théorie de la poésie, voire la défendre contre les autres arts, contre l’époque, est un sujet délicat à traiter. Il ne faut rien de complètement définitif et donc ménager une voix au théoricien – un célèbre poète romantique anglais ici –, défendre une théorie qui pousse ensemble à confondre le poète et le poème, l’ordre esthétique et l’ordre moral. Il s’agit ainsi de partager le poème entre Raison et Imagination, saisir au-delà du poème une influence qui dépasserait les clivages entre la pensée et la matière.

La raison est l’énumération de quantités déjà connues ; l’imagination est la perception de la valeur de ces quantités, à la fois prises séparément et comme un tout. La raison envisage les différences, et l’imagination les ressemblances entre les choses. La raison est à l’imagination ce que l’instrument est à l’agent, ce que le corps est à l’esprit, ce que l’ombre est à la substance.

L’Auteur ! l’auteur !, David Lodge (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 06 Février 2024. , dans Rivages poche, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman

L’Auteur ! l’auteur !, David Lodge, Rivages Poche, octobre 2023, trad. anglais, Suzanne V. Mayoux, 528 pages, 12 €

Pour L’Auteur ! l’auteur !, publié en 2004, David Lodge se fait romancier du réel d’un… autre romancier. En effet, il s’appuie, pour raconter essentiellement la frustration d’Henry James par rapport au succès littéraire, en particulier théâtral, sur « des sources factuelles », mentionnées en fin de volume, et tous les personnages de ce roman ont bel et bien existé, certains ayant été voire étant toujours renommés. Lodge, ainsi qu’il l’écrit en préambule, a « usé d’une licence de romancier en relatant ce qu’ils pensèrent ou ressentirent et les propos qu’ils échangèrent », d’où un fort travail sur des dialogues enlevés, à la teneur et au rythme plausibles, et une grande profondeur psychologique globale offerte à tous les personnages principaux, qu’il s’agisse de James, ses amis, sa famille ou même ceux à son service, secrétaires ou domesticité. Le travail romanesque est aussi lié à la structure du roman, remarquable parce qu’elle permet un aperçu de la carrière et la vie privée d’Henry James tout en restreignant la narration à son agonie et sa mort (première et quatrième parties, les plus brèves, de décembre 1915 à février 1916), et à son désir de devenir un auteur dramatique reconnu, de 1880 à 1897, année où il emménage à Lamb House, son refuge idéal trouvé après des années de villégiatures diverses et même un vague projet vénitien.